Tabac et diabète : un duo risqué!
Juin 2023 - No 162
Les nombreuses recherches sur le tabagisme tendent à démontrer que ce facteur de risque est associé à de nombreuses maladies et qu’il ne s’attaque pas uniquement au système respiratoire. Le diabète n’y échappe pas, et ce peu importe le type.
Le principal facteur de risque de mortalité chez les personnes atteintes de diabète est le tabagisme.
Le diabète est une maladie qui se décline en plusieurs types, les plus communs étant le type I, le type II et le diabète gestationnel (ou de grossesse). Chacun de ces types est essentiellement similaire en ce qui a trait aux symptômes associés, mais diffère plutôt au niveau du déclenchement ou du développement de la maladie.
Selon Statistique Canada, 7,6 % de la population québécoise souffrait de diabète tous types confondus en 2021, ce qui représente un peu plus de 550 000 personnes. Le traitement associé à cette maladie est la prise d’insuline, une hormone naturellement présente dans le corps qui permet de réguler la concentration sanguine de glucose.
Type de diabète | Description | Proportion de personnes atteintes au Québec | Proportion de personnes qui fument et qui sont atteintes |
I | Le corps ne produit pas ou plus d’insuline. |
10 % | 10 à 30 % |
II | Le corps peut développer une résistance à l’action de l’insuline ou en produire moins. |
90 % | 20,8 % |
Gestationnel | Les hormones de grossesses nuisentà l’efficacité de l’insuline et le corps ne parvient pas à en sécréter suffisamment pour compenser. |
3 à 20 % | 24 %* |
* Données à utiliser avec prudence
La nicotine et son effet sur l’insuline
Le tabagisme augmente la résistance à l’insuline. L’insuline est la molécule nécessaire pour que le sucre consommé (glucose) dans notre alimentation passe du sang aux cellules de notre corps. La résistance observée peut s’expliquer, du moins partiellement, par une augmentation de la sécrétion d’hormones induites par la consommation de nicotine. Le cortisol, les catécholamines et l’hormone de croissance interfèrent négativement avec l’action de l’insuline. De plus, la nicotine affecte les cellules responsables de la production d’insuline de façon proportionnelle à la quantité de cigarettes fumées par jour. Il est à noter que la grande majorité des études qui se penchent sur le tabagisme et la résistance à l’insuline étudient les effets de la nicotine seulement. Cependant, la cigarette compte un grand nombre de produits chimiques qui ont possiblement des effets méconnus sur le métabolisme de l’insuline. De cette façon, le taux de glycémie est directement perturbé en raison d’une résistance à l’insuline ou encore sous l’effet d’une diminution de la production de celle-ci. Une glycémie mal contrôlée peut avoir de lourdes conséquences. Selon sa gravité, une hyperglycémie peut, par exemple, mener au coma. Il est donc primordial, voire vital, que la glycémie soit contrôlée.
Le tabagisme et le risque de diabète associé
Il a été démontré que la cigarette augmente de 30 à 50 % le risque de développer un diabète de type II chez les personnes qui fument comparativement aux personnes qui ne fument pas. Ce risque augmente à 54 % chez les personnes qui fument beaucoup, soit plus de 20 cigarettes par jour. De plus, le risque est proportionnel à la quantité de cigarettes consommées chaque jour, puisque pour chaque 10 cigarettes additionnelles, on observe une augmentation du risque de 16 %. Le niveau de risque change selon le sexe des personnes qui fument, soit 27 % chez les femmes et 35 % chez les hommes, comparativement à leurs homologues non-fumeurs.
Il a également été démontré que suivant l’arrêt tabagique, le risque associé au diabète de type II diminue considérablement. Après 10 ans sans fumée, le risque est comparable à celui des personnes qui n’ont jamais fumé. Il s’agit là de résultats bien encourageants.
L’arrêt tabagique est recommandé
Qu’une personne qui fume soit atteinte ou non de diabète, une démarche d’arrêt tabagique est recommandée. Plusieurs services et programmes sont offerts pour aider les personnes qui désirent arrêter de fumer, comme le Nico-Bar, l’aide par messagerie texte du SMAT et les services J’ARRÊTE, qui comprennent l’aide en ligne, l’aide par téléphone au numéro 1 866-JARRETE et l’aide en personne auprès des Centres d’abandon du tabagisme du Québec. De plus, il ne faut pas sous-estimer l’importance de l’accompagnement par un professionnel de la santé lors d’une démarche d’arrêt tabagique, notamment chez les personnes souffrant de diverses maladies comme le diabète. D’une part, les personnes qui reçoivent du soutien ont beaucoup plus de chances de réussir à arrêter de fumer. D’autre part, la nicotine contenue dans la cigarette affecte de nombreuses médications, qui devront alors être revues et réajustées lors de la cessation. En effet, la nicotine peut nuire grandement à l’efficacité d’un médicament. Par exemple, les personnes qui fument beaucoup peuvent voir leur besoin en insuline augmenter de 30 %. Une modification de la dose du médicament est donc à prévoir lors de l’arrêt tabagique.
De nombreux professionnels de la santé peuvent soutenir les personnes qui souhaitent arrêter de fumer. L’article Cessation tabagique : le rôle essentiel des professionnels de la santé travaillant en première ligne explique la fonction que chacun des professionnels peut exercer lors d’une démarche d’arrêt tabagique.
Des mises en garde pour identifier les risques méconnus du tabac
Le diabète n’est pas la seule maladie liée au tabagisme. Celui-ci a des effets sur la santé qui sont parfois méconnus. Les avertissements sanitaires qui se trouvent sur les paquets de cigarettes permettent d’attirer l’attention de la population sur certains de ces effets. « Les mises en garde sur les paquets de cigarettes constituent une façon très rentable de mieux faire connaître les effets néfastes du tabac sur la santé et de réduire le tabagisme », peut-on lire dans le communiqué de presse de la Société canadienne du cancer (SCC) émis suivant la publication du rapport Mises en garde sanitaires sur les paquets de cigarettes de 2021. D’ailleurs, c’est le 31 mai dernier que la bonne nouvelle est arrivée. La ministre fédérale de la Santé mentale et des Dépendances et ministre associée de la Santé, Carolyn Bennet, a annoncé la révision du Règlement sur les produits du tabac (apparence neutre et normalisée), qui sera remplacé par le Règlement sur l’apparence, l’emballage et l’étiquetage des produits du tabac. Au début du mois, la Gazette du Canada publiait les modifications apportées au règlement, qui viendront renouveler et bonifier les avertissements relatifs à la santé qui se trouvent sur les emballages des produits du tabac. Cela signifie que leCanada sera le premier pays au monde à faire imprimer des mises en garde sur chacune des cigarettes. Le règlement modifié entrera en vigueur le 1er août 2023. « Une mise en garde sanitaire sur chaque cigarette est une approche novatrice sans précédent. Grâce à cette mesure, le message se transmettra à chaque nouvelle bouffée de cigarette, il apparaîtra à chaque nouvelle pause cigarette et il atteindra les jeunes qui empruntent des cigarettes à leurs amis. Elle réduira également le tabagisme et l’attrait des cigarettes, aidant ainsi à prévenir le cancer et d’autres maladies. », a déclaré Rob Cunningham, analyste principal des politiques à la SCC. Une des nouvelles mises en garde met justement en lumière le lien entre le tabagisme et le diabète, rappelant la pertinence des mises en garde pour mettre de l’avant les effets néfastes méconnus. En outre, cela implique de nouveaux avertissements sur les emballages des produits du tabac et un plan de rotation de ceux-ci, assurant ainsi l’attention continue des consommateurs.
Caroline Normandin, Ph. D.