Tony Blair éclaboussé par des accusations de trafic d’influence au profit de Bernie Ecclestone

Jean Chrétien est loin d’être le seul homme politique à proposer une exemption pour les courses de Formule Un et à se faire traiter d’opportuniste. En Grande-Bretagne, son homologue Tony Blair est confronté au premier grand scandale depuis sa prise de pouvoir triomphale en mai.

L’histoire commence le 5 novembre de manière assez banale, alors que le gouvernement britannique annonce qu’il veut lui aussi exempter la course automobile de nouvelles règles interdisant les commandites par l’industrie du tabac. C’est une volte-face inattendue dans un pays où un code volontaire empêche déjà les cigarettiers d’afficher des noms de marques sur les voitures de course et les uniformes des pilotes. Il y a quelques mois, le ministre Frank Dobson promettait une loi sévère interdisant toute publicité du tabac, y compris la publicité de commandite.

Cette « exemption Grand Prix » serait nécessaire pour préserver en Grande-Bretagne 50 000 (!) emplois qui seraient reliés à la course automobile, prétendent les porte-parole du gouvernement, faisant ainsi écho aux menaces de la Fédération internationale de l’automobile, qui se dit prête à déménager plusieurs grands prix européens en Asie.

Les journaux anglais flairent aussitôt le scandale. On apprend rapidement que le mari de Tessa Jowell, la ministre de la santé publique, avait travaillé jusqu’à tout récemment comme conseiller juridique et directeur de Benetton Formula, propriétaire d’une des écuries de Formule Un, mais qu’il a démissionné pour éviter les accusations de conflit d’intérêts.

Le 9 novembre, le gouvernement confirme que Max Mosley, président de la Fédération internationale d’automobile (FIA), contribue depuis plusieurs années à la caisse électorale du parti travailliste. De plus, un des principaux lobbyistes de la FIA sur la question d’une exemption Grand Prix travaillait auparavant comme conseiller spécial auprès de John Smith, le prédécesseur de Tony Blair.

La vraie bombe explose lorsque les journalistes découvrent que Bernie Ecclestone, vice-président de la FIA et chef incontesté du regroupement des écuries de Formule Un, a donné un million de livres – environ 2 million $ – au parti travailliste au mois de janvier. Cela représente plus de 8 % de ce que le parti a dépensé au cours des 12 mois précédant les dernières élections.

M. Blair annonce rapidement que le don sera remboursé pour éviter toute apparence de trafic d’influence. Mais il n’est pas encore sorti du bois : les journaux rapportent que son parti était en négociation avec M. Ecclestone pour le convaincre de faire un autre don majeur en octobre, au moment où l’éminence grise de la Formule Un est allé à Downing Street pour réclamer une exemption pour la course automobile.

Le 16 novembre, M. Blair fait son mea-culpa à la BBC, dans une longue interview télévisée dans laquelle il essaye de sauver sa réputation de partisan de la transparence. Les travaillistes parlent d’une réforme du financement des partis politiques. Tant à gauche qu’à droite, les éditorialistes continuent de crier au scandale.

Aux dernières nouvelles, le gouvernement britannique cherche maintenant une façon d’appuyer la directive européenne contre la publicité du tabac sans donner l’impression d’avoir fait une autre volte-face.

Francis Thompson