Santé Canada approuve les sachets de nicotine comme thérapie de remplacement de la nicotine

Santé Canada approuve les sachets de nicotine comme thérapie de remplacement de la nicotine

Trois mois avant l’interdiction des saveurs dans les produits de vapotage par le gouvernement québécois, un nouveau produit, les sachets (ou pochettes) de nicotine, a été approuvé par Santé Canada. Cet aval n’annonce-t-il pas de l’incohérence avec les efforts déployés par les gouvernements pour prévenir la dépendance envers les produits renfermant de la  nicotine et lutter contre elle?

Les pochettes en question contiennent de la nicotine et des saveurs. Leur image de marque est orientée vers les jeunes, puisqu’elle s’axe autour d’un style de vie branché, comme en font preuve les publicités diffusées. On ne précise aucune restriction quant à l’âge minimal requis pour l’achat de ses produits, qui ont, en outre, l’avantage de ne pas être taxés, puisqu’ils ne sont pas régis par les règlements ou la Loi sur le tabac et les produits de vapotage. À ce titre, ils peuvent donc être publicisés à la télévision, sur les médias sociaux, dans les jeux vidéo et ailleurs.

La législation telle qu’elle est établie en ce moment permet à Imperial Tobacco Canada, une filiale de British American Tobacco (BAT), de vendre des pochettes de nicotine à des jeunes de tout âge, même aux mineurs.

Ces pochettes sont plutôt assujetties au Règlement sur les produits de santé naturels. Un produit de santé naturel ayant un numéro de produit naturel (NPN) a été homologué par Santé Canada, qui atteste de son efficacité et de sa sécurité. « Le ministère estime qu’un produit de santé naturel est sécuritaire si ses bienfaits l’emportent sur les risques qu’il pose lorsqu’il est utilisé comme prévu et selon les indications du fabricant », peut-on lire dans le Rapport du commissaire à l’environnement et au développement durable au Parlement du Canada – Les produits de santé naturels.

Sur le site de Santé Canada, sous la rubrique Rappels et avis de sécurité, on pouvait lire « Personne ne devrait utiliser les pochettes buccales de nicotine, en particulier quiconque est hypersensible à la nicotine, n’a jamais fumé ou ne fume qu’à l‘occasion [ou quiconque] a moins de 18 ans ». S’ajoute à cela la mention « Les pochettes buccales de nicotine non autorisées peuvent poser des risques graves pour la santé ». En juillet 2023, Santé Canada est revenu sur ses pas et a modifié son avis public, d’abord publié en novembre 2020. Comment expliquer ce revirement de situation? Quelles études et recherches appuient cette décision? Sur Pubmed, une seule étude est répertoriée sur ce sujet. L’étude date de 2009 et regroupe 30 participants. Elle a été réalisée en Nouvelle-Zélande et a été financée par Niconovum, une société qui appartenait alors à Reynolds American Inc., une industrie du tabac, et qui est maintenant détenue par BAT.

Au Canada, les pochettes ou sachets de nicotine peuvent être vendus n’importe où, comme dans les dépanneurs, et sans doute placés stratégiquement à côté des étalages de friandises. Heureusement, au Québec, les sachets de nicotines sont vendus exclusivement en pharmacie, bien qu’en vente libre. Mais rappelons que les mineurs ont aussi accès aux pharmacies et peuvent donc s’en procurer sans aucun souci.

Santé Canada approuve les sachets de nicotine comme thérapie de remplacement de la nicotine

 

Chaque sachet de nicotine Zonnic contient 4 mg de nicotine. Pourquoi cette quantité? Il s’agit de la quantité maximale de nicotine qu’un produit à absorption buccale peut libérer pour se soustraire au Registre des médicaments et des produits de santé, et  la nicotine fait normalement partie des drogues sur ordonnance, régies par cette loi. Le géant de l’industrie du tabac ne manque pas d’exploiter les failles du système juridique du pays. Dans le communiqué de presse annonçant la sortie de son produit Zonnic, Imperial Tobacco affirme qu‘il constitue une thérapie de remplacement de la nicotine (TRN). Cette industrie vendra donc des produits voués au sevrage de la dépendance à la nicotine, dépendance que cause un autre de ses produits. N’est-ce pas là un cercle vicieux instauré par l’industrie pour son propre bénéfice? BAT a déclaré que Zonnic fait partie de ses « engagements à réduire l’impact sur la santé de ses activités ». Les entreprises ne peuvent vendre des produits étiquetés comme étant une TRN sans l’autorisation de Santé Canada.

Santé Canada approuve les sachets de nicotine comme thérapie de remplacement de la nicotine

 

La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT) n’est pas enchantée par cette annonce. Flory Doucas, la codirectrice et porte-parole du CQCT, a déclaré : « Pour promouvoir ses sachets nicotiniques, Imperial Tobacco déploie les mêmes tactiques de marketing de type “ style de vie ” […]. Ne mâchons pas nos mots : Imperial Tobacco est un cigarettier qui n’a aucun désir de voir les gens cesser de fumer. Au contraire, il souhaite accroître le marché global de la nicotine. Les tactiques de l’entreprise se solderont par un nombre plus élevé de jeunes en situation de dépendance. »

« C’est la première fois en plus de 100 ans qu’il est légal pour une industrie du tabac de vendre un produit contenant de la nicotine aux mineurs au Canada », a affirmé Rob Cunningham, analyste principal des politiques à la Société canadienne du cancer. « Les industries du tabac ne peuvent pas être dignes de confiance. Il est essentiel que les ministres fédéraux de la Santé agissent de manière urgente. », a-t-il ajouté.

Le groupe Physicians for a Smoke-Free Canada écrivait dans l’une de ses dernières publications : « Le Canada a besoin d’une politique intégrée sur la nicotine. Santé Canada n’a pas encore reconnu le besoin de telles réformes ».

Pour le moment, l’un des filets de sécurité protégeant la population et les jeunes est le gouvernement provincial, qui est en mesure de réglementer la vente et la promotion des sachets de nicotine. Les mineurs ne devraient pas avoir accès à des produits contenant de la nicotine, une substance qui entraîne une forte dépendance.

Caroline Normandin, Ph. D.