Les sachets de nicotine loin d’être sans danger pour la santé
Novembre 2024 - No 170
Même s’ils ont la réputation d’être moins néfastes pour la santé que les cigarettes traditionnelles parce qu’ils n’impliquent pas de combustion, les sachets de nicotine ne sont pas inoffensifs pour autant. Tour d’horizon des risques associés à l’utilisation de ces produits nicotiniques commercialisés en tant que thérapie de remplacement de la nicotine (TRN), mais dont l’usage récréatif gagne en popularité auprès des jeunes et soulève plusieurs enjeux.
Les personnes qui désirent cesser de fumer ou de vapoter ont aujourd’hui accès à une vaste gamme de TRN pour les soutenir dans leur démarche d’arrêt tabagique. En octobre 2023, un tout nouveau genre de TRN s’est ajouté à l’offre disponible au pays : les sachets de nicotine Zonnic.
L’utilisation des sachets de nicotine est simple : on place un sachet dans la bouche, entre la gencive et la lèvre supérieure, pendant 30 à 60 minutes, ce qui permet la libération progressive des 4 mg de nicotine contenus dans le sachet. La nicotine rejoint ensuite la circulation sanguine et le cerveau pour y produire son effet.
Puisque l’arrivée des sachets de nicotine est relativement nouvelle sur le marché mondial, encore peu d’études se sont penchées sur les dangers et les effets à long terme de ces produits commercialisés en tant que TRN, mais aussi utilisés de manière récréative. Voici ce qui est aujourd’hui connu des méfaits potentiels des sachets de nicotine.
Moins dangereux que la cigarette de tabac, mais…
Puisqu’ils ne contiennent pas de feuilles de tabac, que leur utilisation n’implique aucune combustion et qu’ils ne sont pas inhalés, les sachets de nicotine présentent moins de risques pour la santé que les produits de tabac ou de vapotage. En effet, ils n’exposent pas les utilisateur.rice.s aux substances dangereuses présentes dans la fumée issue du tabac ou dans les aérosols produits par le vapotage.
D’ailleurs, pour les personnes qui désirent entreprendre une démarche de cessation tabagique, les sachets de nicotine et les autres TRN comme les timbres, les inhalateurs et les gommes contribuent à réduire les méfaits associés à la cigarette de tabac.
Or, les sachets de nicotine ne sont pas sans risques pour autant, surtout lorsqu’ils sont utilisés à des fins récréatives et qu’ils ne visent pas, à ce moment, une réduction des méfaits.
Rappelons que le fabricant du Zonnic, Imperial Tobacco Canada, a profité jusqu’à récemment d’une faille dans la règlementation fédérale pour publiciser son produit comme étant énergisant avec ses saveurs et ses couleurs attrayantes. Résultat : plusieurs jeunes qui ne fumaient pas se sont laissé séduire par les soi-disant promesses du produit et en ont fait l’essai, tombant par le fait même dans le cercle vicieux de la dépendance à la nicotine.
Des risques pour la santé buccodentaire
Les études démontrent que les sachets de nicotine entrainent des irritations dans la bouche, lesquelles découleraient de l’utilisation prolongée du produit. On parle plus précisément d’ulcères dans la bouche, de toux ainsi que de douleurs buccales et à la gorge. Des changements de la muqueuse buccale ont également été observés chez les utilisateur·rice·s de sachets de nicotine, qui seraient d’ailleurs plus susceptibles de développer des lésions blanches au site d’application des sachets.
La proximité physique des sachets de nicotine avec la gencive favoriserait également le développement de maladies parodontales, possiblement en raison de l’inflammation qu’induirait la nicotine. À titre informatif, les maladies parodontales se caractérisent par une inflammation buccale chronique qui détruit peu à peu les tissus qui soutiennent les dents.
L’Association dentaire canadienne (ADC) a récemment rappelé les dangers de la nicotine sur la santé. « La nicotine, quelle que [sic] soit sa forme, peut nuire à la santé buccodentaire et à la santé générale, car elle peut détériorer les tissus parodontaux (gencives) et augmenter la tension artérielle, la respiration et le rythme cardiaque », pouvait-on lire dans un communiqué de l’ADC publié le 29 aout 2024, en soutien aux nouvelles règles fédérales entourant la vente et la commercialisation des TRN.
L’enjeu de la dépendance à la nicotine
On le sait, la nicotine est une substance susceptible d’engendrer une dépendance chez la personne qui en consomme. Lorsque la nicotine entre dans l’organisme, elle entraine la libération de substances chimiques dans le cerveau qui amènent un sentiment de bien-être et une hausse temporaire de l’énergie. Parmi les substances libérées sous l’action de la nicotine, notons les endorphines, des hormones reconnues pour leur fonction antidouleur et relaxante, de même que la dopamine, qui contribue au pouvoir de dépendance de la nicotine.
De manière générale, plus on consomme de nicotine, plus le risque de développer une dépendance augmente. Le risque est particulièrement élevé chez les adultes de moins de 25 ans. Dans ce groupe, puisque le cerveau est toujours en développement, une consommation de seulement 5 mg de nicotine par jour (un sachet en contient 4 mg) suffirait pour engendrer une dépendance.
Les dangers de l’intoxication à la nicotine
La nicotine produit différents effets sur le corps humain, notamment une augmentation de la pression artérielle et du rythme cardiaque. Or, la molécule peut aussi être toxique.
L’exposition à une grande quantité de nicotine, que ce soit par inhalation, par ingestion ou par contact avec la peau, peut causer une intoxication à la nicotine, ou NIC-SICK, qui se manifeste généralement en deux phases.
La première phase (effets stimulants) se produit dans les 15 premières minutes suivant l’exposition à la nicotine et se traduit par des symptômes comme des nausées et des vomissements, une augmentation du rythme cardiaque et de la pression artérielle, des maux de tête, des étourdissements, de la confusion et de l’anxiété.
Un peu plus tard, la deuxième phase (effets dépresseurs) s’installe et les symptômes se transforment. On voit apparaitre une fatigue extrême, une diminution des réflexes, une respiration difficile de même qu’un ralentissement du rythme cardiaque et une baisse de la pression artérielle.
Chez l’adulte qui n’aurait jamais fumé, vapoté ou consommé de nicotine, l’ingestion d’une dose de 4 à 7 mg pourrait entrainer une toxicité, ce qui soulève des inquiétudes, compte tenu de l’utilisation récréative par les jeunes des sachets de nicotine, lesquels en contiennent chacun 4 mg.
Les sachets de nicotine en tant que TRN
L’utilisation des sachets de nicotine en tant que TRN amène également des questionnements chez les expert·e·s. Considérant les méfaits potentiels ou avérés de ce produit et son efficacité dans le soutien de l’arrêt tabagique (qui reste d’ailleurs à démontrer), l’utilisation des sachets de nicotine en vaut-elle réellement la peine ou s’agit-il encore une fois d’une ruse de l’industrie du tabac pour s’immiscer dans de nouveaux marchés?
Katia Vermette, réd. a.