Nouveaux fonds pour la recherche sur le tabagisme : 500 000 $ par année

L’accent est mis sur l’élaboration de politiques antitabac efficaces : les universitaires et les chercheurs de toutes sortes jouent depuis belle lurette un rôle de premier plan dans le monde du contrôle du tabac, aux États-Unis.

Il y a le cas du Pr Stanton Glantz, qui a commencé par faire des études sur les effets cardiovasculaires de l’exposition à la fumée de tabac pour ensuite devenir l’ennemi numéro un de l’industrie en rendant accessibles des milliers de documents internes du cigarettier Brown & Williamson. Il y a celui du Pr Richard Daynard, fondateur du Tobacco Products Liability Project, dont la contribution aux nombreuses poursuites civiles contre l’industrie est incalculable. Il y a les nombreux chercheurs qui ont résisté aux pressions des compagnies de tabac et ont rédigé des rapports synthèses accablants sur la fumée de tabac dans l’environnement.

De ce côté-ci de la frontière, on a beau avoir un bon nombre de chercheurs intéressés par le sujet du tabagisme, le lien entre la recherche et l’élaboration de politiques et de programmes semble se faire avec plus de difficulté. C’est une lacune que veut maintenant combler l’Initiative canadienne de recherche sur le tabagisme (ICRT), dotée au départ d’un budget de 500 000 $ par année en provenance de l’Institut national du cancer du Canada.

L’ICRT se veut bien plus qu’une nouvelle source de financement pour les projets de recherche reliés de près ou de loin au tabagisme. On espère créer un véritable réseau de chercheurs, en lien étroit avec les intervenants gouvernementaux et communautaires; en plus de décerner directement des fonds de recherche, l’ICRT établira un inventaire des autres bailleurs de fonds susceptibles de s’intéresser au tabagisme.

Plus concrètement, l’ICRT serait, par exemple, un excellent partenaire pour un gouvernement ou un organisme de santé cherchant à développer un programme grand public de soutien à la cessation, explique Roy Cameron, directeur du Centre de recherche comportementale et d’évaluation de programmes à l’Institut national du cancer.

On sait qu’il y a des millions de fumeurs au pays (plus de 2 000 000 au Québec). Parmi ceux qui ne parviendront pas à cesser de fumer, environ 50 % mourront de maladies reliées au tabagisme. Même de petites variations dans les taux de cessation ont donc des impacts considérables sur la santé publique, ce qui a incité plusieurs gouvernements, notamment en Australie, à mettre sur pied des lignes téléphoniques sans frais pour les fumeurs désirant de l’aide afin de se libérer de leur dépendance. Au Québec, l’Association pulmonaire vient de lancer un projet semblable, la ligne 1-888-POUMON-9.

Mais comment aménager un tel service pour qu’il soit le plus efficace possible? Avec les ressources limitées dont on dispose, quels moyens peut-on trouver pour rejoindre des millions de personnes et avoir un effet réel sur leurs décisions? Pour M. Cameron, c’est le genre de questions auquel l’ICRT devrait aider à trouver des réponses, en mettant les décideurs en contact avec la communauté scientifique et en donnant à cette dernière des moyens pour entreprendre des recherches systématiques dans le domaine.

L’idée d’une initiative de recherche axée sur le tabac a germé en janvier 1997. Bien qu’il s’agisse au départ d’un projet de l’Institut national du cancer, les promoteurs de l’ICRT tentent de l’intégrer le plus possible à la Stratégie nationale de réduction de l’usage du tabac et d’y associer les gouvernements concernés et les organismes de santé oeuvrant dans le domaine du tabagisme. « Jusqu’ici, tous les intervenants ont trouvé que c’est une idée fantastique », affirme M. Cameron.

L’ICRT a déjà élaboré une liste de priorités de recherche pour les prochaines années :

  1. Les jeunes et le tabagisme;
  2. Le transfert de connaissances (c’est-à-dire comment faire en sorte que les résultats de recherche soient diffusés parmi les décideurs et mis en application par la suite);
  3. L’innovation (l’élaboration et l’évaluation de politiques et de programmes novateurs);
  4. Les effets interactifs (les effets de synergie entre différentes interventions antitabac);
  5. La cessation;
  6. La protection (contre la fumée secondaire);
  7. La modification du produit (par exemple la modification de la teneur en nicotine ou en goudron, les dispositifs de rechange d’administration de la nicotine, etc.).

Les premières subventions de recherches devraient être accordées d’ici un an; pour le moment, on invite les chercheurs intéressés à faire partie du réseau à contacter l’ICRT pour aider les organisateurs à constituer une première base de données.

On peut envoyer un courriel à l’adresse tobacco@cancer.ca, ou encore téléphoner à Cheryl Moyer au (416) 961-7223 ou à Roy Cameron au (519) 888-4503.

Francis Thompson