Une réglementation plus sévère prévue pour restreindre la commercialisation et la vente de sachets de nicotine

Une réglementation plus sévère prévue pour restreindre la commercialisation et la vente de sachets de nicotine

Le ministre fédéral de la Santé, Mark Holland, a annoncé le 20 mars 2024 un plan d’action pour restreindre la vente des sachets de nicotine aux personnes de 18 ans et plus ainsi qu’à la seule indication pour laquelle ces produits ont été approuvés par Santé Canada, à savoir la cessation tabagique.

Remontons un peu le temps. En juillet 2023, Santé Canada a approuvé la vente de sachets de nicotine, aussi appelés « pochettes de nicotine sans tabac » ou « pochettes buccales de nicotine », en vertu du Règlement sur les produits de santé naturels. Vendus sous le nom commercial Zonnic, ces sachets sont présents sur le marché canadien depuis le 12 octobre 2023. Or, le règlement ne prévoit aucun âge minimal ni d’endroits désignés pour la vente des sachets de nicotine, offerts par ailleurs en plusieurs saveurs. Comme l’ensemble des autres produits de santé naturels, y compris ceux dédiés à la cessation tabagique, les pochettes de nicotine peuvent donc être vendues à des adultes autant qu’à des mineurs, et ce, non seulement dans les pharmacies, mais également dans les stations-service et les dépanneurs de presque toutes les provinces.

« Ne touchez pas à nos enfants! », affirme le ministre Mark Holland

Les groupes de santé et autres intervenants ont sonné l’alarme relativement aux publicités qui encouragent la consommation de ces pochettes en ciblant les jeunes adultes et en associant ces produits à un style de vie branché. En réponse à leurs demandes pressantes, le ministre Holland a annoncé lors d’une conférence de presse le 20 mars dernier la mise en place d’un plan d’action ayant pour objectif de réduire l’accessibilité des sachets de nicotine et leur attrait pour les jeunes canadiens. « Il est devenu évident que la réglementation de ces produits présente des lacunes et des faiblesses », a-t-il déclaré. Il est temps, selon lui, d’agir pour protéger nos enfants.

Le jour même, le gouvernement du Canada publiait sur son site Web un avis d’intention d’examiner les options législatives et réglementaires pour protéger davantage les jeunes des risques associés aux thérapies de remplacement de la nicotine (TRN) ainsi qu’une mise à jour de l’avis public concernant les sachets de nicotine. L’étau commence donc à se resserrer autour d’Imperial Tobacco Canada, qui commercialise le Zonnic, pour le moment le seul sachet de nicotine sur le marché au pays.

Des mesures pour mieux encadrer les sachets de nicotine dès maintenant… et dans le futur

Dans un communiqué commun, la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT), Médecins pour un Canada sans fumée et ASH-Canada ont applaudi le plan d’action du ministre Holland, le qualifiant même de « décisif ».

Parmi les mesures proposées par le ministre fédéral de la Santé pour mieux encadrer les TRN, dont les sachets de nicotine, notons les suivantes :

  • Restreindre les arômes de ces produits à ceux qui sont considérés comme essentiels pour favoriser la cessation tabagique. Actuellement, le Zonnic est offert en trois saveurs : « baies givrées », « menthe fraîche » et « brise tropicale », qui constituent non pas des « saveurs », mais bien une façon d’évoquer un sentiment de plaisir.
  • Limiter la promotion des sachets de nicotine aux seules fins de l’indication pour laquelle ils sont approuvés, c’est-à-dire la cessation tabagique. Avec son marketing coloré et axé sur un mode de vie « cool », Imperial Tobacco Canada promeut de manière agressive ses produits par le biais des réseaux sociaux, mais également dans les commerces canadiens avec des étalages qui attirent l’œil et qui sont stratégiquement disposés près des friandises. Un cocktail qui rappelle le marketing des cigarettes d’une ère passée.
  • Circonscrire la vente des sachets de nicotine aux pharmacies. En limitant la vente du Zonnic en pharmacie, on s’assurera qu’elle passe par une consultation avec un pharmacien ou une pharmacienne, favorisant ainsi une utilisation plus sécuritaire du produit.

« L’action du ministre est entièrement justifiée, notamment pour empêcher l’usage récréatif de produits nicotiniques par les non-fumeurs et tout particulièrement par les jeunes », explique Cynthia Callard, directrice de Médecins pour un Canada sans fumée. Elle ajoute que « la promotion irresponsable d’Imperial Tobacco, qui présentait la consommation des sachets nicotiniques comme un “style de vie” attrayant pour les jeunes adultes aux modes de vie branchés, distinguait les sachets du cigarettier des autres thérapies pharmaceutiques de cessation ».

Les groupes de lutte antitabac souhaitent que des actions fermes suivent la déclaration du ministre Holland. « En fait, maintenant que le ministre comprend l’importance d’empêcher la dépendance à la nicotine par le biais de sachets, nous espérons pouvoir compter sur lui pour appliquer le même sentiment d’urgence envers l’épidémie du vapotage chez les jeunes », précise Les Hagen, directeur de ASH-Canada dans le communiqué commun publié le 20 mars 2024 en réponse à la déclaration du ministre fédéral de la Santé.

Le Québec et la Colombie-Britannique en avance sur la réglementation

Deux provinces ont devancé le gouvernement fédéral en restreignant la vente des sachets de nicotine aux pharmacies. La Colombie-Britannique fut la première province à rapatrier la vente de ces TRN sous l’œil vigilant des pharmaciens. Le ministre britanno-colombien de la Santé, Adrian Dix, en a fait l’annonce le 7 février, soit plus d’un mois avant la déclaration du ministre Holland.

Au Québec, la réglementation octroie aux pharmaciens seulement le droit de vendre des sachets de nicotine, et ce, depuis leur mise en marché. Lors de leur commercialisation, on pouvait cependant les trouver parmi les autres TRN, en accès libre aux clients, adultes ou mineurs, ce qui préoccupait les pharmaciens. Après l’envoi d’un premier communiqué à ses membres le 29 novembre 2023 les invitant à demeurer vigilants au sujet des enjeux soulevés par ces produits, l’Ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) est revenu à la charge le 24 janvier 2024, après avoir constaté la popularité des sachets de nicotine auprès des jeunes. Dans un second communiqué, l’OPQ recommandait fortement à ses membres de conserver les sachets de nicotine au laboratoire, où ils seraient offerts uniquement après une consultation avec un pharmacien ou une pharmacienne.

À l’heure actuelle, les règles fédérales permettent toujours les publicités de type « style de vie » pour les sachets de nicotine. Cependant, à la lumière du budget fédéral déposé le 16 avril dernier, la volonté du ministre Holland semble vouloir se concrétiser. Le gouvernement confirme en effet son intention de s’attaquer aux utilisations non prévues des produits thérapeutiques, dont les sachets de nicotine. Les prochains mois devraient nous éclairer à ce sujet.

Katia Vermette, réd. a.