Les publicités protabac sont de retour dans les imprimés

Après s’être longtemps abstenus de promouvoir leurs produits, sous prétexte que la Loi sur le tabac fédérale était tellement restrictive qu’elle équivalait à une interdiction totale de la publicité, les grands cigarettiers recommencent progressivement à appâter fumeurs et non-fumeurs.

À la fin novembre, JTI-Macdonald a ouvert le bal avec la première publicité directe de cigarettes à voir le jour depuis dix ans. Diffusée dans plusieurs hebdomadaires, dont les journaux Voir et Mirror, la réclame des Mirage – qui promet « moins d’odeur de fumée résiduelle dans un lieu fermé » –n’a pas tardé à faire réagir les groupes qui luttent contre le tabagisme.

Craignant que cette annonce n’induise les gens en erreur, en leur laissant croire que la fumée de cette nouvelle cigarette est moins nocive, les Médecins pour un Canada sans fumée (MCSF) ont porté plainte auprès de Santé Canada, au début décembre. Ils jugent que cette publicité contrevient à l’article 20 de la Loi sur le tabac qui « interdit de faire la promotion […] d’une manière fausse ou trompeuse ou susceptible de créer une fausse impression sur les caractéristiques, les effets sur la santé ou les dangers […] du produit ou de ses émissions ».

Dans une lettre envoyée au ministre de la Santé fédéral, Tony Clement, l’organisme lui demande d’exiger que son ministère traite ce dossier de manière prioritaire afin de s’assurer que la législation antitabac soit appliquée. Il souhaite aussi que le gouvernement amende sa politique de non-divulgation des résultats de ses enquêtes et qu’il introduise un projet de loi pour renforcer l’actuelle réglementation afin de la rendre conforme à la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) de l’Organisation mondiale de la santé, à la Constitution canadienne et au jugement de la Cour suprême du Canada du 28 juin dernier. Notons qu’à la suite de cette décision historique, le ministre Clement a affirmé vouloir surveiller de près le comportement des cigarettiers.

Une interdiction totale est requise

Pour la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, qui a également porté plainte, la publicité de JTI-Macdonald prouve que les restrictions partielles sont insuffisantes et qu’il faut interdire toute promotion en faveur du tabagisme. Elle a d’ailleurs réitéré une demande en ce sens au ministre de la Santé du Québec, Philippe Couillard.

« Il a fallu plus de 10 ans pour faire comprendre aux gens que ce sont des particules souvent invisibles et inodores qui nuisent à la santé des non-fumeurs, et pas seulement ce que l’on voit ou ce que l’on sent, déplore son coordonnateur, Louis Gauvin. Lorsque l’industrie du tabac vante une cigarette qui émet moins d’odeur dans un lieu fermé, n’est-elle pas en train d’encourager les fumeurs à se sentir moins coupables lorsqu’ils fument à la maison ou en présence d’enfants? »

Rappelons que la Convention-cadre pour la lutte antitabac –que le Canada a ratifiée et à laquelle Québec a donné son appui –exige une interdiction globale de toute publicité d’ici 2010, sauf si la constitution de ses souscripteurs ne le permet pas. À ce jour, une quinzaine de pays, dont la France, l’Australie, la Belgique, la Finlande, la Suède et l’Afrique du Sud, ont déjà banni la promotion en faveur des produits du tabac.

Jugement de la Cour suprême

Le 28 juin 2007, la Cour suprême du Canada jugeait la Loi sur le tabac fédérale valide. Pendant toute la durée des procédures judiciaires portant sur sa constitutionnalité, les cigarettiers avaient soutenu que cette dernière était à ce point restrictive qu’elle équivalait à une interdiction complète de la publicité. Afin d’être cohérents avec leur position, ils se sont donc privés de promouvoir leurs produits par le biais de la publicité permise.

En vertu de cette législation, il est possible de faire de la publicité informative ou préférentielle dans les publications expédiées par courrier à un adulte désigné par son nom, dans celles dont au moins 85 % des lecteurs sont adultes, de même que sur des affiches placées dans des lieux où les mineurs ne sont pas admis.

Josée Hamelin