Propos surprenants du premier ministre Bouchard sur les commandites du tabac

Présent au Grand Prix Player’s à titre personnel, le premier ministre du Québec, Lucien Bouchard, a enfin prononcé quelques phrases concernant le tabac. Depuis qu’il a été assermenté premier ministre, en janvier 1996, environ 17 000 Québécois sont décédés de maladies liées au tabagisme.

Tristement, c’est à nul autre que Réjean Tremblay de La Presse que M. Bouchard aurait fait part de son appui aux commandites de l’industrie du tabac. Sa chronique du 16 juin s’intitule « Personne ne va sortir le Grand Prix de Montréal », avec sous-titre : Lucien Bouchard n’entend pas jouer les ayatollahs.

Voici des extraits des citations du premier ministre, telles que rapportées par M. Tremblay :

« Le fédéral envisage de permettre aux voitures d’afficher les marques de cigarettes pour tenter de sauver le Grand Prix. C’est ridicule de croire qu’on va empêcher le commanditaire principal d’un événement d’afficher son nom. (…) Je crois davantage en des mesures pondérées. Les compagnies seraient sans doute prêtes à collaborer pour mener en parallèle la protection de leurs parts de marché chez les adultes et une campagne de sensibilisation et d’éducation à long terme. Je crois en un consensus qui pourrait impliquer le gouvernement, les syndicats, les compagnies. Ça pourrait sans doute être plus efficace que des mesures d’ayatollahs tout en permettant de conserver les grandes manifestations actuelles qui aident le Québec et Montréal à établir leur place dans le monde. »

Le jour de publication de ces confidences dans La Presse, Info-tabac a rejoint l’attachée de presse du premier ministre, Marthe Lawrence, qui a confirmé la teneur de l’interview. Elle a cependant signalé que les déclarations de M. Bouchard avaient été faites spontanément dans le cadre du Grand Prix et que, d’autre part, le dossier des commandites du tabac faisait présentement l’objet de travaux au Conseil exécutif et au ministère de la Santé.

Même s’ils sont habituellement passionnés par les commandites de l’industrie du tabac, les autres grands médias n’ont pas cru bon de reprendre les réflexions du premier ministre. Un communiqué indigné de la Coalition québécoise sur le contrôle du tabac, en réaction aux propos de M. Bouchard, n’a pas fait broncher davantage nos médias.

La virulente sortie antitabac du premier ministre de Colombie-Britannique, M. Glen Clark, au lendemain du Grand Prix, avec en fond de scène des affiches de commandites du tabac, de même que l’entente globale américaine, qui interdira ce genre de commandites à la fin de 1998, auront peut-être ajouté des éléments positifs à ce dossier, propres à conduire M. Bouchard à reconsidérer ses positions pro-tabac.

Dans son texte du 16 juin, Réjean Tremblay avance que le premier ministre du Québec « aurait convaincu ses propres bureaucrates » et qu’il « lui reste maintenant à faire comprendre au ROC… the Rest of Canada. Ça risque d’être fumant comme bataille ». Souhaitons à M. Bouchard qu’il se trouve des combats moins funestes à livrer que l’appui à la promotion des marques de cigarettes. Selon Santé Canada, un décès sur quatre est causé par le tabac au Québec.

Denis Côté