Les prisons fédérales seront désormais sans fumée
Janvier 2006 - No 60
À partir du 31 janvier 2006, la consommation de cigarettes sera interdite à l’intérieur des pénitenciers fédéraux. La nouvelle politique – qui s’appliquera autant aux employés et détenus, qu’aux visiteurs et bénévoles – a été annoncée l’été dernier par Lucie McClung, commissaire du Service correctionnel du Canada (SCC).
« L’exposition à la fumée secondaire représente un danger pour la santé publique », a indiqué Mme McClung. En bannissant l’usage du tabac à l’intérieur de ses établissements, le SCC s’acquitte donc de sa responsabilité de mettre en place les conditions requises pour que les environnements correctionnels soient sains. Avant que la norme ne soit dévoilée, 10 pénitenciers fédéraux étaient déjà « sans fumée ».
La décision du SCC fut prise à la suite d’une consultation menée au printemps 2004, auprès d’employés, de comités de citoyens et de groupes de défense des droits des détenus.
Actuellement, il existe des zones « fumeurs » et « non-fumeurs » dans la plupart des établissements fédéraux. Il est interdit de fumer dans les aires administratives, les gymnases, les salles à manger, les cuisines et les centres de soins de santé. Une fois la nouvelle mesure en vigueur, les détenus et les employés devront obligatoirement sortir à l’extérieur afin de pouvoir griller une ou plusieurs cigarettes, ce qui n’est pas nécessairement évident en milieu carcéral.
« À la fin janvier, on va adapter les horaires pour permettre aux détenus et au personnel d’aller fumer dehors, assure Jean-Yves Roy, gestionnaire des relations avec les médias au Service correctionnel du Canada (région du Québec). Durant la période d’adaptation qui durera trois mois, on va mousser les programmes d’éducation et de renoncement au tabac. »
Des produits de désaccoutumance à la nicotine seront fournis gratuitement au personnel et aux détenus pendant une période de trois mois. Ensuite, les fumeurs devront assumer eux-mêmes le coût des aides pharmacologiques, comme ils devaient le faire pour les cigarettes.
70 % de fumeurs
La soixantaine de centres de détention fédéraux répartis sur le territoire canadien abritent 12 500 détenus. Le Québec en compte 12 où sont incarcérées quelque 3 370 personnes. Selon Jean-Yves Roy, 70 % de la population carcérale est fumeuse, ce qui est 3,5 fois supérieur à la moyenne nationale.
Ailleurs au Canada, les prisons provinciales de l’Ontario, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Manitoba et Terre-Neuve – Labrador interdisent déjà l’usage du tabac.
La nouvelle Loi sur le tabac québécoise, adoptée en juin dernier, empêchera l’usage du tabac à l’intérieur de plusieurs lieux publics, mais pas dans les prisons. Questionné par Info-tabac sur la probabilité que le Service correctionnel du Québec prenne lui aussi le virage sans fumée, Réal Roussy indique qu’il n’y a pas de modifications prévues. Toutefois, précise le conseiller en communication du ministère de la Sécurité publique, « un comité de réflexion sur cette question a été mis sur pied ».
Indemnité de 5 000 $
Purgeant une peine à perpétuité pour les meurtres de sa femme et de sa fille, le détenu Vlado Maljkovich a reçu une indemnité de 5 000 $ pour avoir été exposé à la fumée secondaire lors de son séjour à la Fenbrook Institution, un pénitencier à sécurité moyenne situé à Gravenhurst en Ontario. En présence de fumée de tabac, M. Maljkovich a de violentes réactions (nausées, maux de tête et irritation à la gorge) qui s’apparentent à des allergies.
Bien qu’il ait demandé à plusieurs reprises d’être transféré dans une aile non-fumeuse, ses revendications sont demeurées sans réponse, jusqu’au jour où on a dû le changer de cellule pour le protéger des autres prisonniers qui eux, n’appréciaient pas ses plaintes. Le 13 octobre dernier, la Cour fédérale du Canada a reconnu qu’il a été maintenu dans la « pire situation qui soit pour sa santé ».
Une peine plus sévère…
Puisque plusieurs prisons provinciales étaient déjà sans fumée, il est arrivé, à quelques reprises, que des accusés demandent une peine plus sévère afin d’être détenus dans un pénitencier fédéral où il leur était possible de fumer.
Josée Hamelin