Hommage à un pionner de la lutte contre le tabagisme : le Dr Fernand Turcotte
Septembre 2020 - No 146
Le docteur Fernand Turcotte s’est consacré pendant des décennies à la santé publique et à la lutte contre le tabagisme. Il a notamment cofondé le Département de médecine sociale et préventive de l’Université Laval et siégé à titre bénévole au comité de rédaction d’Info-tabac. Malade depuis quelques années, il est décédé en mai dernier des suites de la COVID-19. Il est donc impérieux de souligner son travail, son intelligence, sa personnalité colorée et son grand humanisme.
Médecin, professeur, traducteur, chercheur, auteur, membre du comité de rédaction d’Info-tabac… Voilà quelques chapeaux que portait simultanément et brillamment le Dr Fernand Turcotte. Homme engagé et innovateur, il a mis ses talents au service de nombreux enjeux de santé publique. À titre d’exemples, il a fait pression sur le gouvernement québécois pour empêcher la relance de l’industrie de l’amiante; il a dénoncé le dépistage systématique de certains cancers; il s’est élevé contre les visées commerciales des compagnies pharmaceutiques qui allaient à l’encontre de la protection du public et il a, bien sûr, lutté de pied ferme contre le tabagisme et l’industrie du tabac.
« La plus grande contribution de Fernand Turcotte à la lutte contre le tabac est non seulement d’avoir dénoncé les stratégies de l’industrie, qu’il appelait ‟le cartel de la nicotineˮ, mais aussi d’avoir fait comprendre au gouvernement que l’amélioration de la santé publique passait par des lois, comme la Loi concernant la lutte contre le tabagisme. » – Mario Bujold, conseiller stratégique au Conseil québécois sur le tabac et la santé
Aux yeux de Mario Bujold, ancien directeur général du Conseil québécois sur le tabac et la santé, « la plus grande contribution de Fernand Turcotte à la lutte contre le tabac est non seulement d’avoir dénoncé les stratégies de l’industrie, qu’il appelait ‟le cartel de la nicotineˮ, mais aussi d’avoir fait comprendre au gouvernement que l’amélioration de la santé publique passait par des lois, comme la Loi concernant la lutte contre le tabagisme ». Denis Côté, fondateur d’Info-tabac, abonde dans le même sens : « Le Dr Turcotte n’avait pas peur de dénoncer les grands de ce monde, de déranger les gouvernements, voire d’aller à contre-courant de ses pairs. »
Une personnalité remarquable et remarquée
Avec son franc-parler et son langage coloré, l’homme ne passait jamais inaperçu. Heureusement, la forme originale de ses propos n’en cachait pas le fond. Au contraire, elle l’aidait à les mettre en lumière.
Mais c’est surtout la disponibilité du médecin et du militant qui a marqué Denis Côté au fil des années : « À mes yeux, ses nombreux engagements dans des dossiers épineux et dans des activités bénévoles ont fait de lui un citoyen exemplaire. » Pour sa part, M. Bujold souligne la détermination colossale du Dr Turcotte : « Il allait toujours au bout de ses combats. Sa ténacité dans la lutte contre le tabac était une source d’inspiration pour moi. Je me sens privilégié d’avoir travaillé avec lui. Nos actions se complétaient, nous formions une bonne équipe. »
Cet homme de cœur et de conviction pratiquait la médecine au Centre hospitalier universitaire de Québec, tout en enseignant à la Faculté de médecine de l’Université Laval, où il était d’ailleurs reconnu comme l’un des meilleurs professeurs. Il y a même créé un cours en ligne portant entièrement sur les enjeux du tabagisme, encore offert aujourd’hui. Ce n’est pas tout : le Dr Turcotte consacrait en outre du temps à la recherche. Ses travaux ont surtout porté sur l’évaluation des méthodes de prévention, dont le dépistage et la surveillance médicale en milieu de travail. Il a également signé ou cosigné une cinquantaine de publications scientifiques, en plus de traduire en français des livres du domaine médical qu’il désirait faire connaître aux médecins et au grand public.
Le Dr Turcotte était un scientifique et un militant infatigable : même retraité, il a continué à mener des activités d’enseignement et de recherche, ainsi qu’à prendre part, notamment, au conseil d’administration de l’organisme Médecins pour un Canada sans fumée. À son décès, le Canada a perdu un homme de première classe. Heureusement, ce départ n’empêchera pas les Québécois, les Canadiens et les citoyens du monde entier de bénéficier longuement de ses nombreuses contributions à la lutte contre le tabagisme et à la santé publique.
Catherine Courchesne