L’Hôpital du Sacré-Coeur institutionnalise sa lutte contre le tabagisme

Fin 2013, l’Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal (HSCM) a créé un poste permanent dédié à l’arrêt tabagique. Aperçu d’une pratique encore rare, mais prometteuse.

Les chiffres sont clairs : aider un fumeur à se libérer du tabac coûte moins cher que le traiter pour une maladie due au tabagisme. Peu d’hôpitaux aident néanmoins systématiquement leurs patients à se libérer du tabac. L’HSCM vient toutefois de franchir le pas à la suite, entre autres, de l’Hôpital général juif et de l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé. C’est la détermination du Dr Alain Desjardins qui a rendu cela possible, ainsi que celle de ses alliés : l’administration de l’HSCM, la direction des ressources humaines et la Direction de la santé publique (DSP) de Montréal, entre autres.

En décembre, l’hôpital a créé un poste permanent de deux jours/semaine pour une infirmière spécialisée en cessation tabagique. « Elle a trois grands mandats, explique Caroline Riopel, coordonnatrice du Programme santé respiratoire : offrir de la formation sur l’intervention brève en cessation tabagique, former notre personnel et, au besoin, intervenir auprès des patients. » L’objectif à moyen terme : que tous les professionnels de la santé de l’établissement abordent systématiquement l’arrêt tabagique avec chaque patient fumeur.

Une intervention brève et rapide

Pour ce faire, l’HSCM offrira à son personnel une formation sur les 5 A : ask, assess, advise, assist et arrange. Concrètement, cela consiste à demander au patient s’il fume (ask); à évaluer sa motivation à arrêter (assess); à lui proposer différentes aides en cessation tabagique (advise); s’il est d’accord, lui prescrire une thérapie de remplacement de nicotine (TRN) ou lui proposer que quelqu’un de la ligne j’Arrête l’appelle (assist) et, enfin, assurer un suivi avec lui (arrange). Au final, en-dehors des suivis, les 5 A peuvent prendre moins de trois minutes.

Qu’un hôpital traite le tabagisme de ses patients reste rare. « L’une des difficultés de ces projets, c’est leur financement », dit le Dr André Gervais, pneumologue et médecin-conseil à la DSP de Montréal. L’intervention brève en arrêt tabagique n’est pas un acte médical rémunéré, sauf pour les omnipraticiens en cabinet, dit-il. L’autre grande difficulté, c’est la formation du personnel hospitalier. « Le roulement des employés est très élevé », rappelle le Dr Gervais. À cet effet, l’embauche d’une ressource dédiée comme une infirmière spécialisée est une stratégie gagnante, note-t-il.

Hopital lutte tabac
Le pneumologue Alain Desjardins a dû batailler 13 ans pour que son hôpital traite systématiquement le tabagisme de tous les patients qui fument. À gauche, Mme Caroline Riopel, coordonnatrice du Programme santé respiratoire.
Une bataille de 13 ans

Le Dr Alain Desjardins s’est battu pendant 13 ans pour que son établissement traite systématiquement le tabagisme des patients. C’est en 2000 qu’il jette les bases d’un programme d’aide à la cessation tabagique (PACT). « À l’époque, l’hôpital a encore un fumoir et ne propose pas de TRN à ses patients fumeurs », se rappelle le pneumologue. En 2004, le PACT entre en service; en 2007, il prend de l’ampleur dans le cadre d’un projet pilote avec la DSP de Montréal; en 2008, l’HSCM ferme son fumoir puis, en 2009, crée un poste en arrêt tabagique. « Mais ce poste était très précaire, car il était financé au moyen de budgets spéciaux ou grâce à des fonds de tiroir », dit Caroline Riopel. « La force du Dr Desjardins a été de démontrer à la direction de l’hôpital l’importance du dossier tabac », estime le Dr Gervais. Et de persévérer en ralliant des gens qui croyaient à cette lutte aussi passionnément que lui.

Anick Perreault-Labelle