Une faible scolarité des parents est propice au tabagisme des jeunes

Parmi 18 études ayant examiné le lien entre le niveau d’instruction des parents et le tabagisme des adolescents, 14 ont associé le faible niveau de scolarité des parents à une plus grande probabilité que les jeunes fument.

Voilà un des faits qui ressort d’une recension d’articles scientifiques parue en 2007 dans le Journal of Behavioral Medicine sous la signature des psychologues Margaret D. Hanson et Edith Chen, de l’Université de la Colombie-Britannique. Cet article fait à son tour partie d’une cinquantaine de communications scientifiques qu’a décortiquées et synthétisées l’anthropologue Christiane Montpetit pour le compte du Centre de recherche Léa-Roback sur les inégalités sociales de santé, situé à Montréal. La synthèse de Mme Montpetit est parue en mai dernier sous la forme d’une brochure intitulée Le Point sur… l’effet de quartier, numéro 3 : Les jeunes et le tabac.

Quartiers sans quartier

La vaste recension d’articles produite par Christiane Montpetit permet de prendre conscience de l’effet de plusieurs facteurs environnementaux sur la prévalence du tabagisme chez les jeunes. Ainsi par exemple, parmi les sept études qui ont examiné l’effet d’une mesure quelconque du statut socio­économique du quartier de résidence sur l’ampleur du tabagisme juvénile, quatre n’ont trouvé aucun effet significatif et une a rapporté que les jeunes des quartiers défavorisés étaient propor­tionnellement moins nombreux à fumer, en raison d’autres facteurs protecteurs.

Deux études seulement ont trouvé une relation entre la défavo­risation et une prévalence plus élevée de tabagisme chez les jeunes. « En fait, c’est le sentiment d’insécurité qui serait le plus propice à la cigarette », précise Christiane Montpetit. Or, « ce sentiment d’insécurité est souvent plus ressenti dans les milieux défavorisés où on observe une certaine désorganisation sociale », remarque-t-elle. Les facteurs de cette désorganisation et de ce sentiment d’insécurité sont multiples. Parmi divers facteurs, la violence dans le quartier de résidence est souvent mentionnée dans les recherches.

L’influence du milieu familial

Chez les adultes des quartiers pauvres, l’usage du tabac est plus fréquent que chez leurs concitoyens des quartiers plus favorisés. En revanche, la relation entre la profession ou le revenu des parents et le tabagisme des adolescents n’est pas établie de manière irréfutable. La plupart des études ont associé le faible statut socio-économique des parents à une plus forte propension au tabagisme chez les adolescents. Il reste cependant difficile d’isoler l’effet du faible revenu des parents de celui de leur faible niveau d’instruction ou de certaines autres variables contextuelles.

Les articles scientifiques recensés par Christiane Montpetit indiquent des pourcentages plus élevés de fumeurs chez les adolescents de race blanche aux États-Unis que chez la plupart des autres adolescents du pays. Des remarques de l’anthropologue Mark Nichter, de l’Université de l’Arizona, publiées en 2003, font dire à Christiane Montpetit : « Il semble que les parents afro-américains transmettent des messages antitabac très vigoureux. Pour les jeunes à qui s’adressent ces messages, fumer serait un affront envers leurs parents, peu importe que ces parents fument ou non ». Une synthèse de la psychologue Robin Mermelstein, de l’Université de l’Illinois à Chicago, parue en 1999, pousse Christiane Montpetit à mentionner qu’aux États-Unis, le tabac a une connotation extrêmement péjorative chez les jeunes filles d’origine asiatique et chez les Afro-Américaines.

Bien entendu, toutes ces différences d’attitudes sont à considérer comme vraies « toutes variables étant égales par ailleurs ». En sciences sociales, on ne peut pas comme en chimie conduire une expérience en laboratoire en contrôlant tous les paramètres de l’observation.

Bien qu’à un niveau socio-économique donné, le tabagisme soit plus mal accueilli dans les familles afro-américaines que dans les « blanches », ces dernières ne remportent pas le funeste championnat de la dépendance au tabac. Les études recensées par Christiane Montpetit, tout comme les enquêtes de Statistique Canada, s’accordent à montrer que les collectivités amérindiennes et inuites présentent la plus forte proportion de fumeurs chez les jeunes (et chez les adultes) d’Amérique du Nord.

Pratique d’un culte religieux

Il semble que la pratique d’un culte religieux, telle que mesurée par la fréquentation ou non d’un lieu de culte, puisse empêcher les adolescents de faire l’essai de la cigarette. Christiane Montpetit mentionne que « parmi 29 recherches parues entre 1990 et 2003 qui examinaient l’effet de la religion sur la consommation de cigarettes, 22 ont rapporté un tel effet. » Et Mme Montpetit de préciser : « L’effet perdure même après avoir neutralisé divers facteurs d’influence comme le sexe, l’ethnicité, l’éducation, l’encadrement parental ou l’influence des pairs. »

Il ne sera pas dit que la médecine et la théologie ne peuvent jamais être dans le même camp.

Pierre Croteau