De nouvelles mesures fédérales pour limiter l’accessibilité et l’attrait des sachets de nicotine
Novembre 2024 - No 170
Le 28 août dernier entraient en vigueur de nouvelles règles restreignant la commercialisation et la vente des sachets de nicotine. Très attendues, ces mesures visent à contrecarrer l’utilisation récréative de ces produits en limitant leur attrait auprès des jeunes et leur facilité d’accès dans la plupart des provinces.
Commercialisés au Canada en octobre 2023 en tant que thérapie de remplacement de la nicotine (TRN), les sachets de nicotine Zonnic ont fait plusieurs fois les manchettes au cours de la dernière année. Son fabricant, Imperial Tobacco Canada, avait en effet tiré profit d’une faille dans la règlementation pour promouvoir son produit avec des publicités qui intéressaient les jeunes.
Loin de cibler uniquement les personnes qui désirent entamer une démarche de cessation tabagique, le markéting du Zonnic s’appuyait sur des emballages aux couleurs éclatantes et des saveurs évoquant le plaisir et un style de vie branché. Le ministre fédéral de la Santé, Mark Holland, avait rapidement dénoncé la problématique et annoncé son intention d’agir pour protéger la santé des jeunes. Sa volonté s’est récemment concrétisée.
De nouvelles mesures règlementaires pour protéger les jeunes
Le 28 aout dernier est entré en vigueur l’Arrêté sur les règles supplémentaires visant les thérapies de remplacement de la nicotine, qui cible les TRN destinées à être utilisées dans la bouche et qui contiennent 4 mg ou moins de nicotine (ou ses sels) par dose.
Le décret ministériel poursuit deux objectifs : 1) réserver l’utilisation des TRN aux adultes qui désirent cesser de fumer et 2) réduire l’attrait des jeunes pour ces produits et leur utilisation à des fins récréatives.
Voici les nouvelles mesures qui s’appliquent désormais aux TRN visées, incluant les sachets de nicotine :
- Ces TRN peuvent uniquement être vendues par un.e pharmacien.ne ou par une personne travaillant sous sa supervision. Elles doivent aussi être conservées en tout temps derrière le comptoir de la pharmacie, ce qui aura pour effet d’étendre les mesures déjà en place au Québec et en Colombie-Britannique à l’ensemble du Canada.
- La vente des TRN avec un arôme autre que la menthe ou le menthol est aujourd’hui interdite.
Les fabricants disposeront également d’une période de transition de six mois pour se conformer aux mesures suivantes, relatives à la publicité et à l’étiquetage des sachets de nicotine et autres TRN ciblées :
- L’interdiction de publiciser ou de promouvoir ces produits et d’utiliser un étiquetage et un emballage susceptibles d’attirer les jeunes.
- L’obligation, pour les fabricants de ces TRN, de soumettre des maquettes d’étiquettes et d’emballages pour toutes les licences de TRN nouvelles ou modifiées afin de s’assurer qu’elles ne présentent pas d’attrait pour les jeunes.
- L’obligation d’exposer, sur la face avant de l’emballage, un avertissement concernant la dépendance à la nicotine de même qu’une indication claire à l’effet que l’utilisation de ces TRN vise l’aide au sevrage tabagique chez les adultes qui tentent de cesser de fumer.
La portée de ces mesures va cependant bien au-delà des seuls sachets de nicotine actuellement en vente sur le marché canadien. En resserrant les exigences règlementaires de la sorte, le gouvernement fédéral s’assure maintenant que les fabricants qui commercialiseront des TRN destinées à être utilisées par la bouche n’auront pas les jeunes dans leur ligne de mire.
Des mesures saluées par de nombreux acteurs
À la suite de l’annonce de ces nouvelles restrictions, plusieurs groupes de lutte antitabac ont salué la volonté du gouvernement fédéral de protéger la santé des jeunes et de limiter l’utilisation des TRN aux seules personnes qui désirent se défaire de leur dépendance à la nicotine.
« Ces restrictions aideront à protéger les jeunes contre le markéting de l’industrie du tabac et contre la dépendance à la nicotine », a déclaré Rob Cunningham, analyste principal des politiques à la Société canadienne du cancer, dans un communiqué diffusé après l’annonce des nouvelles mesures par le ministre Holland. « Nous devons éviter de répéter l’expérience qui a causé une hausse importante du taux de vapotage chez les jeunes. »
Même son de cloche dans la déclaration publiée par la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. Sa porte-parole et codirectrice, Flory Doucas, convient que le ministre Holland « fait preuve de détermination et d’imagination, ayant trouvé rapidement une voie flexible pour contrer la popularité grandissante des produits de nicotine chez les jeunes canadiens ».
Diverses instances telles que Médecins pour un Canada sans fumée et l’Association pulmonaire canadienne ont également appuyé l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions encadrant les sachets de nicotine et autres TRN émergentes.
De son côté, le vice-président aux affaires règlementaires et corporatives chez Imperial Tobacco Canada, Éric Gagnon, a indiqué au média CityNews qu’il se conformerait aux nouvelles normes règlementaires même si celles-ci se voulaient selon lui décevantes. Sans surprise, des chaines de dépanneurs, dont Couche-Tard, cherchent depuis à invalider les récentes règles, qu’elles jugent inconstitutionnelles.
Vers une interdiction fédérale des saveurs dans les produits de vapotage?
L’entrée en vigueur rapide des nouvelles mesures applicables aux sachets de nicotine, notamment l’interdiction de saveur dans ces produits (à l’exception de la menthe et du menthol), remet sur la table la question de l’interdiction fédérale des saveurs dans les produits de vapotage. Rappelons que le projet de règlement fédéral déposé en 2021 n’a toujours pas été adopté trois ans plus tard. Les choses seraient cependant sur le point de changer. En octobre dernier, des groupes antitabacs ont conjointement demandé la démission de la ministre de la Santé mentale et des Dépendances, Ya’ara Saks, si les saveurs dans les produits de vapotage n’étaient pas rapidement bannies au pays. En entrevue à CBC News quelques jours plus tard, la ministre a annoncé que la règlementation serait bientôt instaurée. Espérons-le!
Katia Vermette, réd. a.