Les publicités sur les vapoteuses, un écran de fumée?
Septembre 2023 - No 163
Les mentions « sans tabac », « sans nicotine de tabac » : des inscriptions qui portent à confusion sur les étiquettes des produits de vapotages et nicotiniques.
Employer plus de mots n’est pas synonyme de clarté
Jouer sur les mots est une tactique bien connue dans le monde de la vente et du marketing dit trompeur. Évidemment, l’industrie du tabac et des produits de vapotage s’en sert aussi pour réaliser sa promotion. On trouve, sur les étiquettes, des inscriptions qui ne mentent pas, mais qui ne sont pas claires et soulèvent donc la confusion. Les compagnies aiment apposer de nouvelles notes sur leurs articles pour les rendre plus attrayants. Par exemple, les mentions « sans tabac » ou « sans nicotine de tabac » se retrouvent sur plusieurs produits de vapotage. À première vue, certains pourraient penser qu’il n’y a pas de nicotine dans le produit en question. Mais si c’était le cas, il ne serait pas nécessaire de préciser cette absence de nicotine provenant du tabac. Or, aucune mention n’est faite de la nicotine synthétique. L’article La nicotine synthétique n’est nulle autre que de la nicotine explique de façon plus détaillée en quoi consiste cet élément artificiel conçu en laboratoire.
Une étude récente de la revue Tobacco control révèle que 68 % des jeunes âgés de 13 à 17 ans ne savent pas d’où provient la nicotine, ce qui renforce leur intention d’acheter des produits de vapotage dits « sans nicotine de tabac » ou « sans tabac », de conclure l’étude. La cigarette électronique n’est pas la seule à porter ces mentions, puisque les produits de nicotine, comme les poches de nicotine et les losanges, sont aussi publicisés de cette façon. On alimente ainsi la confusion et les croyances nimbant ces produits d’innocuité, car les consommateurs pensent faire un choix moins nocif. Ces mentions correspondent donc tout à fait à la définition de publicité trompeuse donnée par Innovation, Sciences et Développement économique Canada, précisant qu’elle survient « … lorsque la description du produit ou du service est en substance contraire à la vérité ou susceptible d’induire en erreur les consommateurs pour les convaincre d’acheter ».
Pourcentage, ou milligrammes par millilitre : quelle est la quantité de nicotine dans les liquides à vapoter?
La confusion que soulèvent ces inscriptions s’ajoute au fait que la concentration en nicotine affichée sur les produits n’est pas compréhensible pour les jeunes, qui forment pourtant la plus grande proportion des consommateurs. Une étude parue en 2021 dans le périodique Nicotine and Tobacco Research montre que les adolescents et jeunes adultes ont plus de difficulté à concevoir concrètement quelle est la concentration de nicotine contenue dans leur liquide de vapotage et d’estimer si elle constitue une petite ou une grande quantité. Que représente réellement une concentration de 5 % de nicotine? Est-elle faible ou forte? La limite de nicotine dans les liquides à vapoter est de 20 mg/ml, ce qui correspond à une concentration de nicotine de 2 %. Par comparaison, une concentration de 5 % de nicotine correspond à un taux de 50 mg/ml de nicotine, ce qui est 2,5 fois plus que la limite autorisée au Canada et constitue donc un taux élevé de nicotine.
Serait-il envisageable de simplifier les étiquettes des produits de vapotage, afin que les jeunes puissent mieux s’y retrouver?
Un peu, ou beaucoup de nicotine?
On s’y perd aussi en lisant les étiquettes des produits de vapotage. Ceux-ci ne renferment que très rarement la concentration de nicotine indiquée. Les produits dits sans nicotine peuvent en contenir des traces, et même une quantité notable. Bon nombre d’études à l’échelle internationale relèvent des incohérences entre les résultats expérimentaux obtenus pour déterminer la concentration de nicotine du produit et celle qui est mentionnée sur le produit lui-même. On peut donc douter du contrôle de la qualité qui est exercé par les fabricants.
Santé Canada a d’ailleurs annoncé qu’on exigera maintenant de toutes les entreprises fabriquant des produits de vapotage qu’elles fournissent un rapport semestriel sur les ventes de ces produits ainsi que sur les ingrédients utilisés dans leur fabrication. On cherche ainsi à « mieux comprendre le marché du vapotage en rapide évolution et les incidences possibles du vapotage sur la santé des gens », comme le précise le ministère dans son communiqué de presse du 21 juin 2023. Le premier rapport de ce type est prévu pour la fin de l’année en cours.
Des constats pourront certainement être tirés de ces rapports. On pourra alors observer comment ils peuvent servir à mettre en place de nouveaux règlements visant la protection de la santé publique.
Caroline Normandin, Ph. D.