Campagne publicitaire douteuse pour la cigarette Player’s Première

Malgré toutes les preuves irréfutables sur les dangers du tabac pour la santé, les fabricants de tabac cherchent continuellement des moyens de développer chez les fumeurs actuels et potentiels un faux sentiment de sécurité à l’égard de leurs produits.

D’ailleurs, les juges de la Cour suprême ont eu l’occasion d’analyser les documents de marketing des fabricants de tabac canadiens soumis comme éléments de preuve durant le débat sur la Loi réglementant les produits du tabac et ont émis le commentaire suivant :

« Bien que les appelantes (les fabricants) affirment résolument que leurs efforts de commercialisation sont orientés seulement vers la préservation et le renforcement de la fidélité des fumeurs adultes, ces documents témoignent du contraire. En particulier, on peut tirer de ces documents les conclusions générales suivantes : les compagnies comprennent que, pour maintenir le nombre total des fumeurs, elles doivent rassurer les fumeurs actuels et rendre leurs produits attirants pour les jeunes et les non-fumeurs… » [C’est nous qui soulignons.]

La plus récente initiative à cet égard est sans contredit le lancement sur le marché de la nouvelle cigarette Player’s Première par la compagnie Imperial Tobacco. La vaste campagne publicitaire entreprise pour vendre cette cigarette est surtout axée sur les propriétés de son filtre soi-disant unique constitué de granules de semoule et de fragments de charbon. Le fabricant se base sur des recherches effectuées auprès des fumeurs pour prétendre que ce nouveau filtre permet d’obtenir une cigarette pleine de goût procurant moins d’irritation.

Or, la perception des fumeurs ne constitue pas un critère valable pour évaluer la toxicité d’un produit du tabac. De plus, aucune recherche indépendante n’a été effectuée pour vérifier si effectivement ce nouveau filtre est en mesure de réduire considérablement le taux de morbidité et de mortalité causées par le tabac.

Le fabricant mène tout simplement une campagne publicitaire douteuse qui profite de notre tendance actuelle de recourir à des produits naturels, tels que des granules de semoule, pour laisser sous-entendre que son produit est plus sécuritaire. Il rajoute également une note de crédibilité à sa campagne en prenant bien soin de mentionner que des recherches ont été menées auprès de fumeurs.

Cette campagne est étrangement similaire à la campagne menée par les fabricants de tabac au cours des années ’70 sur les cigarettes légères et extra légères. Avec ces cigarettes, les fabricants de tabac voulaient surtout offrir aux fumeurs et non­-fumeurs ce qu’ils pouvaient considérer comme une alternative viable aux cigarettes régulières. Pourtant, ces cigarettes ne sont pas moins dangereuses pour la santé parce qu’elles développent également une dépendance à la nicotine et parce qu’elles contiennent les mêmes substances toxiques, dont plus de 40 sont cancérogènes, que les cigarettes régulières.

Ces campagnes insidieuses justifient ainsi toute intervention de la part des gouvernements pour interdire ou restreindre sérieusement la promotion des produits du tabac. De plus, seule la réglementation sur la fabrication des produits du tabac nous permettra de forcer les fabricants à mettre véritablement sur le marché des produits qui pourraient réduire considérablement le taux de morbidité et le taux de mortalité.

François Damphousse, secrétaire général du Conseil québécois sur le tabac et la santé de 1993 à 1995 et actuellement directeur du bureau québécois de l’Association pour les droits des non-fumeurs.