Les non-fumeurs ont les meilleures places dans les restaurants de Magog

Au Québec, selon la Loi sur le tabac, la plupart des restaurants peuvent disposer d’une section fumeur, en autant qu’elle ne comporte pas plus de 40 % des places. Seuls les établissements ouverts depuis décembre 2001, ou ceux rénovés en majorité, doivent cloisonner et ventiler leur section fumeur, s’ils tiennent à en offrir une. À moins d’un renforcement de la législation, cette situation perdurera jusqu’en 2009.

La loi 444, adoptée en 1998, stipule aussi que les non-fumeurs doivent profiter de la meilleure protection possible. Le restaurateur doit donc bien séparer les deux sections, mais rien n’est dit sur leur emplacement. Les fumeurs bénéficient-ils toujours des meilleures places, comme le veut une tendance historique? La loi est-elle respectée? Pour obtenir un portrait de la situation actuelle, Info-tabac a fait enquête sur la rue commerciale de Magog, en Estrie. Nous avons systématiquement visité tous les restaurants de la rue Principale.

Sur cette rue, la loi est respectée à la lettre et les non-fumeurs disposent généralement des meilleures places, soit en avant près des vitrines. Parmi les 19 restaurants, quatre sont sans fumée, en incluant deux crèmeries ouvertes seulement en saison. Trois restaurants sont en infraction, chacun à sa manière : aucune section non-fumeur, section fumeur trop grande, puis établissement dit non-fumeur disposant de cendriers sur demande! Onze établissements offrent un meilleur emplacement aux non-fumeurs, trois aux fumeurs, alors que cinq semblent ménager les uns et les autres.

Selon Alain Rochon, intervenant tabac à la Direction de la santé publique de l’Estrie, il est maintenant à la mode de bien traiter les non-fumeurs, à Magog comme à Sherbrooke. Mais la situation est sans doute moins reluisante dans les petites villes, comme à Coaticook et Richmond par exemple. Le statut touristique et aisé de Magog peut jouer en faveur de la protection, reconnaît-il, car les visiteurs et les personnes à revenus supérieurs fument moins, et ils sont plus exigeants que la moyenne des Québécois.

Suite à notre inspection, la palme du restaurant non-fumeur va à La Source, qui offre le service aux tables dans un environnement sans fumée depuis 1974 environ, indique son propriétaire, Olivier Audet. Un de ses clients réguliers est Normand Legault, l’organisateur du Grand Prix de Formule 1 du Canada, désormais sans tabac. On peut aussi accorder une mention d’honneur au Sushi Shop, également 100 % sans fumée.

À l’inverse, la Tabagie Lebel reçoit la palme du restaurant enfumé, pour son comptoir de 18 places entièrement fumeur. Ce commerce semble être le refuge des adeptes de la nicotine. L’affiche extérieure indique « Repas légers », mais il serait plus exact d’inscrire « Repas légers et cigarettes légères ».

Au restaurant Eggsquis, la grande section non-fumeur était pleine lors de notre passage, alors que la petite section fumeur, à l’arrière, plus clairsemée, était fréquentée par des clients plus jeunes. Chez Paul, le personnel doit besogner dans la fumée de tabac, entouré du comptoir fumeur, puisque les tables à l’avant sont destinées aux non-fumeurs. La protection des travailleurs n’y est pas une préoccupation.

À la pâtisserie Le Papier à pain, la direction aimerait un environnement sans fumée, mais n’ose pas dire non aux fumeurs. Sur demande, on fournira donc un cendrier tout en proposant une des deux tables à l’arrière, quitte à empester l’ensemble du commerce. Le même laisser-aller prévaut à La Hutte : il n’y a aucun cendrier sur les tables, mais sur demande, le tenancier en apporte un n’importe où dans le minuscule local, qui devient rapidement enfumé.

En somme, faute d’initiatives plus tangibles en matière de protection des non-fumeurs de la part du gouvernement et des groupes de santé, les restaurateurs de Magog, tout comme leurs clients, semblent se satisfaire des dispositions de la loi québécoise, même si elle s’avère aujourd’hui l’une des plus déficientes au pays. Chez nous, la restauration sans fumée n’est donc pas du tout cuit.

Denis Côté