Le Grand Prix Player’s du Canada, véhicule publicitaire par excellence
Juillet-Août 1997 - No 9
Le Grand Prix Player’s du Canada, épreuve de Formule 1 tenue à Montréal le 15 juin, a suscité la déception du public, par sa fin prématurée suite à l’accident du pilote français Olivier Panis, mais surtout à cause de l’abandon de Jacques Villeneuve dès le deuxième tour. Le pilote d’origine québécoise a foncé sur un panneau publicitaire du Gouvernement du Québec!
Concernant le tabagisme, il faut signaler les efforts d’affichage des marques Player’s et Rothmans. Le nom du commanditaire principal était bien en évidence un peu partout sur le site, notamment sur les garde-fous, au-dessus des écrans géants, sur un pont pour piétons traversant la piste, sur l’estrade d’honneur et sur de nombreux panneaux installés dans le champ des caméras de télévision. Parfois les annonces de Player’s côtoyaient même celles du Canada ou celles de Tourisme Québec.
Je n’ai pas demandé une accréditation comme journaliste au Grand Prix. Quoique le mensuel Info-tabac aurait certainement eu droit de couvrir une course de paquets de cigarettes. Pour 75 $, j’ai obtenu un billet pour les qualifications du samedi, dans un gradin « Or » s’il-vous-plaît, juste devant le puits de ravitaillement du demi-dieu Villeneuve que la foule saluait par des « Come on Jack ».
Des dizaines de milliers de personnes étaient entassées pour voir leurs idoles faire quelques tours de piste contre la montre. Des vendeurs offraient des bouchons pour les oreilles à 1 $, la seule véritable aubaine disponible.
Quant au commanditaire de Jacques Villeneuve, le cigarettier Rothmans, il s’est fait valoir partout ailleurs au pays. Les annonces de Rothmans, avec le slogan « À la conquête du monde », se retrouvent encore sur une foule de panneaux géants, dans les points de vente, dans les transports en commun et sous forme de messages télévisés.
Les représentants de Rothmans Benson & Hedges ont bien investi leurs territoires pour y installer le plus possible d’affiches de Jacques Villeneuve. À Montréal par exemple, la Place Jacques-Cartier et le Marché Atwater débordaient d’affiches bleues de Rothmans. Même à Toronto, de nombreux commerçants accordaient une place de choix à la promotion Rothmans-Villeneuve, là-bas avec le slogan « On Track to Conquer the World ». La marque Rothmans s’est avérée également la plus répandue sous forme de casquettes et autres vêtements souvenirs.
Interview de Normand Legault
Le dimanche précédant la course, La Presse publiait en pages centrales de son cahier des sports une longue interview de Normand Legault, directeur du Grand Prix Player’s. Les deux pages étaient essentiellement consacrées à la commandite tabagique de la Formule 1.
Le journaliste Philippe Cantin a signé un texte honnête, courageux, très éloigné de la croisade pro-commandites du tabac que livre son collègue Réjean Tremblay depuis plusieurs années. M. Cantin adopte un ton assez sceptique à l’égard de M. Legault, qui tente tant bien que mal à expliquer son appui aux commandites du tabac en répétant les arguments des fabricants de cigarettes.
Commandite principale de Player’s
M. Legault défend autant les commandites internationales des écuries, affichées sur les voitures et sur les costumes des équipes, que sa propre commandite principale par Player’s. À propos des commandites internationales, il affirme que des pays européens, telle la France, pourraient perdre leur Grand Prix à cause de leurs lois antitabac. Une interdiction des marques de cigarettes sur les voitures à Montréal, tel que prévu par la loi C-71 pour 1999, amènerait Bernie Ecclestone à transférer l’épreuve canadienne en Asie, a-t-il menacé.
Concernant la commandite principale de Player’s, M. Legault a surtout plaidé en faveur de l’ensemble des manifestations associées aux marques de cigarettes, allant du tennis de Richard Legendre (« un modèle en matière de santé et de sport ») aux feux Benson & Hedges, en passant par le jazz Du Maurier. M. Legault n’a pas répété avoir reçu cinq autres propositions de commandite principale… (tel que rapporté par Réjean Tremblay le 22 août 1996).
Denis Côté