Les nuisances environnementales du tabac

Bien que les méfaits du tabagisme sur la santé soient connus, ses effets sur l’environnement le sont moins. Et pourtant ! Les conclusions d’un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sont sans équivoque : le tabac nuit à l’environnement et devient, par conséquent, un enjeu de survie planétaire.

Récemment, l’OMS a publié un rapport sur les conséquences du tabagisme sur l’environnement intitulé Cigarette smoking : An assessment of tobacco’s global environmental footprint across its entire supply chain, and policy strategies to reduce it. Commandé par le Secrétariat de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac et rédigé par des scientifiques de l’Imperial College London, le rapport brosse un portrait alarmant de la situation et propose la mise en place de stratégies environnementales, comme la responsabilisation de l’industrie du tabac à l’égard de ses déchets. En fait, à l’ère où la plupart des scientifiques et des écologistes tirent la sonnette d’alarme sur l’état de la planète, les diverses stratégies proposées ont pour but ultime de sauver l’humanité.

Impact no 1 : épuisement des ressources naturelles

De la culture et du traitement du tabac, à la fabrication, la distribution, la consommation et la mise au rebut des cigarettes, chaque étape de la chaîne du tabagisme implique des quantités considérables de ressources, telles que l’eau, la terre et l’énergie. Des besoins en ressources qui dépassent souvent ceux de produits plus essentiels à la vie, comme la pomme de terre, la tomate et le blé.

Conséquence ? La tabaculture maintient des populations locales dans la faim, en prenant la place de cultures alimentaires de base. Bien évidemment, en raison du déplacement de la production du tabac des régions les plus riches vers les plus pauvres, ses conséquences environnementales et sociales sont davantage ressenties dans des pays du tiers-monde, comme le Zimbabwe et l’Indonésie.

Impact no2 : contribution aux changements climatiques

Outre l’épuisement des ressources, la chaîne d’approvisionnement du tabac crée des millions de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre (GES), contribuant ainsi aux changements climatiques et à leurs désastreuses conséquences (sécheresses, inondations, incendies de forêt…). Avec l’équivalent de 84 millions de tonnes de CO2 par année, ses émissions en GES sont comparables à celles de pays comme le Pérou et Israël.

Le rapport souligne également le fait suivant : les empreintes de carbone mentionnées par les scientifiques sont trois à quatre fois plus élevées que celles révélées par deux géants du tabac, soit British American Tobacco et Philip Morris International. Les spécialistes de l’Imperial College London expliquent cet écart en remettant sérieusement en question les calculs des deux multinationales… et invitent, par le fait même, l’ensemble des cigarettiers à fournir des données exhaustives et exactes concernant leurs incidences environnementales annuelles.

Impact no 3 : fragilisation des écosystèmes

En libérant des millions de tonnes de déchets (pesticides, métaux lourds, mégots de cigarettes) dans le sol, l’air et les nappes phréatiques, le secteur du tabac a des effets négatifs sur les écosystèmes naturels, terrestres et aquatiques. À titre d’exemple, avec ses 7000 substances chimiques, un seul mégot suffit pour polluer 500 litres d’eau ! Également, la tabaculture est responsable d’une déforestation importante, par le défrichage annuel d’au moins 6500 hectares de terres forestières, et par l’utilisation de plus de huit millions de tonnes de bois pour traiter le tabac.

Autres faits saillants

Si l’industrie du tabac pollue, le fumeur aussi. En effet, une personne qui fume un paquet de cigarettes par jour pendant 50 ans a une empreinte carbone totale qui, pour la compenser, exigerait la plantation de 132 arbres cultivés pendant 10 ans ! Elle a de plus une empreinte sur l’eau équivalant à environ 62 ans d’approvisionnement en eau pour les besoins de base de trois personnes. Finalement, ce même fumeur épuise environ une tonne de pétrole, ce qui est comparable à la consommation d’électricité d’un ménage moyen en Inde pendant près de 15 ans.

Bien sûr, l’industrie du tabac se défend en disant favoriser les économies nationales et rurales, par la création d’emplois, entre autres. Elle aime également redorer son blason en contribuant à des programmes de reboisement et d’éducation. Cependant, de plus en plus de preuves suggèrent que les dommages qu’elle crée (pauvreté, maladie, mort et pollution) dépassent largement ses contributions. En fait, les activités de l’industrie du tabac mineraient l’atteinte des dix-sept objectifs de développement durable de l’Organisation des Nations Unies, dont, plus particulièrement, la consommation et la production responsables, la lutte contre les changements climatiques, la conservation et l’exploitation durables des océans et des mers, et la vie terrestre.

Stratégies

Afin d’atténuer les conséquences du tabagisme sur l’environnement, le rapport encourage la mise en place de mesures spécifiques. Parmi celles-ci, notons :

  • la responsabilisation de l’industrie du tabac à l’égard de ses déchets (élimination des filtres à usage unique et des emballages inutiles, collecte et gestion des mégots…)
  • l’adoption de cultures alternatives et plus durables chez les agriculteurs
  • la réduction du tabagisme chez les consommateurs
  • l’accroissement de la coopération dans la lutte internationale contre le tabagisme

Certes, ces mesures viennent avec des défis, comme la résistance du lobby du tabac, mais les conclusions du rapport n’en demeurent pas moins claires : le tabagisme exerçant une pression inutile sur les ressources et les écosystèmes de la planète, et menaçant par le fait même la survie des communautés du monde entier, l’objectif ultime de toutes les politiques de lutte contre le tabagisme devrait être son élimination complète… Ce qui engendrerait, bien sûr, la disparition de l’industrie du tabac.

Catherine Courchesne