Le tabac, une problématique à intégrer?

Le gouvernement semble de plus en plus intéressé par l’idée de rassembler sous le même giron plusieurs comportements à risque, dont l’usage du tabac. Or, cette éventualité ne fait pas l’unanimité auprès des intervenants qui oeuvrent à la réduction du tabagisme. À la demande d’Info-tabac, quatre d’entre eux – deux pour, deux contre – ont accepté de livrer leurs impressions sur l’approche intégrée.

On entend par « approche intégrée » le fait de lutter contre plusieurs problématiques à la fois. Dans le cas du tabac, cette intégration ne se limite pas qu’aux comportements à risque que sont les jeux de hasard, l’alcool et les drogues. Elle peut également inclure la prévention de l’obésité et des maladies cardiaques par la promotion des saines habitudes de vie : alimentation équilibrée et pratique régulière d’activités physiques.

Directeur de l’Association régionale du Sport étudiant de Québec et Chaudière-Appalaches (ARSEQCA), Daniel Veilleux a une position plutôt modérée. Contre l’idée d’associer le tabac aux comportements à risque, il croit que ça revient à dire « attention à tout ce qui est mauvais », ce qu’il considère comme étant moralisateur et inefficace.

Cependant, son opinion diffère en ce qui a trait aux habitudes de vie. « Je crois davantage en une approche synergique qu’en une approche intégrée, précise-t-il. Mais, selon moi, on ne perd rien à vouloir améliorer le bilan de santé général de la population. Cela peut passer par la création d’environnements sains comme un événement sportif au cours duquel une collation santé serait servie et où l’on retrouverait des affiches antitabac. »

Directrice de campagne à la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, Heidi Rathjen est d’avis que le tabac nécessite une approche spécifique et distincte parce qu’il est différent des habitudes de vie. « Le tabagisme est un phénomène créé par l’industrie du tabac et il ne répond à aucun besoin ou désir biologique autre que celui de soulager la dépendance, mentionne-t-elle. À cause cette dépendance, les fumeurs n’ont pas la liberté de « choisir » comme l’ont les gens qui cherchent à mieux s’alimenter. Et à l’inverse de ce qui prévaut pour le tabagisme, aucune industrie n’use de stratégies douteuses pour inciter les gens à demeurer inactifs. »

Selon Mme Rathjen, les messages les plus efficaces pour réduire l’usage du tabac sont ceux qui dénoncent la dépendance, la manipulation de l’industrie du tabac et la fumée secondaire, trois thèmes qui n’ont rien à voir avec les habitudes de vie. « Notons que même l’industrie du tabac est d’accord avec l’approche intégrée, souligne-t-elle, parce qu’elle minimise l’ampleur du problème et détourne l’attention de ses activités de recrutement de nouveaux consommateurs et d’opposition aux mesures de réduction efficaces. »

Médecin-conseil à la Direction de santé publique de l’Estrie, Alain Rochon a touché à presque tous les aspects de la promotion de la santé au cours de sa carrière. En faveur de l’approche intégrée – d’ailleurs mise de l’avant dans sa région – il considère qu’en associant le non-tabagisme à l’alimentation et à l’activité physique, les gens pourront se fixer des repères qui les aideront à adopter des modes de vie plus sains.

« De toute manière, lorsqu’une personne entreprend une démarche de cessation tabagique, il faut qu’elle se préoccupe de son poids et donc de son alimentation, indique-t-il. Et c’est une sorte d’engrenage parce que les gens qui arrêtent de fumer disent qu’ils se sentent mieux et ont davantage le goût de faire de l’activité physique. » Au niveau des comportements à risque, il y des similitudes entre les différentes toxicomanies, affirme le médecin. « Dans le cas de l’alcool et du tabac, il est prouvé qu’il est préférable d’arrêter en même temps. Cependant il est important d’évaluer si la personne désire cesser les deux simultanément avant d’entreprendre une telle démarche. »

Pour le directeur québécois de l’Association pour les droits des non-fumeurs, François Damphousse, le tabac est une problématique complexe qui regroupe une multitude de dossiers. « On peut se servir de l’exemple du tabac pour lutter contre les autres problématiques, commente-t-il, mais je ne pense pas qu’on aurait connu une baisse aussi considérable du tabagisme au cours des dix dernières années, si on l’avait jumelé à d’autres comportements ou habitudes de vie. »

Selon M. Damphousse, le fait que certaines problématiques de santé bénéficient d’un budget inférieur à celui du tabac n’est pas étranger au fait que le gouvernement soit tenté par l’intégration. « Il existe une abondante littérature sur les mesures qui ont un impact sur la consommation du tabac, rappelle-t-il. Faut-il croire que nous avons fait fausse route pendant toutes ces années et que l’approche intégrée aurait donné encore de meilleurs résultats? À mon avis, il faut en faire la démonstration. »

Le Défi Santé 5/30, proposé par Acti-menu, allie deux objectifs, une meilleure alimentation et l’habitude d’activités physiques. Les participants s’engagent à manger 5 portions de fruits et légumes, et à être physiquement actifs au moins 30 minutes, cela la plupart des jours (au minimum 5 par semaine). Le concept s’inspire du fameux Défi J’arrête, j’y gagne!, également d’Acti-menu, lequel a enrôlé plus de 190 000 fumeurs depuis 1999, chacun étant soutenu par un parrain. La période d’inscription pour les deux défis s’étend du 1er janvier au 28 février. L’engagement minimal dure six semaines, soit du 1er mars au 11 avril.

Josée Hamelin