En route vers une première génération sans tabac

Imaginez une polyvalente où aucun élève ne fume. Imaginez maintenant que ce soit le cas dans toutes les polyvalentes du Québec. C’est cet objectif que vise la politique Génération sans tabac : un projet qui accompagne les écoles secondaires dans une lutte serrée contre le tabagisme.

L’adolescence est une période où l’on explore toutes sortes de choses : différents loisirs, la conduite automobile, l’alcool, les styles vestimentaires et, parfois, le tabac. En effet, si « seulement » 3 % des élèves en 1re secondaire qui fument, ils sont 23 % à le faire en 5e secondaire. Est-ce possible de rêver à un monde où aucun jeune ne penserait à aspirer ne serait-ce qu’une bouffée de fumée? C’est l’objectif que se donne la politique Génération sans tabac : un projet coordonné par le Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS) qui vise à créer, d’ici 2025, la première génération québécoise avec 0 % de fumeurs.

Un problème encore bien présent

L’objectif est à la fois ambitieux et nécessaire. En effet, contrairement à ce que croient plusieurs, le tabagisme est loin d’être une toxicomanie banale : il tue un usager régulier sur deux tandis qu’il est associé à plusieurs autres comportements indésirables, dont le décrochage scolaire et l’usage d’autres drogues. « Aborder le tabagisme dans les écoles peut devenir une porte d’entrée pour traiter d’autres problématiques », dit Olga Debiencourt, agente de développement au volet prévention du CQTS.

En tant que milieu de vie, les polyvalentes sont des endroits particulièrement intéressants pour travailler sur la question du tabac. D’abord, les jeunes y passent beaucoup de temps et voient souvent les adultes qu’ils y côtoient comme des modèles. Ensuite, c’est pendant leurs études secondaires que la plupart des fumeurs s’initient au tabac. En effet, c’est à l’âge de 13,3 ans, en moyenne, que les jeunes commencent à fumer, rapporte l’Enquête québécoise sur le tabac, l’alcool, la drogue et le jeu chez les élèves du secondaire, 2013.

Un changement de culture

La politique Génération sans tabac souhaite qu’il n’y ait plus aucun élève qui fume. Pour y arriver, ce projet du CQTS se concentre sur quatre objectifs : prévenir l’usage du tabac chez les élèves, dénormaliser le tabac et le vapotage, favoriser l’abandon du tabac et s’assurer que la Loi concernant la lutte contre le tabagisme est bien respectée, c’est-à-dire que personne ne fume ni ne vapote en aucun temps sur le terrain de l’école.

Pour bien asseoir ce projet et tenir compte des ressources disponibles, le CQTS a décidé de commencer modestement avec huit écoles dans trois régions. Ces établissements avec un taux de tabagisme et un indice de défavorisation élevés ont été sélectionnés à l’automne 2016, avec l’aide des directions régionales de santé publique. Aujourd’hui, leur engagement est loin d’être symbolique. En effet, la politique Génération sans tabac exige notamment que la direction de ces écoles s’engage formellement dans le projet, assure l’élaboration et la diffusion d’une politique en lien avec Génération sans tabac, et confie à un comité l’organisation d’actions concrètes. En échange, les écoles reçoivent un accompagnement actif et des formations du CQTS ainsi que 2500 $ pour démarrer.

La première étape : un portrait précis et juste de la situation
Olga Debiencourt, agente de développement au volet prévention du CQTS

Une fois assuré l’engagement des directeurs d’école, la première étape est la réalisation d’un sondage auprès des élèves et des employés. « Ce sondage, facile à administrer, permet d’obtenir un portrait tabagique très précis : qui fume, quels produits sont fumés, en quelle quantité, où, à quelle heure, etc. », explique Olga Debiencourt. C’est le CQTS qui analyse les résultats. L’école s’en inspire par la suite pour décider quelles stratégies mettre en place. L’étape suivante est la création du comité qui pilotera ladite stratégie. Selon le CQTS, il est important que ce comité inclue des gens de toutes les parties : des élèves fumeurs et non-fumeurs, un employé, un enseignant, un parent, une infirmière scolaire, etc. « Les membres du comité reçoivent deux formations : une sur les enjeux du tabagisme chez les jeunes et une sur les meilleures pratiques », explique Mme Debiencourt.

Les pratiques recommandées par le CQTS collent à celles recensées par l’Institut national de santé publique du Québec dans son document sur la prévention du tabagisme en milieu scolaire. En quelques mots, celles-ci soutiennent l’implication et l’expression des jeunes encadrés par un adulte formé. À l’inverse, elles déconseillent les initiatives purement didactiques (cours magistral, kiosque d’information) parce qu’elles génèrent rarement de bons résultats.

Un automne chargé

La politique Génération sans tabac a été annoncée officiellement en janvier 2016, à l’occasion de la Semaine pour un Québec sans tabac. Cependant, le travail concret avec les écoles n’a réellement démarré qu’en novembre 2016. Une fois que ces dernières auront fait passer le sondage, elles seront en mesure de développer leur stratégie. « Nous pensons que les établissements seront prêts à annoncer publiquement leur politique ainsi que les actions prises pour la mettre en œuvre dès cet automne », dit Mme Debiencourt. L’implantation du projet sera évaluée puis ses effets seront mesurés par la suite chaque année. Ces évaluations annuelles s’intéresseront aux taux de tabagisme ainsi qu’à la politique elle-même, qui pourra être mise à jour au besoin. Pour tenter d’arriver, d’ici 2025, à une première génération véritablement sans fumée.

Anick Labelle