Qui sont les jeunes vapoteurs québécois?
Mars 2021 - No 149
Voilà dix ans que la cigarette électronique a fait son entrée au Québec. Comment l’usage de ce produit a-t-il évolué chez les jeunes du secondaire? La situation est-elle semblable ailleurs au Canada? Un rapport de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) intitulé « Portrait de l’usage de la cigarette électronique chez les élèves du secondaire au Québec et dans le reste du Canada, 2016-2017 » répond à ces questions, et va plus loin encore.
Arrivée sur le marché québécois vers 2011, la cigarette électronique a fait son chemin jusque dans les écoles secondaires. C’est du moins ce que démontre le rapport de l’INSPQ publié en novembre 2020, basé sur les données de l’Enquête canadienne sur le tabac, l’alcool et les drogues chez les élèves (ECTADÉ) de 2014-2015 et de 2016-2017. Une réalité qui n’est pas sans causer de dommages : en 2019, un sondage du Programme canadien de surveillance pédiatrique dénombrait 88 cas de blessures ou de maladies liées au vapotage chez les enfants et les adolescents. Ainsi, afin de mieux protéger les jeunes contre les dangers de la cigarette électronique, il importe de connaître l’usage qu’ils en font.
Une loi qui porte ses fruits?
Premier fait saillant du rapport : au Québec, chez les élèves du secondaire, l’usage de la cigarette électronique n’a pas augmenté de manière statistiquement significative entre 2014-2015 et 2016-2017 (passant de 8 % à 10 %), alors que c’est le cas dans le reste du Canada (de 6 % à 9 %). Comment expliquer cette différence?
Entre 2015 et 2017, les jeunes québécois auraient été mieux protégés contre la cigarette électronique que leurs semblables canadiens grâce à la sévérité de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme.
Une partie de la réponse pourrait relever de la Loi concernant la lutte contre le tabagisme. En effet, en 2015, le gouvernement québécois assujettissait la cigarette électronique sensiblement aux mêmes règlements que ceux des produits du tabac, soit notamment l’interdiction de vente aux mineurs et celle d’étaler les produits dans les points de vente qui leur sont accessibles. Bien que, en 2016-2017, d’autres provinces aient délimité la promotion et la publicité pour la cigarette électronique, c’est au Québec que cet encadrement se veut le plus restrictif puisqu’il permet uniquement des publicités dans les médias imprimés dont le lectorat est composé d’au moins 85 % d’adultes. De même, ce n’est qu’en 2018 que le gouvernement canadien a adopté la Loi sur le tabac et les produits de vapotage afin de légaliser et de réglementer la fabrication, la vente, l’étiquetage et la promotion des produits de vapotage. Conséquence? Entre 2015 et 2017, les jeunes Québécois auraient été mieux protégés contre la cigarette électronique que les Canadiens de leur âge.
D’autres données semblent corroborer le rôle bénéfique de la Loi québécoise auprès des jeunes : leur perception de la difficulté à se procurer la cigarette électronique a connu une hausse statistiquement significative entre 2014-2015 et 2016-2017 (de 40 % à 44 %), ce qui n’est pas le cas dans le reste du Canada (de 42 % à 40 %). De plus, en 2016-2017, une proportion légèrement plus élevée de jeunes Québécois que de jeunes Canadiens croyait que l’usage régulier de la cigarette électronique présentait un risque modéré ou élevé pour la santé (68 % contre 65 %). En 2014-2015, on avait observé le contraire (59 % contre 64 %).
Fumeur ou non-fumeur : qui vapote le plus?
Outre ces différences, partout au pays, la proportion d’élèves du secondaire qui vapotent est plus marquée chez les fumeurs de cigarettes combustibles que chez les non-fumeurs. Cependant, comme la prévalence du tabagisme dans ce groupe d’âge demeure faible, le nombre total de vapoteurs est plus élevé chez les non-fumeurs. Concrètement, en 2016-2017, au Québec, environ 23 600 élèves non-fumeurs et 13 800 élèves fumeurs avaient vapoté au cours des 30 derniers jours, selon l’ECTADÉ. Ces chiffres démontrent que la cigarette électronique ne sert pas qu’à faciliter l’arrêt tabagique chez les adultes; elle est, de fait, devenue un objet attirant pour les adolescents fumeurs et non-fumeurs.
Le rapport démontre aussi qu’une majorité de jeunes se procurent leurs cigarettes électroniques par l’entremise de leurs amis, que les garçons vapotent davantage que les filles et que la cigarette électronique gagne en popularité entre la première et la cinquième secondaire. Ce n’est pas tout : les jeunes des régions éloignées vapotent davantage. En effet, selon l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2016-2017, le taux d’usage à Montréal est de 5 %, alors qu’il se situe à 11 % en Estrie et à 20 % en Abitibi-Témiscamingue.
Comme les raisons derrière ces écarts demeurent inconnues, il faudra procéder à des études sur l’usage de la cigarette électronique selon le sexe, le niveau scolaire et les régions. Les données qu’elles généreront permettront d’adapter les interventions aux besoins spécifiques des jeunes.
Les jeunes raffolent des fruits…
Sans grande surprise, les saveurs sucrées des cigarettes électroniques ont la cote auprès des élèves du secondaire. Par exemple, au Québec, les saveurs les plus prisées sont celles de fruits (76 %), de bonbons (48 %) et de dessert (43 %). Une étude de l’Unité de recherche sur le tabac de l’Ontario indique d’ailleurs que les saveurs sont l’une des raisons les plus importantes pour lesquelles les jeunes de 15 à 24 ans s’initient au vapotage.
Pour contrer cet attrait de la cigarette électronique auprès des jeunes, les groupes de santé préconisent l’interdiction totale des arômes, sauf celle du tabac. Une recommandation qu’a également énoncée le rapport du directeur national de la santé publique du Québec, déposé en décembre 2020, et que le ministre de la Santé et des Services sociaux s’est engagé à examiner rapidement. Il faut s’en réjouir puisque, depuis que le Canada a légalisé la vente des produits de vapotage avec nicotine en 2018 et que les cigarettiers ont lancé sur le marché des produits à base de sels de nicotine, le vapotage est en hausse chez les jeunes, comme le démontrent actuellement (et malheureusement!) les données préliminaires de l’Enquête québécoise sur le tabac, l’alcool, la drogue et les jeux chez les élèves du secondaire, 2013 et 2019. Ce sont autant de constats qui prouvent, s’il faut encore le faire, la nécessité de resserrer encore la Loi concernant la lutte contre le tabagisme.
Catherine Courchesne