Quand les réseaux sociaux mettent la vapoteuse sous les projecteurs

Quand les réseaux sociaux mettent la vapoteuse sous les projecteurs

Les médias sociaux jouent un rôle majeur dans la promotion et la normalisation du vapotage chez les jeunes, ce qui soulève d’importantes préoccupations en matière de santé publique.

Voir des gens qui fument ou qui vapotent au cinéma ou à la télévision fait partie du quotidien. Que ce soit dans n’importe quel type d’émission télévisée ou de film, des acteurs et des actrices consomment des produits de tabac ou de vapotage depuis bien des années. Ces gestes semblent empreints d’une certaine normalité, qui banalise les méfaits qu’engendre la consommation de ces produits.

L’industrie du tabac a certainement profité de la publicité gratuite réalisée par toutes les plateformes de diffusion en continu qui, par le visionnement des émissions en boucle, exposent continuellement les jeunes à des scènes de tabagisme et vapotage. En 2019, le géant Netflix a cependant décidé de ne pas introduire de scènes comportant du tabac ou des produits de vapotage dans les émissions destinées à un public de 14 ans et moins. En outre, la société a décidé de raréfier les images de tabac et de vapotage dans ses productions, puisqu’elle est consciente de l’effet négatif qu’elles peuvent avoir sur les jeunes. C’est, en effet, ce que signale l’enquête While You Were Streaming 2022 de truth initiative, publiée en 2023 :

« les jeunes sont trois fois plus susceptibles de commencer à fumer lorsqu’ils sont exposés à des scènes de tabac dans les émissions populaires de télévision » *.

De l’influence de la télévision à celle des réseaux sociaux

Cette banalisation de la consommation du tabac et des produits de vapotage n’a pas épargné les médias sociaux. Ces derniers sont utilisés par la majorité, soit 79 %, des adultes, des adolescents et des enfants, selon l’enquête de NETendances menée en 2022, intitulée Actualités en ligne, réseaux sociaux et balados. Un récent sondage a révélé que 86 % des enfants de 9 à 11 ans fréquentaient les plateformes destinées aux jeunes de 13 ans et plus. Rappelons que la procédure suivie par la majorité des plateformes pour la vérification de l’âge des usagers consiste à exiger leur date de naissance. Cette façon de faire présente à coup sûr des failles. Les jeunes adolescents sont très influençables, puisque cette période de leur vie est caractérisée par le développement de l’indépendance, l’expérimentation, les préoccupations identitaires et la prise de risques.

Quand les réseaux sociaux mettent la vapoteuse sous les projecteurs

Déjà, en 2018, Info-tabac publiait à ce sujet : « Quand les cigarettiers se servent des réseaux sociaux : des influenceurs sont payés par l’industrie pour promouvoir les produits de tabac et vapotage ». Et des années plus tard, il n’y a toujours pas de changement. Une étude de 2020 constate que sur les réseaux sociaux, il y a 10 000 fois plus d’actualités qui sont en faveur du vapotage que contre lui! C’est bien suffisant pour influencer les jeunes, quand ils sont bombardés de publicités réalisées par leurs pairs. Lorsqu’ils voient leurs amis ou des influenceurs qu’ils admirent vapoter, ils peuvent être incités à essayer à leur tour, sans compter que cette tendance mène aussi à la normalisation du vapotage. Le taux de vapotage ayant augmenté de façon exponentielle, on peut supposer qu’il existe également un nombre grandissant de publications faisant la promotion de cette habitude. L’influence qu’exercent les médias sociaux sur le vapotage chez les jeunes est un sujet complexe et controversé, puisqu’ils peuvent avoir une incidence significative, positive ou négative, sur les attitudes, les croyances et les comportements des jeunes.

Quand les réseaux sociaux mettent la vapoteuse sous les projecteurs

Les médias sociaux peuvent également diffuser de la désinformation sur les avantages supposés qu’a le vapotage par rapport au tabagisme traditionnel, en minimisant les risques associés. Les jeunes peuvent être plus enclins à essayer le vapotage s’ils croient que c’est une solution de rechange sans danger. Au fait, 40 % des personnes âgées de 16 à 25 ans vont sur les médias sociaux pour y trouver de l’information. Une donnée préoccupante, quand on sait que n’importe qui peut se proclamer expert dans un domaine et publier à sa guise sans se préoccuper de citer des sources fiables. L’Organisation mondiale de la Santé, lors de la Journée mondiale sans tabac, en 2020, avait lancé une campagne de sensibilisation intitulée #ExposésAuTabac, qui visait à déboulonner les mythes et à exposer les tactiques de marketing dont se sert l’industrie pour attirer une nouvelle génération de personnes vers le tabagisme ou le vapotage.

Quand les réseaux sociaux mettent la vapoteuse sous les projecteurs

À quand des influenceurs éthiques?

De nombreux arguments étayent l’idée que les influenceurs devraient se prêter à un code de déontologie. Ils ont une grande ascendance sur leurs publics, en particulier chez les jeunes, si bien que leurs actions et leurs messages peuvent avoir des conséquences significatives. Un code de déontologie pour les influenceurs pourrait promouvoir leur responsabilisation, la transparence de leurs activités et des pratiques positives dans leurs interactions avec leurs abonnés.

Les influenceurs devraient être imputables envers leur public en raison de leur capacité à agir sur les opinions et les comportements. Un code de déontologie pourrait les encourager à diffuser des informations précises et vérifiées, et à éviter de promouvoir des produits ou des comportements nuisibles, comme le vapotage. Les influenceurs peuvent contribuer à propager la désinformation, communément appelée les fausses nouvelles, ou « fake news » en anglais. Une ligne de conduite pourrait encourager la vérification des faits et la diffusion d’informations justes, et ainsi alimenter la lutte contre la désinformation.

Aussi, les influenceurs travaillent souvent avec des marques commerciales pour promouvoir des produits ou des services. Il serait utile d’exiger une divulgation transparente de ces partenariats, de sorte que les abonnés puissent clairement repérer le contenu commandité.

Cependant, la mise en œuvre d’un code de déontologie pour les influenceurs peut être complexe, car elle soulève beaucoup de questions sur la liberté d’expression, l’autorégulation, la censure et le contrôle. Certains pays ont déjà instauré des lignes directrices ou des règlements pour les influenceurs. Il en est de même pour certains organismes et compagnies qui choisissent soigneusement les influenceurs avec lesquels ils collaborent en veillant à ce qu’ils adhèrent à la même vision.

L’idée d’un code de déontologie souligne l’importance d’une réflexion continue sur le rôle et les responsabilités des influenceurs dans l’espace numérique. Malgré cela, il ne faut pas oublier tous les effets positifs que les médias sociaux peuvent générer. De plus en plus d’influenceurs prônent l’acceptation de soi, les saines habitudes de vie et l’authenticité. Bon nombre d’organismes et de professionnels de la santé se servent de diverses plateformes pour informer et sensibiliser les gens sur la santé ou sur l’actualité des enjeux sociaux, entre autres. Il s’agit également d’un moyen facile et rapide de faire de la prévention et de rejoindre un grand nombre de personnes.

À cette fin, il existe des outils gratuits auxquels on peut accéder. L’une des activités clés en main du CQTS, Es-tu la cible?, a pour objectif de susciter une réflexion critique menant à des choix réfléchis. Une vidéo d’EPAV média y contribue en expliquant les stratégies de marketing aux jeunes.

Il y a certainement des règlements qui pourraient être mis en place afin de diminuer l’exposition des jeunes au tabagisme et aux produits de vapotage. Certaines plateformes peuvent authentifier le compte de leurs abonnés. Pourquoi ne pas faire de même, systématiquement, avec les publications?

De surcroît, il est essentiel de continuer à informer et à sensibiliser les jeunes aux dangers de ces substances afin que l’histoire du tabagisme ne se répète pas!

* Traduction libre

Caroline Normandin, Ph. D.