Comment renoncer aux produits de vapotage?

Jeune contre le vapotage

Près du tiers des vapoteurs canadiens a essayé de renoncer aux produits de vapotage au cours de la dernière année. Pour les aider à y arriver, l’Institut national de santé publique du Québec a recensé les interventions efficaces ou prometteuses dont peuvent s’inspirer les professionnels de la santé.

INSPQ Interventions efficaces ou prometteuses de renoncement aux produits de vapotage

À l’origine, les produits de vapotage ont été présentés comme des outils incomparables pour abandonner le tabac. Certains demandent même qu’ils soient davantage promus! À l’heure actuelle, le vapotage séduit toutefois davantage les adolescents et les jeunes adultes non-fumeurs… que les adultes fumeurs. En outre, selon l’Enquête canadienne sur le tabac et la nicotine, non moins de 31 % des vapoteurs à l’échelle du Canada ont essayé de se libérer de leur Vuse, leur Logic, leur JUUL ou autre STLTH en 2019.

Dans sa recension intitulée Interventions efficaces ou prometteuses de renoncement aux produits de vapotage, parue en avril 2021, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) examine comment les professionnels de la santé peuvent accompagner les vapoteurs qui souhaitent cesser de vapoter. La recension relève :

  • trois études de cas;
  • les démarches en cours, dont l’évaluation du programme américain This is Quitting;
  • les recommandations de quelques organismes.

Enfin, l’INSPQ met en relief de nombreuses questions qui demeurent non résolues au sujet des interventions ciblant les vapoteurs.

Trois études de cas

Les trois études de cas font état de très bons résultats. Elles signalent un arrêt complet du vapotage au bout de 10 à 12 semaines grâce, notamment, au soutien d’un professionnel de la santé. Dans la première étude, un jeune homme suivi par un pharmacien a réduit graduellement la concentration de nicotine de son liquide à vapoter ainsi que la fréquence de ses séances de vapotage. Dans les deux autres études de cas, le vapoteur a bénéficié du soutien comportemental d’un professionnel de la santé ainsi que d’une thérapie de remplacement de la nicotine ou de varénicline.

This is Quitting DITCHJUUL
Aux États-Unis, l’organisme Truth Initiative invite les jeunes vapoteurs à se filmer lorsqu’ils se débarrassent de manière créative de leur produit de vapotage, et à afficher le résultat sur les médias sociaux, avec les mots-clics #thisisquitting ou #ditchJUUL.
Le succès du programme This is Quitting

L’INSPQ s’attarde aussi au programme This is Quitting, un service de messages texte destiné aux adolescents et aux jeunes adultes créé en 2019 par Truth Initiative. Cet organisme américain sans but lucratif a pour mission de mettre fin à l’usage du tabac et à la dépendance à la nicotine.

This is Quitting envoie des messages qui « comportent des encouragements et du soutien, des exercices pour renforcer l’estime de soi et des stratégies pour faire face aux difficultés liées au renoncement à la cigarette électronique [ainsi que des] informations sur les risques du vapotage, les bénéfices de l’abandon et de la réduction avant l’arrêt », précise la recension de l’INSPQ.

Site web SMAT

Entre 2019 et 2021, près de 240 000 personnes se sont inscrites à ce service. Des résultats préliminaires, cités par l’INSPQ, suggèrent qu’environ 20 % de ses usagers ne vapotaient plus depuis trois mois. Des données plus récentes publiées dans JAMA Internal Medicine révèlent un taux de cessation de 24 % à sept mois. Pour l’INSPQ, le programme This is Quitting pourra certainement inspirer la Société canadienne du cancer, qui a créé le SMAT, ou Service de Messagerie texte pour Arrêter le Tabac, en 2013.

Un programme destiné aux professionnels de santé buccodentaire

L’INSPQ présente aussi des démarches en cours, aptes à inspirer les cliniciens et les intervenants du Québec. Elles comprennent un programme de formation sur le vapotage, créé au Texas, pour des professionnels de santé buccodentaire. Les praticiens texans disaient manquer de connaissances pour intervenir auprès de leurs patients consommateurs de cigarette électronique. Des chercheurs leur ont donc conçu un programme sur mesure afin de les former sur le vapotage et le renoncement, l’identification des vapoteurs et les méthodes d’intervention. À la suite de cette formation, les chercheurs évalueront les pratiques des professionnels de santé buccodentaire ainsi que leur efficacité.

L’INSPQ décrit deux autres initiatives qui s’adressent cette fois aux élèves qui vapotent et au personnel scolaire. La première se base sur l’expérience qu’ont acquise les infirmières scolaires auprès des jeunes vapoteurs afin de concevoir du matériel informatif destiné aux adolescents et un protocole d’intervention clinique utile au personnel.

L’autre initiative est le programme INDEPTH. Conçu par l’American Lung Association, celui-ci s’adresse aux élèves ayant enfreint les règlements de l’école sur le tabac ou le vapotage. Concrètement, il leur propose quatre séances d’information sur l’usage de produits du tabac et de vapotage, sur la dépendance et sur les choix santé.

Les recommandations de l’American Academy of Pediatrics

Enfin, la recension de l’INSPQ présente les rares recommandations formulées par des organismes de santé au sujet des appareils de vapotage.

L’American Academy of Pediatrics est « bien consciente du manque de données probantes par rapport aux interventions efficaces de renoncement aux produits de vapotage », écrit l’INSPQ. L’association américaine recommande néanmoins à ses membres d’intervenir auprès de leur jeune clientèle.

Le Dr Nicholas Chadi est du même avis. Lors d’un webinaire, le pédiatre québécois spécialisé en médecine de l’adolescence et en toxicomanie a présenté les recommandations des pédiatres américains ainsi que celles publiées par la Société canadienne de pédiatrie en avril 2021 (voir l’encadré « Comment aider un jeune à se libérer de la nicotine? »). Une idée particulièrement intéressante, selon l’INSPQ, consiste à défier un adolescent qui affirme pouvoir arrêter de vapoter n’importe quand à ne pas toucher à sa cigarette électronique pendant une semaine. Il pourrait se rendre compte qu’il a plus de mal qu’il croyait à y arriver!

Que recommander aux cliniciens en l’absence de données probantes?

En somme, malgré l’absence de données probantes, « il semble raisonnable de proposer aux cliniciens de s’informer de l’usage des produits de vapotage [auprès] de leurs patients de tout âge », concluent les auteurs de la recension de l’INSPQ. De plus, demander à un patient pourquoi il vapote représente certainement une bonne façon d’aborder les caractéristiques du produit utilisé, ses méfaits à court et à long terme et la dépendance qu’engendre la nicotine.

L’INSPQ estime « raisonnable de proposer aux cliniciens de s’informer de l’usage des produits de vapotage [auprès] de leurs patients de tout âge ».

L’INSPQ recommande aussi aux professionnels de la santé de suivre de près le dossier du vapotage, parce que les connaissances y évoluent vite. Les chercheurs ignorent encore, par exemple, comment déterminer le degré de dépendance à la nicotine que présente un vapoteur. Ils évaluent actuellement si les échelles mesurant la dépendance au tabac peuvent jouer ce rôle.

Une autre interrogation concerne la quantité de nicotine inhalée par les vapoteurs. Celle-ci est liée à la concentration de nicotine dans le liquide vapoté, mais aussi à la puissance de l’appareil et à l’expérience du vapoteur.

Les professionnels de la santé doivent donc se tenir à l’affût des connaissances sur les caractéristiques de ces produits et de leurs effets sur la santé. Ils doivent aussi prendre l’habitude de parler de vapotage, de tabagisme et de nicotine avec tous leurs patients pour soutenir ceux qui aimeraient y renoncer.

Comment aider un jeune à se libérer de la nicotine?

La Société canadienne de pédiatrie offre de nombreux outils destinés aux cliniciens qui souhaitent accompagner leurs jeunes patients vers une vie sans tabac ni vapotage.

Parmi eux, on trouve un webinaire d’une heure traitant des notions de base que les professionnels de la santé doivent maîtriser au sujet du vapotage. Présenté par le Dr Nicholas Chadi, pédiatre spécialisé en médecine de l’adolescence et en toxicomanie, ce webinaire aborde notamment les caractéristiques des produits de vapotage, leurs dangers pour la santé ainsi que les bonnes pratiques d’intervention. Le Dr Chadi invite aussi fortement les professionnels de la santé à signaler à Santé Canada tout effet indésirable causé par le vapotage, afin de fournir à l’agence fédérale un portrait le plus juste possible de la situation.

En ce qui concerne l’intervention auprès des patients, le Dr Chadi recommande aux cliniciens d’effectuer du dépistage et des interventions brèves, puis de déterminer les prochaines étapes à suivre.

Le dépistage consiste à questionner toutes les personnes de 12 ans et plus sur leur usage de substances psychoactives. Il existe pour ce faire de nombreux outils validés, tels le S2BI ou le CRAFFT. La Société canadienne de pédiatrie estime que la question du S2BI sur le tabac peut être adaptée au vapotage. Les patients répondent à l’un ou l’autre de ces questionnaires en cinq minutes ou moins. De plus, « les jeunes peuvent le faire par eux-mêmes, ce qui favorise l’honnêteté », dit Dr Chadi.

Une fois le dépistage terminé, le Dr Chadi invite les professionnels de la santé à féliciter les jeunes qui ne consomment aucune substance psychoactive et à intervenir auprès de ceux qui en consomment au moins une fois par mois.

L’intervention peut alors s’appuyer sur différentes méthodes : l’entretien motivationnel, une application pour téléphone intelligent, les services J’ARRÊTE, le biofeedback, etc. L’important est de respecter quelques grands principes :

  • mettre l’accent sur les forces du jeune afin d’affermir sa confiance à cesser de vapoter;
  • lui conseiller d’envisager de cesser l’usage de tout produit psychoactif;
  • lui donner des renseignements sur les dangers du vapotage pour sa santé;
  • évaluer sa disposition à cesser de vapoter sur une échelle de 1 à 10;
  • ne pas lui recommander le vapotage comme outil de cessation du tabac;
  • s’il vapote quotidiennement, lui proposer des thérapies de remplacement de la nicotine (TRN) en plus des approches comportementales;
  • ne pas porter de jugement sur son comportement.

Le choix des prochaines étapes, en dernier lieu peut inclure, par exemple, du counseling, une ordonnance pour des TRN et la référence aux services J’ARRÊTE ou à un centre de réadaptation en dépendance, selon le besoin du jeune. Histoire de le garder en pleine santé!

Anick Labelle