Métatine et autres analogues de la nicotine : à quoi doit-on s’attendre?
Septembre 2024 - No 169
Un analogue de la nicotine, la métatine, a récemment fait son apparition aux États-Unis en tant que solution de rechange aux liquides de vapotage contenant de la nicotine. Les autorités règlementaires et de santé américaines s’inquiètent du potentiel addictif de cette nouvelle molécule, qui pourrait s’avérer supérieur à celui de la nicotine.
Les analogues de la nicotine, des composés dont la structure chimique s’apparente à celle de la nicotine sans toutefois en être, sont connus depuis longtemps des cigarettiers. En fait, plusieurs d’entre eux, dont Philip Morris International et British American Tobacco, effectuaient déjà des recherches sur ces substances dans les années 1970 et 1980. L’un des objectifs poursuivis à l’époque par ces entreprises visait à identifier un composé de remplacement à la nicotine qui serait plus « désirable », c’est-à-dire qu’il entrainerait une plus forte dépendance. L’arrivée récente de la métatine dans des dispositifs de vapotage aux États-Unis surprend donc peu. Mais doit-on s’en inquiéter?
Peu de données disponibles sur la métatine
À ce jour, très peu d’études ont été menées sur la métatine, limitant ainsi les connaissances sur la molécule et ses effets sur le corps humain.
Voici ce que l’on sait aujourd’hui sur la métatine :
- Sa structure chimique diffère de celle de la nicotine uniquement par l’ajout d’un groupe méthyl en position 6 de l’anneau de pyridine (d’où son nom chimique 6-méthyl nicotine).
- Tout comme la nicotine, la métatine produirait son action en se fixant aux récepteurs nicotiniques présents dans le corps humain. Cette liaison pourrait cependant s’avérer plus forte, ce qui laisse croire à la supériorité du potentiel addictif de la métatine par rapport à celui de la nicotine.
- Les effets pharmacologiques de la métatine sembleraient plus puissants que ceux de la nicotine, notamment en ce qui concerne le sentiment de « satisfaction » qu’elle procure à son utilisateur ou à son utilisatrice. Ainsi, une concentration de 1 mg/ml de métatine entrainerait un effet aussi satisfaisant qu’une concentration de 3 mg/ml de nicotine. L’étude sur laquelle se base cette donnée aurait cependant inclus seulement 10 sujets.
- Une étude toxicologique menée en laboratoire sur des cellules respiratoires humaines a révélé que la métatine produirait un effet cytotoxique (capable de tuer des cellules) supérieur à celui de la nicotine, mais moindre sur la production de protéines associées au développement du cancer du poumon. Sur la base de ces résultats, les auteurs concluent que la métatine présenterait des avantages par rapport à la nicotine lorsqu’elle est utilisée à faibles doses dans un dispositif de vapotage, mais que des études plus poussées sont requises pour bien comprendre ses effets sur le corps humain. Il est à noter que cette étude a été menée par la compagnie chinoise ayant breveté la technologie permettant de produire la métatine.
- La métatine serait davantage toxique que la nicotine. Des expérimentations sur les rats ont révélé que la concentration létale 50 (concentration d’une substance nécessaire pour tuer 50 % des animaux à l’étude) pour la métatine pourrait être jusqu’à trois fois plus faible que celle de la nicotine. En d’autres mots, la métatine entrainerait des effets toxiques à des doses beaucoup plus petites que la nicotine.
Un manque de données qui inquiète
Compte tenu de la persistance de nombreuses zones grises, les répercussions potentielles de la métatine et d’autres analogues de la nicotine sur la santé des utilisateurs et des utilisatrices inquiètent les associations et les regroupements de santé aux États-Unis de même que l’Organisation mondiale de la Santé.
Dans une lettre envoyée à la Food and Drug Administration (FDA) le 29 mai 2024, les cosignataires* pressaient l’agence américaine de règlementer rapidement les produits contenant des analogues de la nicotine, comme la métatine. Il semble en effet que ceux-ci échappent à la règlementation des produits du tabac aux États-Unis et qu’ils puissent être commercialisés sans obtenir au préalable d’autorisation de la FDA. Pour preuve, le Spree Bar, un dispositif de vapotage contenant de la métatine et fabriqué par l’entreprise Charlie’s Holdings, est désormais vendu sans restriction aux États-Unis.
Alors que la métatine pénètre le marché du vapotage américain et qu’elle échappe aux mesures règlementaires en vigueur, l’absence de données probantes sur l’efficacité et la sécurité de ces produits en inquiète plus d’un. Puisque les effets indésirables et le potentiel addictif de la métatine, et d’autres analogues de la nicotine qui pourraient voir le jour partout dans le monde au cours des prochaines années, demeurent inconnus, la prudence s’impose. Restons à l’affut!
*American Cancer Society Cancer Action Network, American Heart Association, American Lung Association, Campaign for Tobacco-Free Kids, Parents Against Vaping e-cigarettes (PAVe) et Truth Initiative.
Katia Vermette, réd. a.