Les taxes: un véritable frein à la consommation de tabac
Juillet-Août 2014 - No 101
L’Organisation mondiale de la Santé l’a encore rappelé le 31 mai dernier à l’occasion de la Journée mondiale sans tabac : augmenter les taxes sur les produits du tabac contribue réellement à en diminuer la consommation. Même en prenant en compte la consommation de tabac de contrebande.
Toute hausse des taxes sur les produits du tabac accroît l’emprise de la contrebande, selon les cigarettiers et les groupes de pression qu’ils financent. À les écouter, le gouvernement et la santé publique n’ont rien à gagner en taxant davantage le tabac. C’est faux.
Un impact indéniable
« Des centaines d’études ont démontré que, comme pour tout autre produit, augmenter le prix du tabac en diminue la consommation, affirme Emmanuel Guindon, membre du Centre for Health Economics and Policy Analysis de la McMaster University. La moitié de cela est due à des fumeurs qui arrêtent et la moitié à des fumeurs qui fument moins. » Plus précisément, augmenter le prix du tabac de 1 % entraîne une baisse de sa consommation de 0,2 % à 0,6 %, concluait le Centre international de recherche sur le cancer, en 2011. Cela reste vrai même en tenant compte de la contrebande, tranchait le très respectable National Bureau of Economic Research (NBER), en 2002.
15% du marché du tabac au Québec est accaparé par le tabac illicite, selon les plus récentes données du ministère des Finances du Québec. C’est moitié moins qu’en 2009-2010.
De multiples causes à la contrebande
En somme, il n’y a pas de corrélation claire entre les taxes sur le tabac et le commerce illégal. D’ailleurs, c’est au Québec et en Ontario, où le tabac coûte le moins cher, que le plus grand nombre de foyers possèdent du tabac illicite! On le voit : quand il est question de contrebande, plusieurs facteurs entrent en jeu. Au Québec et en Ontario, il s’agirait notamment de la proximité de territoires autochtones. Certains, chevauchant la frontière canado-américaine, sont connus pour la fabrication et la vente de cigarettes.
Certes, au début des années 1990, une hausse de taxes est allée de pair avec une poussée de la contrebande. Mais les cigarettiers alimentaient alors le marché noir avec leurs produits afin d’amener les gouvernements à abaisser les taxes. Les années 2000, au contraire, ont vu le maintien de taxes élevées et un recul du marché noir. La clé? Plus d’argent pour lutter contre la contrebande. Le Québec y consacre désormais presque 20 millions de dollars par année tandis que le plus récent budget d’Ottawa y réserve 91,7 millions de dollars de plus sur cinq ans. Aujourd’hui, même l’industrie reconnait que le marché noir perd du terrain.
Un prix déterminé en partie par l’industrie
Il ne faut pas oublier non plus que le prix du tabac ne dépend pas seulement des taxes. En Alberta, les cigarettes coûtent 15 % plus cher qu’au Québec alors que les taxes y sont 23 % plus élevées. En clair : les cigarettiers y empochent moins de profits pour garder les prix bas. Au Québec, au contraire, au moment de la hausse de la taxe fédérale, certains cigarettiers ont majoré leurs prix, rapporte le Journal de Québec!
Enfin, l’industrie et les associations qu’elle finance argumentent que des taxes « excessives » diminuent les ventes de tabac et donc nuisent aux coffres publics. Rappelons que les coûts directs en soins de santé dus au tabac s’élèvent à plus de quatre milliards de dollars par année au Canada, selon le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies. Or, les taxes sur les produits du tabac ont rapporté seulement 2,8 milliards de dollars au Canada en 2012-2013. C’est à peine 1,09 % de ses revenus totaux (256 milliards de dollars)! Il n’y a pas de doute : la santé publique et le gouvernement y gagnent quand des fumeurs se libèrent du tabac.
Anick Perreault-Labelle