Rendre la nicotine médicinale plus attrayante pour les fumeurs

Des thérapies de remplacement de la nicotine (TRN) dotées d’un mécanisme de diffusion de la nicotine dans le corps plus rapide que maintenant; dotées de doses plus fortes; à être utilisées avant l’arrêt tabagique; pour un usage à long terme, voire à vie; et comme moyen de réduire les risques de rechute et les méfaits : voilà quelques améliorations dans l’usage de la nicotine médicinale qui font rêver Peter Hajek.

Peter Hajek est professeur de psychologie clinique à l’Institut Wolfson de médecine préventive de la Queen Mary University of London et directeur d’une Unité de recherche sur la dépendance au tabac basée au Royal London Hospital. Le chercheur prenait la parole lors d’un colloque sur les moyens d’augmenter le nombre des fumeurs qui décrochent de leur toxicomanie, à la 14e Conférence mondiale sur le tabac OU la santé, qui se tenait en Inde en mars.

Le professeur Hajek a commencé par noter que les traitements actuellement disponibles dans le monde et dont l’efficacité clinique est prouvée sont l’aide psychologique (behavioural advice), les TRN, le bupropion et la varénicline. Le chercheur anglais remarque que plusieurs fumeurs qui ne pourraient cesser de fumer à chaud, sans aide à la désaccoutumance, réussissent à arrêter de fumer grâce à ces traitements, mais que d’autres fumeurs les trouvent inefficaces.

En attendant le vaccin anti-nicotine et autres coûteuses merveilles, comme l’aide psychologique par Internet ou sur le téléphone sans fil, Peter Hajek s’est demandé ce que nous pouvions faire avec les TRN, compte tenu qu’elles sont parmi les traitements les plus économiques existant présentement pour atteindre des masses de fumeurs, et qu’elles sont maintenant bien connues pour être parmi « ce qu’il y a de plus sûr sur les tablettes des pharmacies ».

Le professeur Hajek considère qu’un mécanisme de diffusion de la nicotine dans l’organisme qui serait plus rapide pourrait faire en sorte qu’une cure procure au fumeur le même effet agréable que celui de fumer, et croit qu’une dose plus forte réduirait l’inconfort ressenti par certains fumeurs en manque. Le clinicien anglais a observé que certains stimuli de la vie ont pour effet de déclencher semi-automatiquement le comportement de fumer, et qu’une maladresse ou une rechute irréfléchie semble réamorcer le comportement et la dépendance au tabac. La présence en avance dans l’organisme d’une certaine quantité de nicotine grâce à une TRN améliorée diminuerait le gain ressenti par l’interruption du sevrage et l’effet réinitiatique d’une rechute.

Peter Hajek observe que le counseling en arrêt tabagique et les traitements pharmacologiques ciblent les fumeurs qui cherchent activement de l’aide, ce qui explique en partie la lenteur des progrès dans la baisse de prévalence du tabagisme. En ce qui concerne les TRN en particulier, le chercheur note en outre que leur usage demeure restreint et entouré d’un excès de prudence (constricted and over-cautious), autant qu’il l’était au début des années 1980. Hajek remarque que l’usage de la nicotine médicinale pour combattre les symptômes de sevrage est accepté, mais qu’un usage visant à remplacer les effets agréables du tabagisme est considéré comme problématique. Le clinicien anglais considère cependant comme des perspectives prometteuses la commercialisation depuis quelques années de gomme de nicotine recommandée pour un usage précédant l’arrêt tabagique complet, ainsi que l’apparition de cures de désaccoutumance où plusieurs TRN sont employées concurremment. Même s’il qualifie la cigarette électronique de gadget, Peter Hajek croit qu’elle pourrait s’avérer une alternative comportementale (behavioural replacement) au tabac plus attrayante pour des fumeurs un brin rebelles que les actuels inhalateurs oraux de nicotine vendus en pharmacies, et il lui a semblé que c’était déjà le cas aux Pays-Bas.

Pierre Croteau