Les produits « à méfaits réduits » laissent les Canadiens plutôt indifférents

Plusieurs produits se présentent comme des alternatives au tabagisme traditionnel. On n’a qu’à penser aux timbres de nicotine, conçus pour aider les fumeurs à briser leur dépendance, ou encore au tabac à chiquer, qui permet d’obtenir la drogue, sans avoir à inhaler de fumée. Or, les produits censés être moins nocifs que la cigarette sont plutôt méconnus de la population et peu utilisés, indique un récent rapport de Santé Canada.

La plupart (90 %) des Canadiens connaissent la gomme à mâcher, les timbres transdermiques et le tabac à chiquer, mais à peine 40 % d’entre eux savent ce que sont les cigarettes aux herbes ou les pastilles de nicotine et seulement 25 % ont déjà entendu parler de l’inhalateur ou du snus (poudre de tabac humide). Réalisé par Environics Research Group, au terme de douze groupes de discussion et d’un sondage conduit auprès de 1 505 personnes, Consumers’ Awareness and Perceptions of Potential « Harm Reduced » Products fournit un aperçu des connaissances et de la perception des Canadiens sur les produits « à méfaits réduits ».

Aides pharmacologiques

Les thérapies de remplacement de la nicotine, disponibles sans ordonnance pour cesser de fumer, ont été considérées comme moins dangereuses que les cigarettes, entre autres parce qu’elles sont recommandées et approuvées par des professionnels de la santé. Toutefois, bon nombre de Canadiens pensent qu’elles renferment certains produits chimiques contenus dans le tabac, alors que ce n’est pas le cas.

Tabac sans fumée

Vendu en vrac ou en petits sachets dans les dépanneurs et les tabagies, le tabac à chiquer ou à priser n’a suscité que très peu d’intérêt durant les groupes de discussion, la plupart des fumeurs lui préférant la cigarette. Même si elle ne présente que peu de risques pour les poumons, la consommation de ces produits a été considérée comme aussi nuisible pour la santé que fumer.

Cigarettes à base d’herbes

Les Canadiens sont divisés lorsque vient le moment de déterminer les dangers associés aux cigarettes aux herbes. Cependant, bon nombre de participants aux séances de discussion ont associé « à base d’herbes » à des expressions comme « naturel » ou « sain ». Plusieurs ont aussi jugé que l’absence de mise en garde sur l’emballage faisait paraître ce produit moins nocif et plus attrayant.

« Les Canadiens devraient être avisés que les produits dits « plus sécuritaires » ne sont pas tous moins dommageables pour la santé, affirme Murray Kaiserman, directeur de la recherche, de l’évaluation et de la surveillance à Santé Canada. Les cigarettes à base d’herbes – qui sont vendues comme un moyen d’arrêter de fumer – ne contiennent pas de nicotine et ne causent pas de dépendance, mais elles peuvent nuire à la santé vu qu’elles libèrent des substances toxiques en brûlant. »

Peu connus, peu utilisés

Au Canada, 70 % des fumeurs considèrent que le tabagisme leur causera des problèmes de santé, et pourtant, l’utilisation de produits potentiellement moins nocifs que la cigarette demeure vraiment faible, à l’exception de la gomme à mâcher et des timbres de nicotine. En dépit des conclusions de ce rapport, le ministère de la Santé fédéral ignore s’il entreprendra une campagne de sensibilisation sur les produits « à méfaits réduits ».

Les « méfaits réduits » et l’industrie du tabac

Professeur auxiliaire à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, et expert en contrôle du tabagisme, David Sweanor croit que le manque d’informations sur les produits « à méfaits réduits » profite à l’industrie du tabac puisqu’il permet aux cigarettes de dominer le marché, alors que des alternatives moins dommageables existent : « Les fumeurs sont laissés avec deux options : « arrêter de fumer » ou « mourir », alors qu’on sait qu’un très grand nombre seront incapables d’arrêter avant qu’il ne soit trop tard. »

Lors de la 13e Conférence mondiale sur le tabac ou la santé, qui avait lieu à Washington en juillet dernier, certains conférenciers ont toutefois invité les professionnels de la santé à faire preuve de prudence lorsqu’ils abordent la question de la « réduction des méfaits », puisque l’industrie du tabac s’intéresse de plus en plus à ce concept. Tandis que la multinationale British American Tobacco vend du snus sous le nom de deux de ses marques de cigarettes les plus connues, Reynolds American a acheté Conwood – la deuxième compagnie de tabac sans fumée en importance aux États-Unis – pour 3,5 milliards $US, à la fin d’avril 2006.

Josée Hamelin