Cancer du sein chez les femmes préménopausées : le tabagisme, actif ou passif, double les risques

Qu’ont en commun l’usage du tabac et l’exposition à la fumée secondaire? Outre leurs nombreux effets néfastes, ils sont tous deux reliés à un risque accru de cancer du sein chez la femme préménopausée. Selon l’épidémiologiste et chercheur Kenneth C. Johnson, qui a rigoureusement étudié leur impact, ces facteurs doubleraient les probabilités d’être un jour atteinte de la maladie.

Lors de la 5e Conférence nationale sur le tabagisme et la santé – où il s’exprimait sur le sujet – M. Johnson, qui oeuvre à l’Agence de santé publique du Canada, a mentionné qu’un nombre grandissant d’études révèlent une augmentation des cas de cancer du sein chez les fumeuses et les femmes de moins de 50 ans qui n’ont jamais fait usage du tabac, mais qui, en revanche, ont été régulièrement exposées à sa fumée sur une période prolongée.

En mai 2005, l’International Journal of Cancer publiait le fruit de ses recherches dans un article intitulé Accumulating evidence on passive and active smoking and breast cancer risk. Même si quelques études ont déjà dévoilé l’existence d’un lien entre le tabagisme passif et le cancer du sein, sa méta-analyse est la première à mettre en évidence ce facteur de risque chez les femmes préménopausées et à démontrer que fumer peut aussi entraîner la maladie.

Dans le cadre de ses travaux, Kenneth C. Johnson a examiné une vingtaine d’ouvrages scientifiques réalisés en Asie, en Europe et en Amérique du Nord, entre 1966 et 2004. Il a comparé les risques de cancer du sein de fumeuses et de non-fumeuses longtemps et régulièrement exposées à la fumée de tabac à ceux de femmes n’y ayant jamais été exposées.

Chez les femmes préménopausées n’ayant jamais fumé, une augmentation du risque de 68 % (RR = 1.68) a été observée dans 14 études. Dans celles où différentes sources d’exposition à la fumée étaient prises en compte, le risque avait plus que doublé (RR = 2.19), alors qu’il passait presque inaperçu quand cette variable était peu surveillée (RR = 1.08). Chez les fumeuses, les probabilités de contracter un cancer du sein doublaient (RR = 2.08) également lorsque leur exposition à la fumée secondaire était correctement mesurée.

Un mal fréquent

Le cancer du sein est l’un des types de cancer les plus répandus dans les pays occidentaux. En Amérique du Nord, on en dénombre près de 233 000 nouveaux cas chaque année. D’après la Société canadienne du cancer (SCC), 22 300 femmes recevront un diagnostic en 2007, et 5 300 succomberont à la maladie. Au pays, il s’agit de la forme de cancer la plus courante chez la femme.

Parmi les causes possibles, la Société mentionne entre autres : l’âge, les antécédents familiaux, des menstruations précoces ou une ménopause tardive de même que la consommation d’alcool. Quant au tabagisme, passif ou actif, il ne figure que dans la liste des risques présentement à l’étude, ce qui ne rendrait pas justice aux faits connus.

La controverse…

La SCC n’est pas la seule à ne pas reconnaître que le tabac peut entraîner le cancer du sein. À l’échelle mondiale, la communauté de la santé est aussi divisée. En 2005, l’Environmental Protection Agency de la Californie observait une relation de cause à effet entre le tabagisme passif et le cancer du sein. L’année suivante, un rapport du médecin hygiéniste en chef (Surgeon General) des États-Unis semblait moins catégorique, en concluant (à partir de données semblables) que « les preuves suggèrent, sans pour autant établir, une relation de cause à effet entre la fumée secondaire et le cancer du sein ».

Selon M. Johnson, si on fait abstraction des différentes interprétations possibles, le type d’ouvrages analysés pourrait être responsable de la controverse : « En général, les épidémiologistes considèrent les études de cohortes comme plus fiables que les études de cas-témoins parce qu’en suivant les mêmes personnes sur une période prolongée, elles évitent les biais qui peuvent survenir lors des suivis. Cependant, dans le cas du cancer du sein, elles se sont montrées inadéquates pour déterminer les différentes sources de fumée secondaire auxquelles les femmes ont été exposées. »

Même si tous ne s’entendent pas sur les liens entre le tabagisme et le cancer du sein, il pourrait bientôt y avoir consensus puisque l’Organisation mondiale de la santé s’apprêterait à diffuser les résultats du rapport de l’Environmental Protection Agency de Californie.

La solution : éliminer tabac et fumée

Alors qu’une grande partie des cas de cancer du sein demeure inexpliquée, l’épidémiologiste et chercheur estime que près de la moitié de ceux qui sont détectés chez les Canadiennes de moins de 50 ans seraient attribuables au tabac. D’après lui, en éliminant graduellement l’usage du tabac et l’exposition à la fumée secondaire, le Canada pourrait éviter plus de 2 000 nouveaux cas chaque année, dans ce groupe d’âge.

Josée Hamelin