Santé Canada plaide aux côtés d’Imperial Tobacco

Santé Canada a choisi de se ranger du même côté que le principal fabricant de cigarettes au pays afin de faire invalider un projet de recours collectif contre les cigarettes « douces » et «légères ». Les audiences, en vue d’autoriser ou non une telle poursuite, se sont tenues du 25 au 29 octobre 2004, devant la juge Deborah Satanove de la Cour suprême de la Colombie-Britannique.

Impliqué dans le dossier malgré lui – après que le cigarettier l’eut nommé comme tierce partie – Santé Canada juge la poursuite trop vaste. « Si le gouvernement s’oppose à la tenue d’un recours collectif, ce n’est pas parce qu’il appuie la position de la défense [Imperial Tobacco Canada] et qu’il croit que la cause du requérant [M. Knight] ne mérite pas d’être soutenue, c’est plutôt parce que le recours n’est pas la façon la plus appropriée de résoudre ce litige », a expliqué son représentant à la Cour.

Amorcée en mai 2003 par Kenneth Knight, un citoyen de Roberts Creek, une ville du sud-ouest de la province, l’action juridique a pour but d’indemniser financièrement « toutes les personnes qui ont acheté en Colombie-Britannique, des cigarettes douces ou légères distribuées ou vendues par Imperial Tobacco Canada (ITC) ». M. Knight soutient que les pratiques commerciales d’ITC sont frauduleuses parce que les cigarettes « douces » ou « légères » ne sont pas plus sécuritaires que les marques régulières. Déposée en vertu de la Trade practice Act (Loi sur les pratiques commerciales) et de la Class proceedings Act (Loi sur les recours collectifs), la requête vise également le retrait de ces appellations trompeuses « conçues pour transmettre aux consommateurs un message rassurant pour la santé ».

ITC nie les allégations de fraude

Imperial Tobacco a, pour sa part, nié les allégations de fraude, sous prétexte que ces termes descriptifs constituent une partie intégrante de sa marque de commerce. « Ils font référence aux niveaux de goudron, de nicotine et d’autres substances présentes dans la fumée, qui sont inférieurs à ceux des marques régulières, tels que mesurés par une méthode d’évaluation établie », peut-on lire dans son plaidoyer.

La compagnie de tabac déclare que c’est à la demande du gouvernement fédéral qu’elle a développé ce type de cigarettes, à la fin des années 1970. « Le gouvernement fut d’ailleurs le premier à présenter les cigarettes à faible teneur en goudron comme étant moins dommageables pour la santé des fumeurs », se défend-t-elle.

Les groupes antitabac insatisfaits

Selon le directeur exécutif de l’Association pour les droits des non-fumeurs (ADNF), Garfield Mahood, Santé Canada aurait dû lutter pour ne pas être nommé comme tierce partie par la compagnie. « Le gouvernement a plutôt adopté une position immorale en s’opposant à l’autorisation du recours et en reniant les droits des milliers de personnes qui ont été victimes des pratiques prédatrices de l’industrie du tabac », déplore-t-il.

Insatisfaite du travail accompli par le ministère de la Santé à ce sujet, l’ADNF compare l’inaction de Santé Canada à l’égard des appellations trompeuses à la lenteur du gouvernement à retirer du marché les produits sanguins infectés lors du scandale du sang contaminé.

L’organisme Médecins pour un Canada sans fumée (MCSF) souhaite également que le recours soit autorisé. « Les compagnies de tabac ne se sont pas souciées de leurs obligations envers leurs clients et le gouvernement a lui aussi manqué à son devoir d’informer les consommateurs, regrette le Dr Atul Kapur, président de MCSF. Le dernier recours dont disposent les citoyens, est d’aller devant les tribunaux pour mettre fin à cette fraude. Si ce recours collectif est autorisé, la justice et la santé publique auront toutes deux progressé.»

La juge Satanove ayant pris l’affaire en délibéré, il ne reste plus qu’à attendre l’émission de son jugement afin de savoir si le premier recours collectif canadien sur les « douces » et «légères» pourra avoir lieu.

Josée Hamelin