Poursuite civile en Ontario contre BAT

C’est maintenant au tour de British American Tobacco, la société-mère d’Imasco, de se retrouver sur la sellette et de faire face à une poursuite civile de 1 million $ en Ontario.

En effet, les avocats de Mirjana Spasic, cette Ontarienne victime d’un cancer du poumon dont nous vous parlions dans notre numéro de juin, ont choisi d’intenter une deuxième poursuite en dommages et intérêts, cette fois-ci contre B.A.T. Industries p.l.c. à Londres. Ils n’entendent pas pour autant laisser tomber leurs accusations contre Imperial Tobacco et Rothmans, Benson & Hedges.

« Il y a tout simplement beaucoup plus de documents déjà dans le domaine public qui traitent de BAT », explique Me Andreas Seibert du cabinet Sommers & Roth de Toronto. Une grande partie des documents internes de l’industrie qui ont jusqu’ici été rendus publics proviennent d’une seule fuite : en 1994, un ancien employé d’un cabinet d’avocats engage par Brown & Williamson, la filiale américaine de BAT, a divulgué quelque 10 000 pages de dossiers « chauds ».

Mme Spasic, une immigrée d’origine yougoslave arrivée en 1975, reproche à BAT de lui avoir caché deux éléments essentiels : la nocivité de la cigarette et le fait que la nicotine engendre une forte dépendance.

« Lorsqu’elle est arrivée au Canada, elle avait l’impression que tout le monde autour d’elle fumait, raconte Me Seibert. Elle était entourée de publicités montrant des gens attrayants qui prenaient du plaisir à fumer. Pour elle, ça faisait partie de la culture occidentale. »

À l’époque, les avertissements sanitaires imprimés sur les paquets de cigarettes se limitaient à la tristement célèbre invitation à « éviter d’inhaler ». De l’avis de Me Seibert, les cigarettiers ont donc manqué à leur obligation sous la common law de mettre leurs clients au courant des risques associés au produit.

Témoignage sur vidéo

Mme Spasic, 51 ans, est maintenant en phase terminale de son cancer, atteinte de nombreuses métastases, dont sept tumeurs au cerveau. Il est à peu près exclu qu’elle vive jusqu’au début de son procès. Elle a confié aux journalistes qu’elle se fie à ses avocats pour lui assurer une victoire posthume, qui sera selon elle une victoire morale pour tous les fumeurs qui subissent le même sort.

Même pour la famille de Mme Spasic, un jugement favorable serait presque symbolique; le montant des dommages et intérêts payables après la mort d’une victime est relativement bas en Ontario, contrairement à la situation qui prévaut aux États-Unis.

À cause de l’état de santé de Mme Spasic, la cour a autorisé les avocats des parties en litige à procéder tout de suite aux interrogatoires au préalable et aux dépositions relatives aux deux causes; le tout a été enregistré sur vidéo.

Ces interrogatoires ont eu lieu fin novembre et début décembre dans la maison de la plaignante, dans une atmosphère quelque peu lugubre, raconte Me Seibert. « Elle a témoigné dans le sous-sol de sa maison, en fauteuil roulant, dans une toute petite pièce dans laquelle étaient entassés 10 avocats… Cela a duré des jours et des jours. »

Le processus a été assez éprouvant pour tout le monde, mais le résultat est favorable à la poursuite, dit-il. « C’est tout simplement une femme extrêmement honnête. »

Il ne faut tout de même pas s’attendre à un procès avant fin 1998 ou 1999, précise Me Seibert – à part le témoignage de Mme Spasic, l’étape des interrogatoires au préalable n’a même pas commencé encore.

Francis Thompson