Le Canada devra réfléchir à son implication avec Philip Morris et Medicago

Le vaccin contre la COVID-19 a été rejeté par l’Organisation mondiale de la Santé. Alors pourquoi le Canada collabore-t-il encore avec une entreprise détenue en partie par le cigarettier Philip Morris International?

La pandémie de COVID-19 sévit au Canada depuis plus de deux ans. Afin d’endiguer ou du moins de limiter les dégâts qu’elle cause, de nombreuses compagnies du monde entier se sont activées pour trouver une solution. Rapidement et de façon simultanée, plusieurs sociétés pharmaceutiques ont réussi à mettre au point des vaccins contre le virus SRAS-CoV-2. Les pays ont injecté des millions de dollars dans le secteur privé en faisant des promesses d’achat lorsque les vaccins verraient le jour. Le gouvernement fédéral (et celui du Québec, quoiqu’indirectement) a aussi contribué au développement d’un vaccin par l’entreprise québécoise, Medicago, dont le vaccin COVIFENZ® a été approuvé par Santé Canada en février 2022.

L’OMS rejette le vaccin Covifenz

Malheureusement, l’OMS a refusé de reconnaître le vaccin de Medicago, bien que les études cliniques aient démontré son efficacité à 71 % pour prévenir la COVID-19. Pourquoi l’organisation mondiale a-t-elle tranché de la sorte?

Le secret derrière Medicago

Société d’origine québécoise, Medicago a vu le jour en 1999. Petite entreprise au départ, elle a grandi rapidement, et appartient à des intérêts privés depuis 2013. Un peu moins du quart de l’entreprise, 23 %, était détenu par le cigarettier Philip Morris International (PMI), en date du 31 décembre 2021. Le gouvernement fédéral, sachant PMI impliqué dans Medicago, a malgré tout investi près de 173 millions de dollars dans la création d’un vaccin contre la COVID-19 par cette entreprise. Un investissement surprenant, compte tenu du fait que le Canada a signé la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, qui mentionne précisément à l’article 5.3 que « Chaque Partie élabore, met en œuvre, actualise périodiquement et examine des stratégies, plans et programmes nationaux multisectoriels globaux de lutte antitabac, conformément à la présente Convention et aux protocoles auxquels elle est Partie. Lorsqu’elles définissent et appliquent leurs politiques de santé publique en matière de lutte antitabac, les Parties veillent à protéger ces politiques contre les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac, conformément à la législation nationale ». C’est donc en se conformant à cette règle que l’OMS a choisi de ne pas approuver le vaccin Covifenz pour le traitement de la COVID-19.

Le Québec, par l’entremise de la Caisse de dépôt et placement du Québec, s’est défait de tous ses avoirs dans l’industrie du tabac et du vapotage depuis 2020. L’initiative participait du mouvement mondial de désinvestissement dans cette industrie. On peut se demander quand le Canada adoptera à son tour cette décision, puisqu’il est normalement un chef de file en matière de lutte antitabac.

L’industrie du tabac tente-t-elle de se racheter moralement en investissant dans des compagnies pharmaceutiques, comme Medicago, qui œuvrent à soigner et sauver des gens? Ou cherche-t-elle à encaisser encore davantage en s’immisçant dans le secteur pharmaceutique en vue de recueillir de la sympathie et de la reconnaissance pour son savoir-faire scientifique? La deuxième hypothèse semble la plus plausible. Si la santé des gens leur tenait tant à cœur, il y a longtemps que les industries du tabac se seraient réorientées et ne vendraient plus de cigarettes. Rappelons-le, c’est la cigarette qui cause la grande majorité, soit 72 %, des cancers du poumon.

 

Le jeu, enfin, en vaut-il la chandelle? La pandémie de coronavirus a fait environ 15 millions de morts dans le monde depuis son apparition, en un peu moins de trois ans. Le tabac, une autre pandémie sévissant depuis de nombreuses années, fait quant à lui, plus de 8 millions de morts par année. Pour la même période, le tabac cause 24 millions de décès. Les efforts phénoménaux déployés pour enrayer la COVID-19 ne devraient-ils pas également s’appliquer à la prévention et à la cessation tabagique?

Caroline Normandin