Faits saillants du rapport de l’Organisation mondiale de la Santé sur l’épidémie mondiale du tabagisme

Une publication de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) intitulée Rapport de l’OMS sur l’épidémie mondiale de tabagisme, 2023 : Protéger les gens de la fumée du tabac est parue au courant de l’été et apporte une vue d’ensemble de la situation du tabagisme dans le monde.

La méthode MPOWER

La méthode MPOWER est utilisée par l’OMS afin de déterminer quelles sont les priorités et les mesures à prendre pour protéger la population contre les méfaits du tabagisme. Plus précisément, 71 % de la population mondiale est maintenant protégée par au moins une mesure de la méthode MPOWER, comparativement à 5 % en 2008.

 

Voici ce que signifie l’acronyme :

M : Maintenir une surveillance de l’usage du tabac et des politiques de prévention
P : Protéger les gens contre la fumée du tabac
O : Offrir de l’aide pour aider les gens à arrêter de fumer
W : Avertir les gens des méfaits et des dangers du tabac
E : Renforcer l’interdiction des publicités, de la promotion et du mécénat
R : Augmenter les taxes sur les produits du tabac

Bien que les méfaits du tabac soient clairement définis depuis de nombreuses années, il reste 44 pays, et donc 2,3 milliards de personnes, qui ne sont pas protégées par une mesure dite MPOWER et demeurent donc vulnérables aux méfaits de cette substance.

 

Le tabac encore responsable de huit millions de décès annuels

Chaque année, plus de huit millions de décès sont associés aux tabagismes, ce qui en fait l’un des plus grands problèmes de santé  publique au monde. D’autres sont la pollution environnementale, qui engendre environ sept millions de décès annuels, et la COVD-19, qui a fait près de 2,5 millions de morts dans la seule année 2022. Parmi ces huit millions de décès, on dénombre 1,3 million de personnes, soit une proportion de 14,9 %, qui ne fumaient pas, mais qui ont été exposées à la fumée secondaire. De plus, 92,3 % des personnes non-fumeuses décédées étaient issues de pays à revenus faibles ou intermédiaires. L’exposition à la fumée secondaire est étroitement reliée à la situation socioéconomique.

 

Chaque fois qu’on instaure des mesures législatives visant à restreindre la consommation de tabac, elles sont généralement suivies d’une diminution presque instantanée des niveaux de pollution causée par la fumée secondaire, ainsi que d’une amélioration significative de la santé respiratoire.

Soulignons que 47 000 de ces décès sont ceux d’enfants de moins de cinq ans. Ils n’ont malheureusement aucun pouvoir sur l’environnement dans lequel ils se trouvent et doivent s’en remettre à leur famille. Les données scientifiques sont claires, il n’y a pas de niveau sécuritaire d’exposition à la fumée secondaire.

Mesures mises en place

Les mesures mises en place pour créer des environnements sans fumée s’avèrent efficaces : d’une part, elles protègent les personnes qui ne fument pas des effets de la fumée secondaire et, d’autre part, elles dénormalisent l’usage de la cigarette. Au Canada, par exemple, l’action de fumer est beaucoup moins normalisée maintenant qu’il y a 30 ans, lorsque le taux de tabagisme était nettement supérieur (28,2 %) et qu’on pouvait fumer presque partout à l’intérieur comme à l’extérieur.

 

La mesure la plus efficace pour lutter contre le tabagisme est l’augmentation des taxes sur les produits du tabac. Celle-ci devrait survenir périodiquement, pour refléter l’inflation et la croissance des revenus et ainsi demeurer efficace.

L’industrie du tabac et ses tactiques de vente

Les récentes tentatives qu’a menées l’industrie du tabac pour améliorer sa réputation et élargir son emprise sur les marchés politiques et commerciaux ont consisté à se tourner vers les secteurs du bien-être et de la santé. Elle a investi dans des sociétés pharmaceutiques et de mieux-être, elle a acquis des participations dans ces entreprises.

Certaines des diverses tactiques employées par l’industrie du tabac sont les suivantes :

  • Forger des alliances et constituer des groupes de façade de plus en plus élaborés pour défendre sa cause – la « technique de la tierce partie ».
  • Tenter de fragmenter et d’affaiblir le milieu de la santé publique.
  • Contester et éliminer des informations sur la santé publique. Produire et diffuser des recherches ainsi que des informations trompeuses.
  • Faire du lobbying direct et influer sur l’élaboration des politiques.
  • Influencer les politiques « en amont », y compris les accords commerciaux et les ententes d’investissements, afin de rendre plus difficile l’adoption de règlements en matière de santé publique.
  • Créer des litiges ou des menaces de litige.
  • Faciliter et créer la confusion autour de la contrebande de tabac et exploiter cette confusion pour saper la lutte antitabac.
  • Chercher à gérer et à améliorer sa propre réputation en se présentant comme écologiquement et socialement responsable afin d’accroître sa capacité à influer sur la politique.

Il est important de se fier aux données scientifiques, dans tous les domaines, que celles-ci soient ou non en accord avec notre point de vue personnel.

La science repose sur l’observation, l’expérimentation, l’analyse, et la formulation de théories et de lois basées sur des preuves empiriques. Elle ne devrait pas être teintée d’opinions, d’émotions, et devrait s’en tenir aux faits. Malgré cela, l’industrie du tabac a cherché à contester les preuves des effets néfastes du tabagisme passif sur la santé. Au début des années 2000, alors que les preuves de l’impact de la fumée secondaire sur la santé continuaient de s’accumuler, l’industrie a fait appel à des scientifiques et à des épidémiologistes pour promouvoir le message voulant que la fumée secondaire ne représente aucun danger pour les non-fumeurs. L’industrie a essayé de présenter les risques liés à la fumée secondaire comme étant une simple gêne pouvant incommoder les personnes à proximité des fumeurs.

L’industrie du tabac affirme que fumer est un droit fondamental des personnes. Fumer n’est pas un droit fondamental! Un droit fondamental fait référence à un ensemble de droits et de libertés considérés comme essentiels et inaliénables pour les personnes, en raison de leur statut d’être humain. Ces droits sont généralement reconnus et protégés par des lois nationales et internationales, telles que les constitutions, la Déclaration des droits de l’homme  et les conventions internationales.

L’industrie du tabac adoptera toujours des stratégies pour continuer à vendre ses produits.

Qu’en est-il au Canada?

Le Canada présente une lacune dans sa mise en œuvre incomplète du programme MPOWER. Plusieurs éléments n’ont pas encore été mis en application ici, soit notamment la hausse des taxes sur le tabac jusqu’à atteindre 75 % du prix de détail, la mise en place de campagnes médiatiques de masse fondées sur des données probantes, soutenues par un financement adéquat et durable, ainsi que la prise en charge du traitement pour l’arrêt tabagique dans l’ensemble de la population.

Sur une note plus positive, 99 % de la population canadienne est protégé par des lois sur le tabagisme. Le Canada se classe troisième au monde pour ses taux de réalisations en fait de programmes de traitement de la dépendance au tabac. Les programmes nationaux de lutte antitabac du Canada obtiennent certains des plus hauts rendements à l’échelle internationale. Le Canada sera le premier État au monde à exiger que toutes les cigarettes affichent des mises en garde sur la santé.

L’enjeu de santé publique que pose le tabagisme est substantiel. La diminution de la consommation de tabac ainsi que le traitement de cette dépendance comportent une multitude de composantes complexes qui doivent être prises en compte. Malgré une diminution du taux de tabagisme au Canada et au Québec, il y a encore bien des efforts à déployer si l’on veut que le tabagisme continue de diminuer. La lutte antitabac n’est pas encore terminée.

Caroline Normandin, Ph. D.