L’Ontario projette d’interdire de fumer dans une automobile s’il y a une personne mineure à bord

La province de Nouvelle-Écosse applique depuis le 1er avril une loi votée en décembre interdisant de fumer à bord d’un véhicule privé où une personne de moins de 19 ans prend place. Le gouvernement de l’Ontario a annoncé en mars son intention de faire voter en mai une loi provinciale semblable pour protéger les jeunes de moins de 16 ans. Le gouvernement néo-écossais n’a pas prévu de ressources supplémentaires pour l’application concrète de sa nouvelle loi, selon Steve Machat, le pilote du projet au ministère de la Santé à Halifax. En revanche, des fonds seront dépensés dans une campagne de sensibilisation du public.

À l’origine directe de l’intervention des provinces, on trouve l’initiative de municipalités qui ont décidé ces derniers mois d’intervenir en faveur de groupes particulièrement vulnérables à la fumée, jusque dans des espaces souvent considérés comme privés. Le conseil municipal de Wolfville, en Nouvelle-Écosse, avait d’abord attiré l’attention publique en votant en novembre 2007 un règlement pour interdire, à partir du 1er juin 2008, de fumer dans une automobile où un enfant prend place. Cet hiver, les élus municipaux de Thunder Bay, d’Ottawa et de Windsor, ainsi que ceux de la municipalité régionale d’York, en banlieue de Toronto, ont résolu de demander au gouvernement ontarien une loi en ce sens. En février, la ville de Summerside a demandé une législation similaire au gouvernement provincial de l’Île-du-Prince-Édouard.

Aux États-Unis, des municipalités comme Bangor (Maine) ou Keyport (New Jersey), des comtés comme celui de Rockland (New York), ainsi que certains États, interdisent déjà de fumer dans un véhicule transportant soit un enfant de moins de 6 ans (Arkansas, depuis 2006), soit un enfant de moins de 13 ans (Louisiane, depuis 2006), soit une personne mineure (Californie, depuis le 1er janvier 2008).

Une étude récente de l’Université de Waterloo, en Ontario, a montré qu’après seulement vingt minutes pendant laquelle un conducteur fume dans une automobile aux fenêtres à moitié ouvertes, la quantité émise de particules fines à laquelle est exposé un passager est six fois plus importante que la quantité qu’il ne faudrait pas dépasser en 24 heures selon l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA).

Le Québec n’est pas tenté

Plusieurs des gouvernements provinciaux au Canada écartent l’idée d’une interdiction de fumer à bord de véhicules de promenade ou préfèrent attendre d’observer les effets d’une telle mesure dans les juridictions où elle est appliquée. Le ministre québécois de la Santé, Philippe Couillard, a estimé qu’une telle interdiction serait invasive. Avant de changer d’idée cette année en annonçant la politique que l’on sait, le premier ministre ontarien Dalton McGuinty avait vu une telle loi comme un glissement vers un « État-nounou » (nanny state) qui brime les libertés individuelles. Les partis d’opposition au Parlement de Toronto croient que les sondages l’ont fait changer d’idée, en révélant l’approbation d’une telle mesure par la population.

Aux yeux de François Damphousse, porte-parole de l’Association pour les droits des non-fumeurs (ADNF) au Québec, le souci croissant de la population vis-à-vis des méfaits de la fumée du tabac, non seulement dans les lieux publics et les espaces de travail, mais aussi dans les logements et les véhicules, témoigne d’une rapide et remarquable évolution des mentalités. L’ADNF appuiera l’application de lois interdisant de fumer dans les automobiles où un enfant est présent, mais elle n’en fera pas pour le moment son cheval de bataille. L’ADNF croit plutôt que le débat sur cette question au Québec se fera en 2010, lors de la deuxième révision de la Loi sur le tabac. Pour M. Damphousse, la priorité actuelle est de faire respecter la législation québécoise concernant le tabagisme dans les lieux publics et les espaces de travail, ainsi que la réglementation récemment annoncée sur la publicité des produits du tabac.

Le Dr Carolyn Dresler, responsable de la prévention et de l’arrêt tabagiques au ministère de la Santé de l’Arkansas, a affirmé en mars au Toronto Star qu’un nombre extrêmement petit de contraventions a été servi aux conducteurs de véhicules où quelqu’un fumait en présence d’un enfant de moins de 6 ans. De son côté, le capitaine Charlie Dupuy, chargé des affaires publiques de la police de l’État de la Louisiane, a déclaré à Info-tabac que la police a délivré à plusieurs personnes des constats d’infraction à la loi protégeant contre la fumée un enfant de moins de 13 ans qui est à bord d’un véhicule. Le capitaine Dupuy ajoute qu’il n’a pas eu connaissance jusqu’à présent qu’une contravention à ce titre aurait été contestée en cour. L’interdiction est officiellement en vigueur depuis le 15 août 2006 en Louisiane.

Pierre Croteau