«Le tabac à l’écran incite à fumer! » déplorent des adolescents

Seize adolescents issus des différentes régions du Québec ont uni leurs voix pour sensibiliser les artisans du milieu de la télévision et du cinéma aux effets pervers de la cigarette à l’écran. Sans leur demander de se débarrasser de cet accessoire qui semble indispensable à plusieurs créateurs, ces membres du Réseau conseil de la gang allumée ont tout simplement révélé que sa présence les incite à fumer, dans le cadre d’une déclaration-choc, lue simultanément devant 3 000 élèves d’une quinzaine d’écoles secondaires, le 22 mars.

Puisque des études américaines ont démontré que les jeunes exposés à des scènes de tabagisme triplent leurs risques de devenir fumeurs et que ceux qui voient leur idole fumer à l’écran ont 16 fois plus de chances de développer une attitude positive à l’égard du tabac, les membres du Réseau conseil se demandaient « s’il n’y avait pas d’autres moyens de transmettre les émotions, la personnalité et le comportement » des différents personnages.

Selon Olga Debiencourt, responsable de cette initiative au Conseil québécois sur le tabac et la santé (CQTS), la partie n’est pas encore gagnée : « Les créateurs – qui sont demeurés plutôt silencieux – ne se sentent pas tellement concernés par cette problématique. »

Ce n’est toutefois pas le cas du comédien Jici Lauzon, qui a accepté d’endosser le message véhiculé par les jeunes : convaincu que « moins ils verront de gens fumer et moins ils seront portés à les imiter ». Croyant que les artistes sont toujours redevables de ce dont ils font la promotion, l’ex-fumeur social, qui a eu beaucoup de difficulté à se libérer de la cigarette, avoue qu’il ne se sentirait pas en paix avec lui-même si un adolescent l’approchait pour lui dire : « J‘me suis mis à fumer parce que je te trouvais trop cool dans telle série ». Il ajoute : « Les acteurs peuvent utiliser plusieurs trucs pour éviter d’avoir à se présenter à l’écran avec une cigarette au bec », en spécifiant qu’un briquet faussement défectueux passe souvent inaperçu lors des tournages.

Invitée à se prononcer sur la place de la cigarette au cinéma, lors d’une émission diffusée par TVA, la vice-présidente de monchoix.ca, Arminda Mota, a tenté de dévier la discussion sur d’autres problématiques (armes à feu, vitesse, violence et alcool) en semblant oublier qu’aux États-Unis, des problématiques beaucoup moins dommageables que le tabac, comme le langage ordurier, sont censurées et qu’on est encore loin du rectangle noir recouvrant chaque cigarette, comme ce fut le cas lors du dévoilement inopportun d’un sein de Janet Jackson au Super Bowl 2005.

Hollywood : le tabac comme critère de classification

Au début mai, la Motion Picture Association of America (MPAA) – qui représente l’industrie cinématographique hollywoodienne – annonçait que l’usage du tabac fera désormais partie des critères pris en considération pour classifier les films. Toutefois, les productions qui renferment des scènes de tabagisme ne seront pas toutes visées par une cote restrictive. « Le tabac est-il omniprésent? », « est-il présenté sous un jour favorable? » et « existe-t-il un facteur historique ou atténuant? » sont les trois questions auxquelles devront répondre les membres du comité d’évaluation avant de proscrire le visionnement des films aux moins de 18 ans.

Bien qu’elle représente un énorme progrès, cette décision a déçu les groupes de santé américains qui font pression depuis plusieurs années sur la MPAA. Le président de Campaign for Tobacco-Free Kids, Matthew Myers, aurait espéré, comme plusieurs de ses collègues, que seuls les films historiques jouissent d’une exemption.

À la suite de l’annonce de la Motion Picture, l’Association médicale canadienne, qui compte plus de 64 000 membres, souhaite que le gouvernement du Canada emboîte le pas aux Américains. Dans une lettre envoyée aux ministres de la Santé canadien et québécois, Tony Clement et Philippe Couillard, elle demande que l’accès aux films qui comportent des scènes de tabagisme soit interdit aux mineurs et que le placement de produits du tabac soit banni.

13,5 heures devant la télé

Selon Statistique Canada, les adolescents québécois de 12 à 17 ans passeraient en moyenne 13,5 heures par semaine devant le petit écran. Comme aucune règle ne régit actuellement l’usage du tabac dans les films et les téléséries, ces derniers peuvent les inciter à expérimenter la cigarette.

Josée Hamelin