Quelles sont les initiatives prometteuses pour prévenir le vapotage chez les jeunes?

Devant la hausse marquée du vapotage chez les jeunes au cours des dernières années, tous s’entendent sur l’importance de prévenir l’initiation à la cigarette électronique et à ses produits dérivés. Mais vers quelles mesures devrait-on se tourner ? L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) s’est penché sur la question dans son rapport intitulé « La prévention du vapotage chez les jeunes : un état des connaissances ».

C’est un fait : le vapotage est de plus en plus populaire chez les jeunes Québécois. Selon les données de l’Enquête québécoise sur le tabac, l’alcool et les drogues chez les élèves du secondaire, 2019 (ETADJES), le nombre d’adolescents du secondaire ayant fait usage de la cigarette électronique dans les 30 jours précédents a quintuplé en six ans, passant de 4 % en 2013 à 21 % en 2019. Durant le même intervalle, l’usage du tabac diminuait de 6 % à 4 % dans ce groupe d’âge.

La popularité des produits de vapotage auprès des jeunes inquiète donc les autorités et les intervenants des milieux de la santé et de l’éducation tout comme elle fait craindre une éventuelle transition des adolescents vers l’usage de la cigarette classique. En effet, plusieurs de ces produits contiennent de la nicotine, qui cause une dépendance et nuit au bon développement du cerveau. Les cigarettes à capsules de type JUUL, SMOK ou Vype, plus petites et discrètes que celles qui les ont précédées, mais qui renferment plus de nicotine, sont également plus attrayantes pour les jeunes.

Dans ce contexte, l’INSPQ a analysé la documentation scientifique publiée jusqu’en mars 2020 et cerné les interventions et les mesures qui se sont révélées les plus prometteuses pour prévenir le vapotage chez les jeunes. Les résultats ont été publiés en mars 2021 dans le rapport « La prévention du vapotage chez les jeunes : un état des connaissances », qui propose aussi quelques pistes de réflexion pour l’avenir.

Miser sur le perfectionnement des compétences des jeunes en milieu scolaire

Plusieurs facteurs peuvent inciter les adolescents à faire usage des produits de vapotage pour la première fois, notamment la curiosité, l’influence de l’entourage et la perception plus positive de la cigarette électronique par rapport à la cigarette traditionnelle. Certaines données d’études semblent indiquer qu’en perfectionnant les compétences psychosociales des jeunes (p. ex., la gestion du stress, les habiletés de communication), il serait possible de modifier ces facteurs et d’ainsi prévenir, dans une certaine mesure, l’initiation au vapotage.

Parmi les interventions retenues dans la recension de l’INSPQ, celles qui se déroulent en classe sous la forme d’ateliers participatifs s’annoncent encourageantes. D’abord, elles contribueraient à améliorer les connaissances des élèves au sujet de la cigarette électronique et de ses dangers. Elles changeraient aussi leur perception de ces produits.

Le programme CATCH My Breath, par exemple, a obtenu des résultats intéressants au Texas. Dans son ensemble, le projet pilote, mené auprès d’élèves de 6e année de 12 écoles (soit six écoles exposées au programme CATCH My Breath et six écoles exposées au programme de prévention du tabagisme habituel), avait pour objectif d’agir sur les déterminants psychosociaux menant les jeunes à s’initier à la cigarette électronique. Le projet comportait quatre séances de 25 minutes animées par des enseignants et des leaders étudiants. On y abordait différents sujets comme l’usage de la cigarette électronique et ses effets sur la santé, la dépendance à la nicotine et l’influence des pairs.

Lors du suivi effectué 16 semaines après le début du projet, les auteurs ont noté une diminution de la perception positive de l’usage de la cigarette électronique chez les élèves ayant participé au programme CATCH My Breath, par rapport à ceux du groupe témoin. L’usage à vie de la cigarette électronique était aussi demeuré relativement stable chez les élèves ayant terminé le programme, passant de 2,8 % au début du projet à 4,9 % lors du suivi de 16 semaines, ce qui ne fut pas le cas dans le groupe témoin (où survenait une hausse de 2,7 % à 8,9 %).

Un essai contrôlé randomisé portant sur le programme CATCH My Breath est en cours. Les premiers résultats seront publiés en 2023.

Des initiatives québécoises en milieu scolaire

Des interventions en milieu scolaire existent déjà au Québec pour prévenir le vapotage. En ce sens, le Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS) propose chaque année différentes activités clés en main aux milieux scolaire et communautaire dans le but de prévenir le tabagisme et le vapotage chez les adolescents de 11 à 17 ans. Les activités du CQTS sont élaborées en cohérence avec le référent ÉKIP. Ce dernier cible les savoirs à étoffer chez les élèves en ce qui a trait notamment aux actions de promotion de santé et de bien-être, soit entre autres la prévention du tabagisme et du vapotage.

Les activités de prévention offertes par le CQTS sont des outils de sensibilisation et d’acquisition des connaissances pour les jeunes. Elles incitent les élèves à réfléchir et à aiguiser leur sens critique, tout en favorisant chez eux un mode de vie sain, sans fumée. En moyenne, de 300 à 400 milieux scolaires et communautaires participent aux trois activités de prévention organisées chaque année par le CQTS.

« C’est assez ancré dans la mentalité des jeunes que la cigarette de tabac est nocive pour la santé et peut mener au cancer, explique le Dr Chadi. Mais pour ce qui est du risque associé au vapotage, ce n’est pas toujours aussi clair pour les adolescents. »

Des messages textes pour rejoindre encore plus de jeunes

Une étude portant sur 69 adolescents et retenue dans la recension de l’INSPQ montre que l’envoi ciblé de messages textes pourrait constituer un outil supplémentaire pour sensibiliser les jeunes aux risques du vapotage. Tout comme les interventions en milieu scolaire, cette stratégie favoriserait leur acquisition de connaissances, et contribuerait à augmenter leur perception du risque lié à l’utilisation de la cigarette électronique.

Selon les auteurs, les messages textes dont le contenu portait sur les bénéfices de ne pas vapoter, ou encore sur les produits chimiques et le développement du cerveau avaient plus d’effet auprès des jeunes que ceux qui traitaient des conséquences négatives de la cigarette électronique ou de la nicotine.

Puisque les adolescents utilisent beaucoup la messagerie texte pour communiquer, ce type d’intervention offre l’avantage de pouvoir entrer en contact plus facilement avec différents groupes de jeunes, notamment ceux qui seraient, autrement, moins accessibles. Au Québec, des initiatives se servant de la messagerie texte pourraient bientôt voir le jour. À cet effet, la Société canadienne du cancer travaille conjointement avec le CQTS à la mise au point d’un projet visant les adolescents et les jeunes adultes de 12 à 24 ans.

Les politiques sans fumée à l’école

L’adoption d’une politique sans fumée dans les établissements d’enseignement pourrait se révéler une mesure efficace pour prévenir le vapotage, quoique les résultats ne sont pas concluants. Il semble que la portée d’une telle mesure se limiterait aux écoles secondaires et qu’elle soit corrélée à la reconnaissance préalable de la problématique du vapotage par le directeur de l’établissement. L’incidence d’une telle politique demeure incertaine dans les cégeps et les universités.

Au Québec, il est interdit de fumer ou de vapoter sur tous les terrains où se trouvent des établissements d’enseignement. Pourtant, nombreux sont ceux et celles qui continuent de fumer ou de vapoter à l’extérieur des écoles secondaires. Afin de favoriser le respect de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme, de prévenir l’usage du tabac et de la cigarette électronique, mais aussi d’appuyer les élèves qui désirent cesser leur consommation, plusieurs écoles ont instauré le Plan pour une génération sans fumée, une démarche soutenue par le CQTS. Notons que du côté des établissements d’enseignement supérieur, les campus sont désormais tenus d’adopter une politique d’environnement sans fumée.

Rendre plus sévère la réglementation des produits de vapotage

Les deux études analysées dans le rapport de l’INSPQ semblent montrer qu’un encadrement plus rigoureux de la promotion des produits de vapotage contribuerait à réduire l’accès et l’exposition des jeunes à la cigarette électronique, ce qui, finalement, influencerait leur volonté de commencer à vapoter. Il en va de même pour l’interdiction de vente de cigarettes électroniques aux mineurs.

Cela dit, une étude a tout de même observé que dans les provinces canadiennes où la vente des produits de vapotage est interdite aux mineurs, les jeunes auraient davantage tendance à se procurer des produits de vapotage en faisant appel à un ami ou à un membre de la famille.

Rappelons qu’au Québec, il est interdit de vendre des produits de vapotage ou d’en faire la promotion à un mineur. Toutefois, plusieurs s’entendent pour dire que la réglementation actuelle doit être resserrée afin de mieux protéger les jeunes. « Les saveurs et la teneur en nicotine des cigarettes électroniques pourraient être des aspects à considérer dans les mesures de prévention », précise dans sa recension l’INSPQ, qui a d’ailleurs déposé un mémoire dans le cadre de consultations publiques pour demander l’interdiction des saveurs dans les produits de vapotage (à l’exception de celle du tabac). À cet effet, Santé Canada a déposé récemment un projet de règlement pour interdire les aromes dans les liquides à vapoter. Ces restrictions, cependant, permettraient encore à l’industrie de commercialiser des versions à saveur, non seulement de tabac, mais aussi de menthe et de menthol (très populaires auprès des jeunes). Depuis juillet 2021, la concentration de nicotine dans les produits de vapotage est également limitée à 20 mg/ml, mais la réglementation sur les saveurs se fait toujours attendre. Il reste à savoir si ces actions réglementaires auront les effets escomptés, ou si l’industrie trouvera une fois de plus une façon de tirer son épingle du jeu.

Des pistes de réflexion pour l’avenir

Même si la recension de l’INSPQ met en lumière des mesures prometteuses en matière de prévention du vapotage chez les jeunes, il n’en demeure pas moins que la documentation sur le sujet est limitée.

En attendant la publication d’études supplémentaires, de méta-analyses et de revues systématiques sur le sujet, « il faut considérer les interventions proposées dans le document de l’INSPQ dans leur ensemble », explique Dr Nicolas Chadi, pédiatre spécialisé en médecine de l’adolescence et en toxicomanie au CHU Sainte-Justine et professeur adjoint de clinique au département de pédiatrie de l’Université de Montréal. Puisque toutes les mesures n’ont pas la même efficacité, ce praticien croit qu’une combinaison d’approches devrait être privilégiée chez les adolescents, tout autant pour prévenir que pour cesser le vapotage.

Certains éléments méritent également d’être pris en compte dans la lutte contre le vapotage chez les adolescents, comme en fait mention la recension de l’INSPQ. Par exemple, il importe de considérer la perception qu’ont les jeunes des risques inhérents à l’usage des produits de vapotage, par rapport à ceux liés au tabac. « C’est assez ancré dans la mentalité des jeunes que la cigarette de tabac est nocive pour la santé et peut mener au cancer, explique le Dr Chadi. Mais pour ce qui est du risque associé au vapotage, ce n’est pas toujours aussi clair pour les adolescents. »

Selon le pédiatre, un travail d’éducation auprès des jeunes s’avère nécessaire afin de bien les informer des risques liés au vapotage. Il faudra toutefois s’assurer que les interventions modifient la perception du risque associé à la cigarette électronique, sans toutefois banaliser l’usage du tabac. Il s’agit malheureusement d’un effet pervers relevé par l’INSPQ dans certaines interventions de prévention menées auprès des jeunes.

En terminant, rappelons que le vapotage et les connaissances scientifiques qui s’y rapportent évoluent rapidement. Les interventions de prévention seront donc appelées à changer et à s’améliorer au fil du temps.

Katia Vermette