L’OMS honore le gouvernement québécois pour l’interdiction des commandites

À l’occasion de la Journée mondiale sans tabac, le 31 mai dernier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a décerné une récompense au gouvernement québécois pour son interdiction totale des commandites de l’industrie du tabac. Remis par son organisme continental pour les Amériques, l’Organisation panaméricaine de la santé (OPAS), six prix soulignaient les efforts d’autant d’organismes ou de nations pour dissocier le tabac des sports, thème retenu cette année.

Rappelons que le gouvernement québécois fut en juin 1998 la première législation des pays d’Amérique à bannir complètement la commandite du tabac. Ceci se fait en trois étapes : interdiction des nouvelles commandites depuis l’adoption de la loi; sévère limitation des médias utilisés pour leur promotion depuis octobre 2000; interdiction totale en octobre 2003. Cet échéancier épousait les intentions annoncées à l’époque par le gouvernement fédéral pour sa propre législation antitabac, laquelle ne fut adoptée qu’en décembre 1998. Le gouvernement canadien était donc bon deuxième en Amérique!

Minime couverture de presse

Malheureusement, très rares sont les Québécois qui savent que leur gouvernement a mérité cet honneur international. Heureuse, mais elle-même étonnée de la nouvelle, la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac avait émis un communiqué la veille de la Journée mondiale, qu’aucun média n’a jugé bon d’utiliser. « Nous sommes extrêmement fiers du rôle de pionnier joué par le gouvernement du Québec en matière de réduction de la promotion du tabac et tout comme le fait l’OMS, nous profitons de la Journée mondiale sans tabac pour l’en féliciter », y indiquait le porte-parole Louis Gauvin.

Le ministre délégué à la Santé, Roger Bertrand, titulaire du dossier du tabagisme, a, quant à lui, levé le voile sur le prix de l’OMS lors d’une allocution à l’Assemblée nationale, proposant aux élus de souligner la Journée mondiale sans tabac. « Cette décision de l’Organisation devrait contribuer à affirmer au plan international le leadership du Québec dans la lutte contre cet important problème de santé publique que constitue le tabagisme (…) J’appuie donc sans réserve la campagne lancée par l’Organisation mondiale de la santé pour éliminer du sport tout ce qui a trait au tabac : exposition passive à la fumée de cigarette, publicité pour le tabac, promotion et commercialisation des produits du tabac », a-t-il notamment déclaré.

Tout en secondant la motion du ministre Bertrand, le critique libéral Russell Williams a fait valoir l’appui de son parti aux lois antitabac québécoises. « L’opposition officielle n’a pas juste appuyé ces démarches, a-t-il dit, elle a poussé le gouvernement à aller plus loin (…) Je suis à l’aise de féliciter le gouvernement parce que, je pense, que je suis en train de féliciter tous les parlementaires de l’Assemblée nationale. »

Autres prix de l’OMS

Les cinq autres récipiendaires des prix de l’OMS pour les Amériques furent :

  • le Bureau de contrôle et de prévention des maladies des États-Unis, pour ses interventions favorisant les Jeux Olympiques d’hiver et la Coupe du monde de soccer sans tabac cette année;
  • le gouvernement brésilien pour l’interdiction, dès 2003, de la publicité du tabac dans les événements sportifs, les médias et l’affichage;
  • une association mexicaine pour son opposition aux substances occasionnant la dépendance dans les sports;
  • un institut péruvien pour son projet de sport sans tabac;
  • le ministère des sports de Trinidad et Tobago pour ses établissements sportifs sans tabac.

Six mentions honorables ont également été décernées, dont l’une pour la campagne québécoise De facto, la vérité sans filtre, une initiative de l’Association régionale du Sport étudiant de Québec et de Chaudière-Appalaches. De facto est inspirée de campagnes américaines et australiennes qui utilisent la commandite d’événements sportifs pour dénoncer le comportement prédateur de l’industrie face aux jeunes. Avec un prix et une mention honorable sur 12 hommages, le Québec peut être fier de sa récolte panaméricaine.

Message du Dr Alleyne

Dans son message pour la Journée mondiale, le directeur de l’Organisation panaméricaine de la santé, le Dr George Alleyne, a insisté sur le retrait du tabac des secteurs du sport. « Il est évident que le tabac et les sports ne vont pas de pair, a-t-il déclaré. Les exploits athlétiques découlent d’une excellente santé, tout le contraire d’un corps pollué par la fumée de tabac, dépendant de la nicotine et incapable de respirer librement. » À l’intention de ses 35 pays membres, l’OPAS a profité de l’événement pour lancer un cahier de conseils, d’une cinquantaine de pages, sur l’élaboration et la mise en place d’une législation antitabac complète, intitulé Developing Legislation for Tobacco Control. Cet exercice s’intègre dans la démarche d’adoption par l’OMS d’une Convention-cadre mondiale antitabac, probablement en mai 2003.

Équipe Player’s

De toutes les commandites de tabac qui perduraient, sinon se multipliaient, au Québec durant les années 1990, il n’en reste plus aucune majeure. Les deux principales résiduelles sont une commandite secondaire du Festival international de Jazz de Montréal par la marque du Maurier, de même que la couverture médiatique et publicitaire de l’équipe de course automobile Player’s. Avec l’arrivée sur l’Île Notre-Dame de Montréal d’une étape de la série CART, Imperial Tobacco a bénéficié l’été dernier d’une impressionnante promotion de sa marque Player’s, par le biais des pilotes Patrick Carpentier et Alexandre Tagliani. Force est d’admettre que le fabricant et sa firme de communications, Torchia Communications, ont réalisé un travail superbe, profitant au maximum de la collaboration empressée (et un peu naïve) de journalistes sportifs.

Journal de Montréal

Le record de collaboration doit appartenir au Journal de Montréal, qui a consacré une centaine de pages à la course de la fin août, axant surtout ses reportages sur les deux pilotes Player’s. Peu après, journaliste de ce même quotidien populaire, Martin Leclerc a qualifié de « privilège indécent » le fait que le gouvernement canadien ait accordé à l’équipe Player’s la même exemption à la loi et le même échéancier que ceux valant pour les événements commandités indépendants (tels le Festival Juste pour rire ou le Grand Prix de Trois-Rivières). On savait bien que son propriétaire, une compagnie de cigarettes, ne chercherait pas d’autres commanditaires, ayant pour seul but d’annoncer sa marque. « Or, depuis cinq ans, Player’s courtise la jeunesse canadienne au grand complet. Et elle est la seule à avoir le droit de le faire! », dénonce-t-il dans sa chronique du 3 septembre.

Il sera intéressant de constater quelle couverture les médias accorderont à la série CART une fois que l’argent du géant canadien du tabac ne sera plus dans la balance. Il semble bien assuré que l’équipe Player’s s’arrêtera en septembre 2003, grâce aux lois canadienne et québécoise sur le tabac. Les contrats de ses pilotes sont déjà formulés en conséquence.

En 2004, les écuries étrangères devraient, elles aussi, être exemptes de promotion du tabac lors du Grand Prix de Montréal de Formule 1, comme c’est le cas en France, en Grande-Bretagne et partiellement aux États-Unis.

Quant au Stade de tennis du Maurier, déjà érigé presque en totalité grâce à des octrois publics, il a reçu en juin de nouvelles subventions de Québec et de la Ville de Montréal, totalisant 12,5 millions cette fois, pour l’aménagement d’un second court de 5 000 places. L’inauguration des nouvelles installations aurait lieu à l’été 2004, alors que le stade devra porter un nouveau nom en vertu de la loi québécoise.

Denis Côté