Faut-il plus ou moins de nicotine?

Selon une étude de 1995 du laboratoire Labstat, la teneur en nicotine du tabac utilisé dans les cigarettes canadiennes est en hausse constante, surtout depuis le début des années 80. Ainsi, entre 1968 et 1995, le pourcentage de nicotine dans les parenchymes du tabac (qui représentent en moyenne environ 70 p. 100 du tabac dans une cigarette) a augmenté de 53 p. 100.

Cette tendance est loin d’être exclusivement canadienne, et elle ne fait pas que des malheureux dans la communauté médicale. Car les concentrations plus élevées de nicotine ont permis aux fabricants de cigarettes de diminuer de beaucoup la quantité totale de tabac dans une cigarette standard-et donc d’autres éléments nocifs tels que le goudron. Certains experts soutiennent même qu’il faut tout faire pour augmenter au maximum la concentration de nicotine dans le tabac.

Lorsqu’on étudie les réactions des fumeurs qui passent de cigarettes régulières aux cigarettes dites « légères », on constate qu’ils ajustent leur comportement pour en retirer à peu près la même dose de nicotine (bouffées plus longues et plus fréquentes, obstruction des trous de ventilation, etc.). Si le même principe s’appliquait dans l’autre sens, le fumeur qui passe aux cigarettes à haute teneur en nicotine diminuerait donc inconsciemment son exposition aux substances cancérogènes.

D’autres chercheurs craignent que de plus fortes concentrations de nicotine n’entraînent à la longue un plus haut degré de dépendance à la nicotine et donc une plus grande difficulté à cesser de fumer. Il faudrait viser plutôt une diminution lente mais constante de la teneur en nicotine, c’est-à-dire un sevrage collectif et involontaire.

Les deux factions s’entendent sur une chose : on ne devrait pas laisser le contrôle du niveau de nicotine aux seuls fabricants de cigarettes. Il devrait plutôt être confié aux autorités sanitaires, et faire l’objet de débats publics.

Rappelons que la loi Dingwall récemment adoptée par la Chambre des communes contient des articles qui permettront au gouvernement de contrôler la concentration de nicotine dans le tabac.

Francis Thompson