Deuxième hausse de taxes en 2001

Le 1er novembre, les fumeurs canadiens ont eu droit à une hausse importante de la taxation du tabac, pour une deuxième fois dans la même année.

Au Québec, cette majoration est de 4,50 $ la cartouche, alors qu’elle fut de 4 $ en avril; elle comprend 2 $ de la part du fédéral et 2,50 $ du provincial. Au total pour 2001, en incluant la TPS qui s’ajoute aux autres taxes, le prix de la cartouche aura donc augmenté d’environ 9 $ du côté des gouvernements, ce qui représente 1,13 $ par paquet de 25 cigarettes. Selon la marge des détaillants, les marques principales coûtent maintenant de 5,75 $ à 7 $ le paquet au Québec.

La hausse de novembre n’est pas uniforme d’un océan à l’autre. Le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont fait le même bond que le Québec, de 2,50 $ la cartouche. L’Île-du-Prince-Édouard a tranché pour 2 $, alors que l’Ontario s’est contentée de seulement 1,60 $. Les provinces de l’Ouest n’ont pas accru leur taxation, laquelle n’avait pas beaucoup baissé en 1994 en réaction à la crise de la contrebande.

Du côté d’Ottawa, la hausse varie de 1,50 $ à 2 $ selon les provinces de manière à uniformiser la taxation fédérale. Établie en avril dernier pour prévenir la contrebande, la taxe à l’exportation passe de 10 $ à 11,50 $ la cartouche pour le premier 1,5 % de la production d’un fabricant. Au delà de ce seuil, elle monte de 22 $ à 26 $ la cartouche. Avec une telle contrainte, il est difficile d’alimenter le marché noir sous prétexte d’exportations déguisées.

Budget Marois

Ce mouvement fut concocté le dimanche précédent à Ottawa, lors de la conférence des ministres des Finances, à l’instigation du représentant de Nouvelle-Écosse, le ministre Neil Leblanc. Le moment de l’annonce a coïncidé avec le dépôt du budget de relance de la ministre des Finances du Québec, Pauline Marois. Contrairement au scénario d’avril dernier, aucune portion de la nouvelle taxation n’a été destinée à la réduction du tabagisme, ni à Ottawa, ni à Québec.

L’inclusion de la hausse des taxes du tabac dans le budget Marois a eu pour effet d’en atténuer la couverture médiatique au Québec, les salles de nouvelles devant bien sûr accorder la priorité à l’ensemble du budget. Au cours des jours suivants toutefois, des médias populaires ont visité des réserves autochtones à la recherche d’une reprise sérieuse de la contrebande, puis ont rapporté des vols de cigarettes dans certains dépanneurs.

Néanmoins, les médias québécois sont aujourd’hui généralement beaucoup plus sensibles aux arguments de la santé publique qu’ils ne l’étaient au début des années 1990, alors que leurs propres salles de nouvelles étaient pour la plupart très enfumées. Le 3 novembre par exemple, le Journal de Montréal a consacré une page à l’arrêt tabagique, avec des articles basés sur l’impact des prix sur la consommation et sur les aides pharmacologiques. Citant le Dr Bernard Heneman, de la Direction de la santé publique de Montréal, le quotidien a rappelé que la taxation est un des meilleurs moyens pour combattre le tabagisme.

Excellente nouvelle pour les Québécois

Bien que surprise par l’annonce, la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac a immédiatement émis un communiqué pour exprimer sa satisfaction. « Cette décision d’aujourd’hui constitue une excellente nouvelle pour tous les Québécois et Québécoises », estime son coordonnateur Louis Gauvin, y voyant de la part des gouvernements une volonté ferme de combattre la principale source de décès évitables. La Coalition suggère cependant à la ministre Marois de consacrer à la lutte antitabac 12 % des 125 millions $ qu’engendrera la hausse provinciale. Elle rappelle que le tabagisme demeure « honteusement élevé » à 29 % chez les jeunes hommes de 15 à 24 ans et à 40 % chez les filles de cet âge. Les groupes de santé impliqués dans la lutte antitabac demandent que le budget québécois dédié à leur cause passe de 20 à 75 millions $.

Le directeur du bureau québécois de l’Association pour les droits des non-fumeurs, François Damphousse, a minimisé le risque d’un retour de la contrebande. Le principal commerce illicite qui persiste est celui de l’Ontario et du Québec vers les provinces de l’Ouest, a-t-il précisé. De plus, en tenant compte de l’échange, les cartouches reviennent toujours beaucoup plus cher aux États-Unis; elles coûtent de 58 $ à 70 $ (CAN) pour les grandes marques, selon les États voisins. Même avec les hausses de taxes de novembre, le Québec et l’Ontario constituent encore le havre du tabac à bon marché dans le nord de l’Amérique.

Denis Côté