Du tabac et des liquides à vapoter plus chers, grâce à Ottawa

Ottawa vapotage taxe fédérale

Le Canada hausse légèrement sa taxe sur le tabac et se prépare à taxer les liquides à vapoter. Pendant ce temps, le Québec n’a pas majoré sa taxe sur le tabac depuis 2014 et ne taxe toujours pas les produits de vapotage…

Bien des fumeurs se motivent à cesser de fumer quand le prix du tabac grimpe en raison des taxes. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, de telles hausses représentent « l’option la plus puissante et la plus rentable » pour triompher du tabagisme.

Le budget qu’Ottawa a déposé en avril 2021 adhère à cette idée. Il majore la taxe sur les produits du tabac et annonce une consultation à propos de l’instauration d’une taxe sur les liquides à vapoter. Les deux nouvelles tombent à pic, puisque les plus récents budgets de presque tous les gouvernements provinciaux ne prévoyaient aucune augmentation de leur taxe sur le tabac.

Dans ce dossier, le Québec se classe d’ailleurs bon dernier. Sa taxe spécifique sur le tabac – soit 30 $ pour une cartouche de 200 cigarettes – atteint tout juste la moitié de la moyenne canadienne (59 $)! De surcroît, la taxe québécoise n’a pas grimpé d’un cent depuis 2014, alors que plusieurs réclament une  telle hausse, incluant l’ensemble des directeurs régionaux de santé publique, de nombreux professionnels de la santé et les organismes de santé. Enfin, le tabac n’est même pas soumis à la TVQ, ce qui le met sur un pied d’égalité avec les livres, les produits alimentaires de base et les couches pour bébés…

Des cigarettes plus chères

2 milliards sur 5 ans

Depuis la fin avril, néanmoins, les cartouches de 200 cigarettes coûtent 4 $ de plus, grâce à Ottawa. Bien que ce soit une bonne nouvelle, cette majoration représente à peine 0,02 $ par cigarette ou 0,50 $ par paquet, ce qui minimise son effet dissuasif auprès des fumeurs. Elle procurera du reste environ 2 G$ en cinq ans au gouvernement fédéral.

Ottawa s’engage également à instaurer une taxe sur les liquides à vapoter en 2022. « En plus d’augmenter les recettes, la taxation du vapotage pourrait devenir un moyen efficace de réduire la consommation nocive de ces produits », indique le document du ministère des Finances.

Une coordination fédérale-provinciale

Le gouvernement canadien propose de coordonner cette nouvelle taxe avec celles des provinces et territoires. À l’heure actuelle, cinq provinces canadiennes ont instauré leur propre taxe sur les produits du vapotage ou s’apprêtent à le faire : Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique. L’entente avec Ottawa pourrait « inclure un taux initial fédéral, avec un taux additionnel à l’égard des produits destinés à la consommation dans les provinces et les territoires », précise le document budgétaire.

Taxe ottawa sur les liquides à vapoter
Les dosettes (pods) en première ligne

La mesure fédérale ajouterait une taxe d’un dollar à chaque fiole de 10 ml ou moins de liquide à vapoter. Aussi, si un emballage renferme plusieurs fioles, c’est la plus petite unité du lot qui serait imposée. À titre d’exemple, une boîte contenant quatre dosettes de liquide à vapoter (pods) de 1 ml chacune – pour un total de 4 ml de liquide – ne serait pas taxée 1 $, mais 4 $. Une bouteille de 25 ou 30 ml serait toutefois assortie d’une taxe de 3 $. Cette approche haussera davantage le prix des petites dosettes populaires auprès des jeunes, selon l’organisme Médecins pour un Canada sans fumée.

Mentionnons aussi que le gouvernement prélèverait sa taxe auprès des fabricants et des distributeurs qui emballent ces liquides pour la vente au détail. Ils seraient tenus d’obtenir une licence et de la renouveler tous les trois ans. Enfin, un timbre fiscal comme celui apposé sur les paquets de tabac ou de cannabis prouverait que la taxe a été versée.

L’ensemble de cette proposition fait l’objet d’une consultation jusqu’au 30 juin 2021. Pour y participer, il suffit d’écrire à fin.vaping-taxation-vapotage.fin@canada.ca.

Un espace fiscal à occuper

Quoiqu’elles soient les bienvenues, les annonces fédérales ne règlent pas tous les problèmes entourant la taxation des produits du tabac au Canada, bien au contraire.

D’abord, ces hausses devraient être beaucoup plus importantes. Rappelons qu’en Australie, la taxe sur le tabac a grimpé de 125 % depuis 2010, sans entraîner d’augmentation du marché noir. La consommation de tabac illicite a plutôt diminué pendant cette période! Le Québec a connu le même phénomène entre 2010 et 2015, lorsque la taxe sur le tabac s’est accrue tandis que la contrebande déclinait.

La retenue « fiscale » des gouvernements est donc un choix futile, si ce n’est contre-productif. Car c’est bien parce que le Canada et les provinces n’occupent pas l’espace fiscal qui leur revient que l’industrie peut accroître ses profits. De fait, Santé Canada signale que la taxe fédérale sur chaque cigarette a augmenté de 71 % depuis 2003, mais que, dans le même intervalle, le prix de gros des cigarettiers grimpait de… 112 %!

D’autres façons de hausser le prix du tabac

En plus des hausses de taxe, trois groupes de santé canadiens (Médecins pour un Canada sans fumée, Action on Smoking and Health et la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac) réclament un meilleur contrôle du prix du tabac. On peut penser, par exemple, à standardiser le prix des cigarettes. L’objectif ici est de faire obstacle aux stratégies de tarification des cigarettiers qui nuisent à l’effet dissuasif des taxes. Les groupes proposent aussi d’imposer des frais de réglementation aux fabricants et distributeurs de tabac dans le but de financer la lutte contre le tabagisme.

En somme, « l’option la plus puissante et la plus rentable » pour réduire l’usage du tabac consiste à hausser le prix des produits. Mais les gouvernements doivent également s’assurer que cette augmentation soit substantielle, protégée par des garde-fous réglementaires et renforcée par d’autres mesures qui contribuent toutes, chacune à leur façon, à dénormaliser le tabagisme.

Anick Labelle