Des outils pour les jeunes qui veulent cesser de vapoter

Au moment où la prévalence du vapotage bat des records chez les jeunes, les outils se multiplient pour les aider à en cesser la consommation – dans l’attente de lois plus rigoureuses qui préviendront qu’ils s’y initient.

Dans les milieux où les jeunes travaillent, étudient ou s’amusent, le taux de vapotage croît rapidement, alors que celui du tabagisme diminue à peine. On peut parler d’une véritable crise de santé publique. Cela est d’autant plus vrai qu’environ le tiers des jeunes qui inhalent ces aérosols chimiques, aromatisés et nicotinés ont déjà tenté de s’en libérer.

C’est pourquoi des groupes de santé américains, canadiens ou québécois ont créé des programmes et des applications qui visent à les appuyer dans leurs efforts. Ces outils se fondent sur des données probantes et sont offerts en français ou en anglais.

Les jeunes qui vapotent, proches cousins des jeunes qui fument

Les jeunes qui vapotent ressemblent fort à ceux qui fument, même s’ils aspirent un aérosol plutôt que de la fumée de tabac. Comme eux, ils sont plus susceptibles de provenir d’une famille monoparentale ou reconstituée plutôt que d’une famille biparentale ou en garde partagée, ils tendent à toucher une importante somme d’argent de poche chaque semaine et à compter beaucoup d’amis et de parents qui vapotent ou qui fument.

Les justifications qu’ont les jeunes pour consommer ces produits nicotinés se ressemblent aussi. Au-delà de la disponibilité même des produits, la pression des pairs compte pour beaucoup : ils fument ou vapotent généralement pour renforcer leur appartenance à un groupe et faciliter leurs relations sociales. Une bonne part d’entre eux utilisent aussi – à tort – ces produits pour atténuer leur stress ou leurs émotions, même si l’on sait que leur santé mentale se porterait mieux s’ils se libéraient de la nicotine. Enfin, chez un nombre grandissant d’adolescents et de jeunes adultes, la dépendance à la nicotine est le facteur même qui déclenche leur envie de fumer ou de vapoter.

Aider une personne qui vapote à se libérer de sa dépendance ressemble donc beaucoup à aider un fumeur à renoncer au tabac. C’est ce qu’on peut conclure en lisant Interventions efficaces ou prometteuses de renoncement aux produits de vapotage, publié par l’Institut national de santé publique du Québec en avril 2021. Parmi les facteurs d’efficacité de ces interventions, les auteurs notent l’entretien motivationnel, l’usage des thérapies de remplacement de la nicotine et le soutien apporté par un professionnel de la santé.

Un risque que les jeunes sous-estiment

Les jeunes qui vapotent forment malgré tout un groupe distinct. D’une part, même s’ils savent en général que le tabac est nocif, plusieurs d’entre eux estiment que vapoter est sans danger, en confondant l’aérosol des produits de vapotage à de la vapeur d’eau. En effet, des groupes de discussion menés par la Société canadienne du cancer ou le Conseil québécois sur le tabac et la santé composés d’adolescents et de jeunes adultes montrent qu’ils en savent souvent peu sur ces appareils, en dehors des noms de marque et des saveurs qu’ils consomment. Ainsi, la plupart ignorent les effets du vapotage sur leur santé, la quantité exacte de nicotine qu’ils absorbent, leur risque de développer une dépendance ou les ingrédients qui composent ces produits.

L’aspect technologique du vapotage et le grand nombre de saveurs des liquides à vapoter marquent une différence avec le tabac. Enfin, la discrétion des appareils de vapotage permet aux jeunes de se doser – comme ils disent eux-mêmes – presque n’importe où, même en classe, puisque, contrairement au tabac, les cigarettes électroniques ne produisent pas de cendre et leur odeur se dissipe rapidement.

Un fort désir de vivre sans vapoter

Il n’en reste pas moins qu’au Québec, plus du tiers des jeunes aux prises avec le vapotage veulent cesser. Leurs raisons n’étonneront personne : préserver leur santé et leurs économies et appartenir à un groupe qui ne vapote pas.

Environ le tiers des jeunes vapoteurs au Québec veut cesser de vapoter.

Il est urgent de les aider à y arriver, d’autant plus qu’à l’instar des jeunes fumeurs, ils boudent généralement les outils « classiques » de soutien dont l’efficacité est pourtant reconnue, tels les services J’ARRÊTE. Les jeunes savent que ces services existent, mais considèrent qu’ils s’adressent davantage à des fumeurs âgés. On peut les comprendre : le site Web qui présente ces services affiche en haut de page la vidéo d’un adulte, emploie le vouvoiement et… ne mentionne jamais le vapotage.

Une aide repensée

C’est pourquoi des organismes de santé inventent de nouveaux outils. Leur objectif est d’interpeller les jeunes vapoteurs où on les trouve (à leurs cellulaires et sur les réseaux sociaux), d’employer leurs propres codes et de leur offrir une aide personnalisée de qualité, fondée sur des informations fiables, le soutien des pairs et l’acquisition d’un sentiment d’efficacité personnelle.

Truth Initiative : This is Quitting

Le programme This is Quitting de Truth Initiative est la coqueluche de ces outils. Créé en 2019, il n’est malheureusement offert qu’aux États-Unis, mais les groupes et les intervenants ont tout intérêt à s’en inspirer en créant leurs propres outils.

Taux de cessation This is Quitting

This is Quitting s’adresse aux vapoteurs de 13 à 24 ans. Selon une étude publiée dans JAMA Internal Medecine en mai 2021, les vapoteurs de 18 à 24 ans souhaitant cesser qui ont utilisé l’application ont été proportionnellement plus nombreux à cesser (24 %) que les jeunes du groupe contrôle n’y ayant pas eu recours (19 %). Qui plus est, l’ensemble de ces utilisateurs étaient considérés comme très dépendants à la nicotine : la majorité d’entre eux vapotaient tous les jours ou presque, et moins de 30 minutes après leur réveil.

À plusieurs égards, This is Quitting ressemble au Service de Messagerie texte pour Arrêter le Tabac (SMAT) de la Société canadienne du cancer. Les deux outils aident les consommateurs de nicotine à se libérer de leur dépendance en leur envoyant gratuitement et pendant plusieurs semaines des textos interactifs renfermant entre autres des conseils pratiques, des encouragements et des questions suscitant la réflexion.

This is Quitting se distingue toutefois du SMAT par ses messages personnalisés selon l’âge du vapoteur. Mieux encore, ces messages sont écrits et signés par des jeunes ayant tenté de cesser de vapoter, avec succès ou non, ce qui rappelle aux usagers de This is Quitting que d’autres se sont débattus avec la même dépendance. Enfin, l’outil américain se différencie du SMAT par ses collaborations avec des influenceurs et ses vidéos humoristiques qui mettent en scène des jeunes en sevrage de nicotine.

Lung Health Foundation : Quash

Depuis mai 2021, la Lung Health Foundation offre Quash, une application d’origine canadienne, bilingue et destinée aux adolescents de 14 à 19 ans qui fument, qui vapotent ou qui fument et vapotent à la fois.

Quash – qui se traduirait par « étouffer » ou « annuler » en français – se fonde sur les stades de changement et la théorie sociale cognitive. Les stades de changement aident à déterminer à quel point un jeune est prêt à changer en ce moment, tandis que la théorie sociale cognitive fait l’hypothèse d’un développement autonome de l’apprentissage et d’un sentiment d’efficacité personnelle. Concrètement, l’application Quash s’adapte à l’état d’esprit des jeunes et leur permet de suivre leurs progrès en cessation, de gérer leurs envies et leurs rechutes et d’adopter des activités saines. Par exemple, Quash les invite à décrire leurs envies de fumer ou de vapoter à l’instant même, en notant où ils se trouvent, qui les entoure, les émotions qui les habitent, etc.

Grâce à cette application, les jeunes apprennent à reconnaître les obstacles qui les empêchent de vivre sans fumée ni aérosol et à mieux comprendre les forces et les ressources sur lesquelles ils peuvent compter. À leur tour, ces apprentissages leur permettent de prendre de meilleures décisions.

Quash propose également une formation aux adultes pour leur permettre de soutenir les jeunes dans leur démarche d’abandon du tabac, en utilisant Quash. Ce soutien prend la forme de sept séances offertes en personne ou en ligne.

Cette version de Quash, dirigée par un animateur, s’inspire du programme Not on Tobacco de l’American Lung Association. Dans celui-ci, des intervenants animent des groupes de jeunes dans le but d’améliorer leur maîtrise de soi, leurs capacités décisionnelles et, donc, leurs habitudes de vie.

La Société canadienne de pédiatrie : Guide du clinicien sur les conseils à donner aux jeunes et aux parents

Une page recto verso publiée par la Société canadienne de pédiatrie résume les conseils que les professionnels de la santé peuvent donner aux jeunes qui vapotent et à leurs parents.

La première étape est le dépistage, où l’on demande à tous les jeunes de 12 ans et plus s’ils utilisent des produits de vapotage. Ensuite, en s’appuyant sur la méthode des 5 A, les professionnels de la santé sont invités à les questionner sur leur consommation de ces produits ou leur motivation à la réduire ou à y renoncer et, enfin, leur conseiller des stratégies comportementales ou pharmacologiques appropriées. Le guide de la Société canadienne de pédiatrie propose d’ailleurs une vingtaine de questions qui permettent aux cliniciens d’engager la conversation sur ce sujet sensible.

Société canadienne du cancer et Conseil québécois sur le tabac et la santé : des outils à venir

À l’heure actuelle, la Société canadienne du cancer et le Conseil québécois sur le tabac et la santé travaillent à deux outils destinés respectivement aux vapoteurs de 12 à 17 ans et de 18 à 24 ans.

Le soutien offert aux 12 à 17 ans pourrait être offert sur plusieurs plateformes, tandis que celui qui se destine aux 18 à 24 ans prendra la forme de messages texte. Les deux sont complémentaires, seront disponibles dans quelques années et s’intégreront aux services et programme existants, tels que la Ligne J’ARRÊTE, les centres d’abandon du tabac ou le Plan génération sans fumée.

Fondés sur l’entretien motivationnel et la thérapie d’acceptation et d’engagement, ils offriront des informations sur le vapotage et ses méfaits ainsi que des outils permettant aux adolescents et aux jeunes adultes de réfléchir aux raisons qui les poussent à vapoter puis à les inciter à poser des gestes concrets. Ces nouveaux outils comporteront aussi des jeux, de l’accompagnement par les pairs, des exercices, des défis, et l’accès à un groupe de soutien modéré par un spécialiste en cessation.

Des outils indispensables

Les industries du tabac et du vapotage attirent les jeunes avec leurs produits nicotinés, aromatisés et branchés, mais ce sont les groupes communautaires et l’ensemble de la société qui en gèrent les conséquences. Les nouveaux outils de soutien à la cessation destinés aux jeunes sont indispensables. Les initiatives qui les ont vus naître doivent se poursuivre et, évidemment, être évaluées. Toutefois, il faudra aussi continuer les actions en amont, afin de restreindre les pratiques de l’industrie qui poussent les jeunes à s’initier au vapotage.

Anick Labelle