Le Québec accède au troisième rang canadien!
Novembre 2002 - No 41
Donnée plaisante de la dernière Enquête de surveillance de l’usage du tabac au Canada (ESUTC), dévoilée fin juin et portant sur l’année 2001 : le Québec se classe maintenant au 3e rang des provinces canadiennes pour sa proportion de non-fumeurs.
Selon le sondage de Statistique Canada, commandé par Santé Canada et basé sur environ 2 000 entrevues par province, on ne dénombrait plus que 24 % de fumeurs au Québec l’an dernier. Seules la Colombie-Britannique et l’Ontario font mieux, avec respectivement des prévalences de 17 et 20 %. La moyenne canadienne est de 22 %, toujours parmi les 15 ans et plus. Les sept autres provinces se bousculent tout juste derrière le Québec, avec des proportions d’environ 25 % ou 26 %. Les fumeurs canadiens écrasent donc d’un océan à l’autre.
Ces résultats « révèlent que le Canada devient progressivement un pays sans fumée », se réjouit Santé Canada sur son site Internet. Quant au bref communiqué émanant du bureau de la ministre Anne McLellan, il précise que le pays « se rapproche encore davantage de son objectif de ramener à 20 % la prévalence globale du tabagisme d’ici 2011. » Au rythme où elle baisse depuis trois ans – la prévalence était à 25 % en 1999 -, l’objectif de 20 % pour 2011 semble aujourd’hui pour le moins conservateur.
Notre 3e rang canadien devrait être accueilli avec modération, compte tenu de la marge d’erreur de 3 % du sondage, observe néanmoins André Gervais, médecin-conseil à la Direction de la Santé publique de Montréal. « La fait principal à retenir, c’est que nous sommes maintenant environ à l’égalité avec sept autres provinces. Pour y parvenir, la prévalence québécoise a baissé deux fois plus vite qu’ailleurs au pays depuis trois ans. L’exploit est là, et non pas sur le 3e rang qui peut être aléatoire », fait-il remarquer.
Coalition ravie
La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac a qualifié le dévoilement de ces données « d’excellente nouvelle pour la santé des Québécois ». Cette réduction du tabagisme s’insère dans une tendance à plus long terme, débutant au milieu des années 1990, alors que le Québec était la province avec le plus haut taux au pays, dépassant 35 % en 1994 et 1995. « Cela démontre l’efficacité des différentes mesures législatives et fiscales adoptées par les gouvernements fédéral et du Québec au cours des dernières années », soutient le coordonnateur de la Coalition, Louis Gauvin.
Le regroupement, fort de ses quelque 740 organisations membres, profite du succès des mesures antitabac en place pour demander aux gouvernements de faire progresser d’autres volets négligés, dont l’interdiction des appellations trompeuses (comme douces et légères), la réglementation des étalages promotionnels et le recours à des campagnes médiatiques plus musclées.
Étrangement, c’est The Globe and Mail qui a publié l’article le plus poussé sur cette chute du tabagisme québécois. « Autrefois cheminée nationale, le Québec écrase », a titré le quotidien torontois en première page. « Dans un autre assaut à sa distinction, le Québec a perdu son titre de paradis des boucaneux », constate la journaliste Ingrid Peritz, résumant les mesures antitabac mises en place depuis quelques années.
Maisons enfumées
Par contre, selon l’ESUTC de 2001, les enfants québécois forment toujours une société distincte et enfumée. Parmi les 0-11 ans, 28 % sont exposés régulièrement à la fumée de tabac à la maison, alors que la moyenne est de 16 % pour le reste du Canada. Parmi les 12-18 ans, 36 % des jeunes québécois subissent ce handicap, comparativement à une moyenne de 24 % pour les autres Canadiens du même âge.
Les jeunes québécois fument également davantage que leurs vis-à-vis au pays. Chez les 15-19 ans, la prévalence québécoise est de 28,6 %, contre 21,5 % parmi les autres Canadiens.
Tenu en mai dernier, un sondage de Léger Marketing arrive, lui aussi, à un résultat troublant concernant la nonchalance des Québécois face à la fumée de tabac à la maison. Fumer est banni dans seulement 36 % des résidences du Québec, alors que la proportion monte à 68 % en moyenne dans le reste du pays. C’est encore la Colombie-Britannique qui se classe en tête, avec 83 % de résidences sans fumée.
Maladies du coeur
L’exposition à la FTA à la maison est pourtant très dommageable. Publiée en début d’année par Santé Canada, dans sa revue Maladies chroniques au Canada, une étude estime, pour 1997 chez les non-fumeurs canadiens, à plus de 800 le nombre de décès par cardiopathie ischémique causés par la fumée de tabac respirée à domicile. Les chercheurs Margaret de Groh et Howard Morrison évaluent cette mortalité à 302 pour le Québec, la plus élevée au pays. « Si l’on parvenait à abaisser la prévalence de l’exposition à la FTA au Canada en la ramenant aux niveaux observés en Colombie-Britannique, on enregistrerait chaque année 480 décès de moins par cardiopathies ischémiques au Canada », ont-ils calculé. Cette étude ne concernait ni les effets de la fumée ambiante sur les fumeurs eux-mêmes, ni les autres incidences nocives touchant les non-fumeurs, dont les enfants.
Denis Côté