Santé Canada verse 893 000 $ au projet De Facto du Sport étudiant de Québec

L’Association régionale du sport étudiant de Québec et de Chaudières-Appalaches (ARSEQCA) vient de décrocher un octroi de 893 000 $ de Santé Canada afin de donner du muscle à son projet De Facto, La vérité sans filtre, qui veut prévenir le tabagisme chez les jeunes de ces deux régions. Devant être investie aux deux tiers en placements médiatiques, d’ici mars 2004, cette subvention représente, et de loin, le plus gros budget jamais consacré à un projet antitabac régional d’un organisme non gouvernemental. Très rares même sont les activités provinciales à bénéficier d’un tel support.

Impliquée depuis 7 ans dans la lutte contre le tabagisme et depuis 3 ans dans l’élaboration du projet De Facto, l’Association ne manque pas d’idées d’annonces antitabac. De concert avec l’agence de marketing Lacroix-Bleau, elle envisage de recourir entre autres à des placements au cinéma et à la télévision, de même qu’à de l’affichage, rejoignant ainsi jeunes et adultes. Les messages livreront un discours « adulte », ce qui aurait un meilleur impact parmi les adolescents.

Le Sport Étudiant projette une campagne révélant aux jeunes « la vérité » entourant l’industrie du tabac et ses produits. De Facto répandra, entre autres, des extraits de documents internes de fabricants de cigarettes prouvant que ces derniers ont manipulé chimiquement et génétiquement le tabac pour accroître la dépendance, qu’ils ont ciblé les enfants, les adolescents et les jeunes femmes (en présentant la cigarette comme moyen d’acquérir l’apparence rêvée), tout cela conscients de vendre des produits mortels. Le projet s’inspire de deux expériences semblables : le programme australien Quit, qui utilise la commandite-santé de pair avec l’incitation à l’arrêt tabagique, et le programme américain Truth, axé sur la dénormalisation de l’industrie du tabac.

De Facto innove déjà en employant un moyen non traditionnel pour atteindre les jeunes, la commandite sportive. « Notre projet-pilote régional est novateur et unique au Canada. Il amène un complément important aux actions déjà existantes de lutte contre le tabagisme en utilisant le sport comme moyen privilégié pour diffuser nos messages », explique Gilles Lépine, directeur général de l’ARSEQCA. Ce promoteur souhaite le port du logo De Facto sur l’ensemble des uniformes des équipes sportives interscolaires, dont celles représentant l’Université Laval, connues sous l’appellation Rouge et Or. Dans ses rêves, M. Lépine voit même le logo sur les costumes de la délégation canadienne lors des Jeux olympiques d’Athènes en 2004!

Les associations entre sport et messages antitabac n’ont pourtant pas toujours eu des résultats probants. À l’occasion des Jeux olympiques d’hiver de 2002 à Salt Lake City, les annonces télévisées de Santé Canada, mettant en vedette les patineurs Elvis Stojko et Josée Chouinard, s’étaient atTirées les moqueries de spécialistes du contrôle du tabac. On reprochait à cette campagne d’avoir recours à des personnalités trop parfaites, loin des besoins d’émancipation ou de rébellion des adolescents. Le groupe de Québec tentera plutôt de diriger l’esprit critique des jeunes contre l’industrie du tabac et ses produits.

Appel à l’intelligence

Responsable des communications et de la prévention du tabagisme de l’ARSEQCA, Daniel Veilleux semble confiant en la stratégie utilisée : « On ne dit pas aux jeunes quoi faire. On fait appel à leur intelligence en dénonçant l’industrie. » Même opinion de la part de Gerry Fasset, président du conseil d’administration de l’Association : « Il faut leur dire la vérité et leur expliquer qu’il s’agit de manipulation pure et simple de la part de l’industrie du tabac. » Janie Blouin-Grondin, 15 ans, représentante du Québec au Comité action jeunesse sur le tabac de Santé Canada, a participé activement au projet-pilote. Elle croit que les publicités choc de De Facto toucheront ses pairs.

La subvention a été annoncée en conférence de presse le 23 janvier à l’Université Laval, ce qui lui a valu des reportages sur Radio-Canada, TVA et TQS, de même que dans les quotidiens Le Soleil et Le Journal de Québec.

Marie-Noëlle Trottier