Rapport du Surgeon General des États-Unis : la cessation tabagique, un domaine qui ne cesse d’évoluer

Rapport surgeon general et une loupe cigarette
À la lecture du 34e rapport du Surgeon General (SG) se profile une évidence : les connaissances sur la cessation tabagique ont grandement évolué depuis 30 ans. Contexte historique, fumeur type, rôle des professionnels de la santé, tout y est. Faits saillants de ce rapport de 700 pages.

Aux États-Unis, de 1965 à 2017, la prévalence du tabagisme est passée de 52 % à 16 % chez les hommes et de 34 % à 12 % chez les femmes. Des baisses importantes attribuées, en partie, aux progrès réalisés dans le domaine de la cessation tabagique depuis les années 1960, et plus particulièrement depuis le dernier rapport du SG sur la question, en 1990. À l’époque, en raison des données limitées, ce rapport était entièrement consacré aux avantages de l’abandon du tabac et n’abordait pas les facteurs favorisant la cessation ou les résultats de ces tentatives. D’où l’intérêt de ce nouveau rapport de l’administrateur de la santé publique des États-Unis qui, 30 ans plus tard, met à jour les connaissances scientifiques sur la question. En voici les principales conclusions.

Conclusions majeures

D’entrée de jeu, le rapport de 2020 du SG répertorie 10 conclusions majeures. Il y confirme notamment que l’arrêt tabagique améliore l’état de santé et la qualité de vie, et ce, à tout âge. Il confirme aussi que cesser de fumer diminuerait le risque de décès prématuré tout en augmentant l’espérance de vie d’une dizaine d’années. Qui plus est, cela amoindrirait le risque de développer des maladies liées au tabagisme, comme le cancer, les maladies cardiovasculaires, les maladies respiratoires chroniques et les problèmes de santé reproductive. Par conséquent, l’arrêt tabagique réduirait le fardeau financier des fumeurs, des systèmes de santé et de la société.

Parmi les ex-fumeurs américains, moins du tiers auraient utilisé les médicaments de sevrage approuvés ou les thérapies comportementales de soutien à l’arrêt.

Le rapport souligne également le fait suivant : plus de la moitié des adultes aux États-Unis qui ont déjà fumé la cigarette ont arrêté. Par contre, moins du tiers d’entre eux auraient utilisé les médicaments de sevrage approuvés par la Food and Drug Administration des États-Unis ou les thérapies comportementales de soutien à l’arrêt. Pourtant, les études révèlent que ces stratégies sont efficaces et rentables, particulièrement lorsqu’elles sont combinées.

Autre point important du rapport : les Américains ne sont pas tous égaux face à l’usage du tabac et à l’arrêt tabagique. En effet, certains sous-groupes fument plus que d’autres et ont moins recours à l’aide disponible. Mentionnons les personnes souffrant de problèmes de santé comportementale (y compris les troubles de santé mentale et d’abus de substances), les personnes de faible statut socio-économique, les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles ou transgenres, les Autochtones, les immigrants récents de pays à forte prévalence de tabagisme, et finalement, les personnes handicapées.

Le mythe du « noyau dur »

Outre certaines populations défavorisées, le profil typique des fumeurs a évolué au cours des 30 dernières années. Tout d’abord, les données n’appuient pas l’hypothèse d’un prétendu « noyau dur », c’est-à-dire des fumeurs quotidiens qui, malgré l’adoption de lois plus sévères, restent dépendants de la cigarette, sont peu enclins à cesser de fumer ou éprouvent plus de difficultés à le faire. En fait, les données indiquent plutôt le contraire : entre 2005 et 2015, le pourcentage de fumeurs quotidiens a diminué, passant de 81 % à 76 %. En revanche, la proportion de fumeurs occasionnels est passée de 19 % à 24 %. Le rapport dévoile aussi qu’aider les fumeurs occasionnels à cesser de fumer présente des défis importants, notamment parce qu’un bon nombre d’entre eux ne s’identifient pas comme des fumeurs et qu’il existe peu de connaissance sur leurs besoins en termes de soutien à l’arrêt tabagique. Cela dit, le rapport du SG rappelle plusieurs manières d’augmenter l’arrêt tabagique de façon plus générale, comme la hausse du prix des cigarettes, l’adoption de politiques globales de lutte contre le tabagisme, une couverture d’assurance complète pour les traitements, ainsi que la mise en place de campagnes médiatiques et de programmes de lutte antitabac à grande échelle.

Des méthodes approuvées et prometteuses

Le rapport met aussi en lumière les différentes avancées scientifiques sur les méthodes approuvées de cessation tabagique. Le SG rappelle d’abord que les premières Quitlines (l’équivalent anglophone de la ligne J’ARRÊTE) sont apparues à la fin des années 1980 comme un moyen d’aider un grand nombre de fumeurs à peu de frais. Quant aux TRN, mentionnons que, au moment de la publication du premier rapport du SG sur la cessation tabagique, seule la gomme à la nicotine existait. À l’heure actuelle, selon les données disponibles, le meilleur traitement est une combinaison d’interventions comportementales (ex. : les services J’ARRÊTE) et pharmacologiques (ex. : les thérapies de remplacement de la nicotine ou TRN).

Aujourd’hui, pour certains, les cigarettes électroniques font également partie de la grande famille des aides d’arrêt tabagique. À ce propos, le rapport du SG fait d’importantes mises en garde en ce qui a trait à la sécurité et à l’efficacité de ces produits. Premièrement, ils comportent des risques vraisemblablement plus importants pour la santé que les autres TRN, surtout lorsqu’ils sont utilisés à long terme. Deuxièmement, les études prouvant leur efficacité comme aide de cessation tabagique sont insuffisantes, voire contradictoires.

Dernier point : au-delà des différents types de soutien d’arrêt tabagique connus se trouvent des méthodes biologiques prometteuses. Quatre domaines font présentement l’objet de recherches intensives, soit la biologie cellulaire et moléculaire, les vaccins et autres immunothérapies, la génétique et finalement, la neurobiologie.

L’histoire abrégée de la cessation tabagique

À la lecture du rapport du SG se dessine une certitude : la cessation tabagique a énormément évolué depuis 30 ans. Cela s’explique notamment par le fait que, depuis les années 1980, le tabagisme est considéré comme une dépendance à la nicotine plutôt qu’une habitude, ce qui a permis d’impliquer les professionnels de soins de santé dans l’évaluation et le traitement de cette dépendance. Par conséquent, on a vu naître des types de soutien à la cessation tabagique spécifique à ces professionnels, dont une méthode de repérage du tabagisme, d’encouragement à l’arrêt et de maintien de l’abstinence appelée le modèle des 4A pour ask (demander), advise (conseiller), assist (aider) et arrange (organiser). Il y a ensuite eu l’ajout d’assess (évaluer), démontrant l’importance de déterminer le niveau de motivation d’un patient à cesser de fumer afin d’adapter en conséquence le type de soutien dont il a besoin et le suivi.

Cela dit, malgré le développement de ces stratégies d’arrêt tabagique, le rapport de 2020 du SG fait ressortir l’obstacle suivant : ce ne sont pas tous les médecins qui abordent systématiquement le tabagisme au cours de leur pratique clinique. Alors que plusieurs pointent du doigt le manque de temps et de ressources, d’autres ont peur de perdre des patients ou perçoivent chez ces derniers un manque de motivation à arrêter de fumer. Certains déclarent aussi que la lutte contre la dépendance au tabac ne fait pas partie de leur travail.

Le passé, le présent et le futur de la cessation tabagique

Le rapport du SG offre un regard intéressant sur l’évolution du sevrage tabagique, mais également sur les nouveaux défis qui attendent les professionnels de la santé, les groupes de santé et les gouvernements. En effet, étant donné que le tabagisme est désormais conçu comme une maladie chronique requérant des traitements à long terme, le SG martèle l’importance d’adopter une approche holistique qui s’appuie entre autres sur de meilleures pratiques dans le réseau de la santé, sur une couverture complète des aides pharmacologiques, ainsi que sur des campagnes publiques mettant de l’avant les services d’arrêt tabagique. Un conseil judicieux qui s’applique sans contredit aux contextes canadien et québécois.

Catherine Courchesne