Huit chaînes de pharmacies proposent une réduction draconienne du nombre de points de vente

Dans le cadre de la consultation écrite sur les mesures législatives antitabac qu’a menée le ministre Rochon, huit chaînes de pharmacies du Québec avaient déposé, en janvier 1996, un mémoire dont la première recommandation était la création « dans les plus brefs délais d’une Régie du tabac pour contrôler la vente et la distribution des produits du tabac au Québec ».

Ce mémoire suggère d’utiliser les quelque 300 succursales de la Société des alcools pour la vente exclusive des produits du tabac. « La diminution draconienne du nombre de points de vente devrait, selon toute logique, avoir des effets bénéfiques sur la lutte au tabagisme », fait-on valoir.

Ce groupe de bannières, totalisant 764 établissements dont les PJC Jean Coutu, Uniprix et Pharmaprix, ne veut rien savoir d’une interdiction de vendre le tabac qui ne s’appliquerait qu’aux pharmacies. « En visant les pharmacies, on ne toucherait qu’une proportion minime des points de vente où l’ont peut se procurer des cigarettes », peut-on lire en gras dans son mémoire.

Ces commerçants préconisent un audacieux virage dans la mise en marché du tabac : « La cigarette est un produit facile à se procurer et les fumeurs peuvent s’approvisionner à des dizaines de milliers de points de vente (…) Une solution efficace au tabagisme passe par une réduction substantielle de l’accessibilité au produit. »

En alternative au réseau de la Société des alcools, le groupe a même proposé au gouvernement de confier aux pharmaciens la distribution exclusive des produits du tabac. « Les pharmaciens sont en effet les spécialistes de la vente de produits qui créent une accoutumance, de médicaments et de drogues. À bien des égards, les caractéristiques de la cigarette correspondent à plusieurs des produits en officine pharmaceutique », explique-t-on.

En marge de sa comparution devant le Comité de discipline, le 18 décembre 1995, Jean Coutu avait d’ailleurs dévoilé à des journalistes l’orientation principale des recommandations appuyées par ces pharmaciens propriétaires. « Et ma solution, celle que je vais proposer au gouvernement, c’est d’en faire un produit contrôlé, régi par une régie des tabacs et vendu, non pas par n’importe qui, vendu par des gens qui n’ont pas d’autres choses à vendre que du tabac », avait-il déclaré au réseau TQS.

La présidente de l’Ordre des pharmaciens du Québec, Janine Matte, n’a pas lu ni reçu le mémoire des huit bannières. Elle considère toutefois farfelue l’idée de confier le monopole du commerce du tabac aux pharmaciens, ce qui les placerait dans « une situation chaotique, contraire aux tendances canadiennes et mondiales de sortir les cigarettes des pharmacies ».

Denis Côté