Québec veut réduire la prévalence à 18 % d’ici 2012

Même si la cigarette est maintenant bannie de la plupart des lieux publics, plusieurs défis demeurent. Encore 24 % des Québécois fument et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) compte diminuer ce ratio à 18 % d’ici 2012. Avec son nouveau Plan québécois de lutte contre le tabagisme (PQLT) 2006-2010, il souhaite donc inciter les fumeurs à briser leur dépendance et faire en sorte que les jeunes soient moins nombreux à s’initier au tabac.

Rendu public le 31 mai, ce document d’une cinquantaine de pages fixe les orientations de l’intervention gouvernementale en matière de lutte antitabac pour les cinq prochaines années. Basé sur une approche globale et intégrée, il agit autant sur le plan individuel que sociétal par l’entremise de quatre volets : « politique et législatif », « information, sensibilisation, éducation et soutien », « mobilisation » et « connaissance-surveillance, monitorage, recherche et évaluation ».

Citant un jugement américain de 1993, le PQLT indique que « les cigarettes sont, en termes juridiques, déraisonnablement dangereuses pour la consommation humaine. Inventées aujourd’hui avec un tel profil, elles seraient interdites compte tenu des balises et politiques gouvernementales actuelles à l’égard du traitement des produits dangereux ».

En avant-propos, le ministre Philippe Couillard considère le tabagisme comme « l’un des plus sérieux problèmes de santé publique qui affecte la population québécoise ». Le réduire représente selon lui « un défi de taille qui peut être relevé avec optimisme et confiance, en repoussant le marketing des produits du tabac aux limites de ce qui est acceptable […] ».

S’il vise le mieux-être de tous les Québécois, le PQLT 2006-2010 prévoit sensibiliser davantage les jeunes de 12 à 17 ans et leurs parents, les femmes enceintes, les gens issus de communautés autochtones ou de milieux défavorisés, de même que les 18 à 25 ans qui – en plus de constituer la prochaine génération de parents – sont des modèles pour les adolescents.

Même s’il reconnaît la responsabilité de l’industrie du tabac dans la « pérennité du tabagisme », le gouvernement préfère dénormaliser la cigarette et son usage plutôt que les compagnies qui en font la promotion. Ainsi, aucune mesure ne prévoit cibler directement les cigarettiers.

Abandon du tabagisme

Diminuer l’usage du tabac à 18 % d’ici 2012 est une visée du Programme national de santé publique 2003-2012 reprise par le PQLT 2006-2010. Selon le directeur du bureau québécois de l’Association pour les droits des non-fumeurs, François Damphousse, cet objectif semble raisonnable : « Si la lutte antitabac continue à progresser aussi bien dans les années à venir qu’elle l’a fait par le passé, je ne serais pas surpris que ce taux soit atteint avant la date prévue. » À titre comparatif, la prévalence du tabagisme est passée de 34 à 24 % entre 1998 et 2005.

En plus de la mise en oeuvre et de la révision de la Loi sur le tabac de 1998, le plan précédent, qui couvrait la période de 2001 à 2005, a permis de mettre sur pied les centres d’abandon du tabagisme de même que la ligne téléphonique et le site Internet J’arrête. Au cours des prochaines années, le MSSS compte maintenir la gratuité de ces services de soutien à la cessation tabagique tout en développant des ressources adaptées aux jeunes de 11 à 17 ans. Il tentera aussi de déterminer quelles sont les interventions efficaces pour aider les populations autochtones et les personnes issues de milieux défavorisés à arrêter de fumer.

Depuis octobre 2000, le régime général d’assurance médicaments du Québec rembourse les aides pharmacologiques comme le Zyban (bupropion) ou les timbres transdermiques, si elles sont prescrites par un médecin. Chaque année, environ 11 millions $ servent à financer le sevrage des fumeurs qui font appel à ces thérapies. Bien que cette mesure ne soit pas nécessairement remise en cause, le gouvernement a mandaté l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) pour étudier l’efficacité de cette politique.

Afin d’engager davantage les professionnels de la santé dans la lutte contre le tabagisme, le MSSS considère la possibilité d’inclure les interventions de soutien à la cessation à la liste des actes pour lesquels les médecins sont rémunérés. Notons qu’actuellement, ceux-ci ne sont pas payés pour les conseils antitabac qu’ils fournissent à leurs patients, ce qui en dissuade peut-être certains d’agir. Par ailleurs, l’INSPQ a approché six ordres professionnels afin qu’ils sensibilisent leurs membres à l’importance du counseling tabagique.

Politique et législatif

Le gouvernement compte adopter deux règlements pour préciser la portée de la loi. Le premier porte sur les mises en garde que devraient comporter les publicités protabac et le second sur la promotion qui devrait être permise dans les points de vente. Le Conseil des ministres a également confié aux ministères de la Santé, de la Sécurité publique et des Finances, la responsabilité de proposer une harmonisation des lois qui portent sur la vente de tabac, d’alcool et de loteries aux mineurs.

C’est connu, le coût élevé des produits du tabac aide à prévenir le tabagisme. Malgré cela, les cigarettes vendues au Québec demeurent les moins chères au pays et le gouvernement n’a pas l’intention d’en accroître le prix, du moins pour l’instant. Le MSSS entend collaborer davantage avec les instances fédérales et provinciales qui luttent contre le commerce illicite de tabac et « une fois la contrebande mieux contrôlée, il sera possible d’envisager d’augmenter la taxe », peut-on lire dans le PQLT.

Mobilisation

Pour que la réduction du tabagisme soit non seulement une préoccupation gouvernementale, mais aussi un projet de société, le ministère de la Santé considère que la population doit être sensibilisée aux enjeux relatifs à l’usage du tabac. Puisque des campagnes comme la Semaine québécoise pour un avenir sans tabac et le Défi « J’arrête, j’y gagne! » constituent de bonnes façons d’y arriver, le gouvernement prévoit continuer à les appuyer.

Recherche et évaluation

Dans le cadre du volet « surveillance et évaluation », le Ministère va continuer d’évaluer les programmes déjà en place afin de s’assurer qu’ils correspondent toujours aux objectifs établis. Il désire aussi développer une expertise de recherche québécoise et prendre part à des projets de coopération internationale.

En vertu de la Loi sur le tabac, le ministre de la Santé et des Services sociaux a l’obligation de présenter un rapport sur sa mise en oeuvre au plus tard le 1er octobre 2010. Quant au PQLT 2006-2010, sa réalisation sera assurée par la Direction générale de la santé publique du MSSS tandis que le Service de lutte contre le tabagisme veillera à la gestion des activités qui y sont prévues.

La démarche poursuivie par le Plan québécois de lutte contre le tabagisme s’inscrit dans un mouvement planétaire, dont le dynamisme est alimenté par la mise en oeuvre de la Convention-cadre pour la lutte antitabac de l’Organisation mondiale de la santé. Elle a pour ultime but de faire en sorte qu’un moins grand nombre de gens ne paient de leur vie ou de leur santé pour avoir consommé directement ou indirectement des produits du tabac.

Josée Hamelin