L’OMS réclame l’interdiction de la publicité de tous les produits du tabac

Depuis février 2008, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) appelle les États de la planète à interdire toutes les formes de publicité et de promotion des produits du tabac.

Il ne devrait donc plus être question de se demander si une annonce de cigarettes doit ou non être assortie d’une mise en garde de telle ou telle grandeur; plus question de se demander si un lecteur mineur pourrait voir la pub d’un cigarillo dans telle ou telle publication, sur un écran, sur un mur, etc; plus question de se demander si la publicité en couleur doit être autorisée. Pas de pub de tabac, point final, demande l’OMS, sauf là où le droit à cette pratique est vraiment garanti par la constitution du pays.

Bien que le principe de cet appel international ait été approuvé en 2003 par l’Assemblée mondiale de la santé, l’organe suprême de l’OMS, cette mesure n’est apparue comme l’un des chevaux de bataille de l’organisme intergouvernemental qu’avec la parution du Rapport de l’OMS sur l’épidémie mondiale de tabagisme 2008, rapport publié grâce au soutien du philanthrope Michael Bloomberg, qui est aussi maire de New York. Aux yeux de l’OMS, une interdiction complète est la suite logique à donner par les 157 États, dont le Canada, qui ont ratifié la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac. Cette convention, signée par 168 pays en 2003 et 2004, est en vigueur depuis février 2005.

Arrêter le jeu du chat et de la souris

« Pour pouvoir survivre, l’industrie du tabac doit remplacer les consommateurs qui meurent ou cessent de fumer par de nouveaux fumeurs qu’elle doit recruter quand ils sont jeunes, » fait valoir la directrice générale de l’OMS, la Dre Margaret Chan. L’organisme international basé à Genève observe qu’en plusieurs pays, l’industrie piège de nouveaux usagers et fidélise ses clients « en ciblant notamment les jeunes dans les milieux qu’ils fréquentent – cinéma, Internet, revues, concerts et manifestations sportives », en distribuant des vêtements et autres articles portant une marque de cigarette, et en veillant à ce que ses produits ou ses marques soient très visibles lors de festivités, ou dans le monde de la mode, de même qu’au petit comme au grand écran.

Or, comme le précise le directeur de l’Initiative pour un monde sans tabac à l’OMS, le Dr Douglas Bettcher : « Quand une forme de publicité est interdite, l’industrie du tabac redirige simplement ses ressources considérables », en remplaçant une activité promotionnelle par une autre. « Nous demandons instamment aux gouvernements d’imposer une interdiction totale pour mettre en échec la stratégie de commercialisation du tabac. » Le Dr Bettcher croit que l’interdiction totale est efficace et a permis de réduire significativement la consommation de tabac dans les pays ayant adopté cette mesure législative.

Seule une poignée des 193 pays membres de l’OMS a jusqu’à présent banni toute publicité du tabac. Au Canada, la publicité dans des imprimés est encore permise.

Une règle pour TOUS les produits du tabac

L’interdiction de la publicité et de la promotion que réclame l’OMS ne s’appliquerait pas seulement aux cigarettes, aux cigares, aux cigarillos, aux bidis, aux kreteks, ou au tabac haché fin dont on bourre sa pipe ou son papier à cigarette : elle frapperait tous les produits du tabac, qu’ils soient combustibles ou non, ce qui inclurait donc le tabac à priser et le tabac oral. Aucune exception n’est prévue.

L’application d’un tel interdit empêcherait l’industrie d’attirer l’attention des fumeurs sur des produits moins malfaisants pour leur santé que le tabac fumé, tel que le snus. Dans un document daté de 2004, Le tabac : mortel sous toutes ses formes, l’OMS énumérait les dommages sanitaires causés par plusieurs des produits du tabac non combustibles; et elle leur reprochait d’entretenir une dépendance au tabac et de servir, du fait qu’ils sont souvent mis en marché sous des marques de cigarettes, à promouvoir celles-ci.

E-cigarette : l’OMS exige du sérieux

Une cigarette électronique est un tube rigide, ayant généralement l’aspect d’une longue cigarette, et qui comporte un réservoir contenant une solution de propylèneglycol et de nicotine, ainsi qu’une pile. L’usager n’allume pas l’appareil mais en aspire une vaporisation à un bout, pendant qu’à l’autre bout, un petit voyant lumineux s’allume. Le propylèneglycol est un liquide incolore, de saveur sucrée, utilisé notamment pour l’extraction et la préparation de certains médicaments et comme agent de conservation des sirops.

À l’intérieur de la bouche et des voie respiratoires, les microgouttelettes de propylèneglycol se transforment en une brume supposée inoffensive. Le fumeur irait donc chercher sa dose de nicotine pure sans inhaler ni répandre une fumée pleine de poisons, comme celle issue de la combustion du tabac.

Le 19 septembre dernier, le Dr Ala Alwan de l’OMS a déclaré que son organisation « ne dispose pas de preuves scientifiques permettant de confirmer l’innocuité et l’efficacité » de la cigarette électronique. Les entreprises qui la commercialisent « devraient immédiatement retirer de leurs sites web et autres matériels d’information toute indication laissant supposer que l’OMS considère ces cigarettes comme un moyen efficace et sûr de sevrage tabagique.»

L’OMS n’écarte pas la possibilité que la cigarette électronique puisse servir de moyen de sevrage du tabac, mais dit que la seule façon de le savoir est que les fabricants fassent réaliser des analyses de toxicité et des études cliniques.

Pierre Croteau