Le tabagisme ne recule plus

En 2010, il y avait plus de fumeurs au Québec qu’en 2009 et en 2008, et moins de fumeuses
Au Québec, la proportion de la population de 12 ans et plus qui fume quotidiennement ou occasionnellement la cigarette est passée de 22,5 % à 23,3 %  entre 2009 et 2010, selon les résultats de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de Statistique Canada parus en juin.

Une telle augmentation de 0,8 point entre les deux années n’est pas significative, selon les statisticiens.

Dans une population croissante, une telle stagnation du taux du tabagisme actif signifie cependant que l’effectif total des fumeurs a augmenté, et que le nombre de ceux qui sont décédés ou ont rompu avec leur dépendance a été plus que compensé par de nouveaux adeptes et victimes prochaines du tabac fumé.

Une toxicomanie de moins en moins féminine

De 2003 à 2010, la prévalence de l’usage de la cigarette chez les Québécoises de 12 ans et plus est passée de 24,8 % à 20,0 %. Après une diminution du tabagisme féminin si graduelle qu’elle n’a jamais été statistiquement significative sur un intervalle d’un an, le Québec comptait près de 680 000 fumeuses en 2010, le plus bas effectif enregistré depuis 2003, première année où l’ESCC a inclus des questions sur le tabagisme.

En 2010, comme en 2008, dans tous les groupes d’âge au Québec, les femmes étaient proportionnellement moins nombreuses à fumer que les hommes. En 2009, la prévalence du tabagisme chez les hommes âgés de 35 à 64 ans avait plongé ou semblé plonger légèrement sous la prévalence féminine aux mêmes âges, mais cette parenthèse s’est refermée en 2010. 

La proportion de la population québécoise masculine de 12 ans et plus qui fume la cigarette est passée de 27,2 % en 2003 à 26,7 % en 2010. À plus de 890 000 en 2010, les fumeurs québécois de sexe masculin de 12 ans et plus n’ont jamais été aussi nombreux depuis 2003.

Parmi les 20 à 34 ans, la tranche d’âge où la prévalence du tabagisme est la plus forte chez les deux sexes, 22,0 % des femmes et 33,5 % des hommes fumaient quotidiennement ou occasionnellement.

Les fumeurs ailleurs au Canada

Avec 54,4 % des habitants de 12 ans et plus qui fument la cigarette, le Nunavut est le territoire canadien où l’épidémie de tabagisme frappe le plus durement. Les Territoires du Nord-Ouest (41,7 %) et le Yukon (27,9 %) sont aussi gravement touchés. 

Au Canada méridional, l’Île-du-Prince-Édouard (23,6 %) et le Québec (23,3 %) traînent significativement de l’arrière par rapport à la moyenne canadienne (20,8 %), alors que l’Ontario (19,3 %), le Manitoba (18,8%) et la Colombie-Britannique (17,4 %) affichent les meilleures performances.

Tabagisme involontaire dans les foyers

Au Québec, 23,2 % des non-fumeurs âgés de 12 à 19 ans ont déclaré en 2010 être exposés à la fumée du tabac à leur domicile. C’est un progrès notable par rapport à 2003 (32,3 %), bien que ce résultat ne soit pas statistiquement différent de celui de 2009 (23,4 %). 

Les ménages québécois, comparés à ceux du reste du pays, continuent d’accuser un net retard dans l’évolution des comportements de protection des non-fumeurs: dans l’ensemble du Canada, le tabagisme involontaire au domicile était une condition de vie de 23,4 % des adolescents non fumeurs dès 2003, et il n’y en avait plus que 13,4 % en 2010.

Au Québec, la proportion de la population non fumeuse de 12 à 19 ans exposée à la fumée du tabac à domicile (23,2 %) était en 2010 près de 2,7 fois la proportion observée parmi l’ensemble des personnes non fumeuses de 12 ans et plus (8,7 %). Chez les non-fumeurs québécois de 20 à 34 ans, seulement 7,8 % déclaraient être exposés à la fumée du tabac à domicile. En 2010, les jeunes adultes non-fumeurs semblaient donc nettement moins nombreux à supporter, de la part d’un conjoint, de colocataires ou de quelqu’un d’autre à leur domicile, ce que les adolescents non-fumeurs subissaient.

Comme chaque année depuis que Statistique Canada pose des questions sur l’usage du tabac dans le cadre de l’ESCC, le nombre des fumeurs involontaires (189 000 personnes) parmi l’ensemble des Québécois âgés de 12 à 19 ans continuait en 2010 de dépasser nettement le nombre des fumeurs dans le même groupe d’âge (147 000 personnes). L’ESCC ne contient cependant pas de données sur l’usage des cigarillos.

Tabagisme involontaire en auto

L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes inclut aussi des questions au sujet de l’exposition à la fumée du tabac à l’intérieur de véhicules au cours du dernier mois.

En 2010, 16,2 % des non-fumeurs québécois âgés de 12 à 19 ans ont rapporté avoir vécu cette situation. C’était 24,4 % en 2003, ce qui témoigne d’une amélioration.

En Colombie-Britannique et en Ontario, durant toute l’année 2010, des lois interdisaient de fumer dans un véhicule avec à bord une personne de moins de 16 ans (moins de 17 ans en Ontario). Ces deux provinces canadiennes sont les seules où les non-fumeurs âgés de 12 à 19 ans qui ont rapporté avoir été exposés à la fumée de tabac dans des véhicules sont significativement moins nombreux (6,8 % et 12,2 %) que dans l’ensemble du pays (13,4 %). 

Il serait cependant prématuré de conclure à une relation de cause à effet entre l’existence d’une loi et le traitement réservé par des fumeurs aux non-fumeurs en auto.

Au Nouveau-Brunswick, où les passagers de moins de 19 ans étaient protégés, durant l’ensemble de l’année 2010, par une interdiction de fumer dans le véhicule, l’exposition à la fumée de tabac telle que rapportée par les non-fumeurs de 12 à 19 ans est significativement plus fréquente (22,9 %) que dans l’ensemble du pays. 

Avec 18,6 % de sa population non fumeuse de 12 à 19 ans qui a déclaré en 2010 avoir été exposée au cours du dernier mois à de la fumée de tabac dans un véhicule, le Québec présente un taux significativement plus élevé que l’ensemble du Canada. Au Québec, comme en Alberta, les enfants et les adolescents ne sont protégés légalement de la fumée de tabac que là où les adultes le sont aussi. La fréquence du tabagisme involontaire en auto en Alberta n’est cependant pas statistiquement différente de la moyenne canadienne.

Pour le moment, aucune enquête systématique n’est parue qui permettrait de savoir avec quel zèle la police applique la loi dans les huit provinces où le législateur a voulu protéger contre la fumée du tabac les jeunes qui se trouvent à bord d’automobiles privées.

Aucune évolution dans la consommation moyenne

Côté prévalence, l’ESUTC trace le même portrait que l’ESCC : pas de changement.  En 2009, 17,5 % de la population canadienne âgée de 15 ans et plus fumaient la cigarette à l’occasion ou chaque jour. La proportion s’est établie à 16,8 % en 2010, ce qui n’est pas un mouvement statistiquement significatif par rapport à 2009, étant donné les marges d’erreur de l’enquête. En revanche, lorsqu’on compare avec les premiers résultats obtenus en 1999, les progrès sont nets, surtout chez les adolescents. Selon l’ESUTC, 28 % des Canadiens et Canadiennes de 15 à 19 ans fumaient la cigarette en 1999, et c’était 12 % en 2010. Dans le sous-groupe des 15 à 17 ans, l’usage de la cigarette a même glissé de 23 % en 1999 à 9 % en 2010, un creux historique selon Santé Canada.

Pierre Croteau