« Ça va bien, on continue! », se félicite la 3e conférence canadienne antitabac

La 3e Conférence nationale sur le tabagisme ou la santé a connu un beau succès de participation et d’organisation, du 1er au 4 décembre à Ottawa.

En fait, son hôte, le Conseil canadien pour le contrôle du tabac, avait même choisi un site trop étroit, l’historique Château Laurier situé près du Parlement. On a dû limiter le nombre d’inscriptions à 560 et en refuser plusieurs semaines avant l’événement. Bien qu’ils n’aient disposé que de très peu de temps, puisque Santé Canada n’a confirmé son appui financier qu’au début 2002, les organisateurs ont pu concocter un congrès impeccable, de calibre international.

Contrairement à ce que l’on a vu à la Conférence internationale francophone de Montréal en septembre dernier ou à la Conférence de Chicago en 2000, les délégués n’ont pas adopté de déclarations ou d’intentions particulières à l’issue des travaux. Ils ont écouté une brochette de spécialistes leur exposer les progrès de notre cause, tant au Canada qu’à l’étranger, de même que les défis auxquels nous sommes maintenant confrontés. Le message entendu peut se résumer ainsi, surtout à propos de la situation nationale : « Ça va bien, on continue! »

À Ottawa comme à Montréal, l’industrie du tabac s’était assurée de glaner de précieux renseignements en y déléguant une dizaine de représentants identifiés. Dans la capitale, le délégué québécois le plus connu du public était d’ailleurs un des leurs, Clément Godbout, ancien président de la Fédération des travailleurs du Québec, inscrit au nom d’un syndicat. Abordé par Info-tabac, M. Godbout a nié être mandaté par un fabricant de cigarettes : « Vous êtes drôle vous! Je suis ici à titre personnel. Je suis un retraité maintenant. »

Réalisations exemplaires

Des conférenciers ont résumé des réalisations exemplaires canadiennes, tels l’instauration des avertissements illustrés sur les paquets, une première mondiale, l’interdiction de fumer dans les restaurants et bars de la ville d’Ottawa, et le bannissement des étalages de cigarettes en Saskatchewan. La plupart des ministres provinciaux de la santé ont aussi livré un message d’encouragement par le biais d’enregistrements sur vidéo. Les propos de certains d’entre eux, notamment John Nilson de Saskatchewan et Dave Chomiak du Manitoba, n’avaient rien à envier à ceux les plus pointus des spécialistes antitabac. Le ministre québécois Roger Bertrand s’est abstenu.

Anne McLellan, ministre fédérale de la Santé, indisposée par une extinction de voix, n’a pu venir prononcer l’allocution principale de la matinée d’ouverture, le 2 décembre. Elle fut remplacée par son sous-ministre Ian Green. Plusieurs avaient espéré que Mme McLellan aurait profité de la Conférence pour annoncer un déblocage dans un dossier important, sur les cigarettes légères ou les étalages dans les points de vente par exemple. Le discours du sous-ministre, poliment salué par les délégués, en fut un de circonstances, rappelant les grandes lignes de la stratégie antitabac de son gouvernement. Plusieurs hauts dirigeants du Programme de la lutte au tabagisme de Santé Canada ont également partagé la tribune du congrès, dont la directrice Hélène Goulet et ses collègues Dawn Hachez, Carole Sutherland-Brown et Karen Dufton. Les organisateurs ont réussi à jumeler les présentations de fonctionnaires avec celles d’organismes privés, afin d’harmoniser les relations, les motivations et les actions de tous.

Au cours de l’année 2002, Santé Canada s’est notamment distingué par la contribution surprise d’une ex-serveuse de restaurant, Heather Crowe. N’ayant jamais fumé, elle est pourtant atteinte d’un cancer du poumon incurable, hérité de son travail dans des lieux enfumés pendant des décennies. Mme Crowe est au centre d’une vaste campagne de sensibilisation, fort réussie, contre la fumée de tabac dans l’environnement (FTE), tant à la télé que par affichage. Le sous-ministre Green a d’ailleurs présenté à cette dame courageuse une statuette, en guise d’appréciation pour son combat contre la FTE. M. Green a également décerné une plaque de reconnaissance à Louis Gauvin, coordonnateur de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. M. Gauvin était entre autres honoré pour son apport à titre de premier président du Comité consultatif ministériel sur le contrôle du tabac.

Conférenciers de marque

Durant les séances plénières, des sommités mondiales de la lutte antitabac ont abordé leurs propres succès et difficultés, souvent en relation avec la situation canadienne. Représentant l’Afrique du Sud dans les négociations du projet de Convention-cadre pour la lutte antitabac, Patricia Lambert a félicité le gouvernement canadien pour son rôle dans l’élaboration de ce traité qui doit être adopté par l’Organisation mondiale de la santé en mai prochain. Aux côtés des pays en développement pour promouvoir une convention forte, le Canada se distingue de son puissant voisin américain qui, avec les deux autres pays les plus riches de la Terre, le Japon et l’Allemagne, grenouille plutôt pour diluer les dispositions du traité mondial, a-t-elle expliqué.

Orateur doué et amusant, le Dr Dileep G. Bal a résumé le programme antitabac de Californie, réputé pour être l’un des plus novateur et efficient au monde. Doté d’un budget colossal, ce programme connaît un succès retentissant, redevable principalement à deux éléments clés : d’audacieuses campagnes médiatiques osant attaquer l’industrie et l’interdiction de fumer dans tous les lieux publics intérieurs. Au pays de la liberté, on a réussi à rendre « peu acceptable » l’usage du tabac. Depuis 20 ans, la consommation californienne a chuté de 160 paquets (de 20 cigarettes) par année, par adulte, à moins de 50, alors que pour la moyenne des États-Unis, elle passait de 190 à 100. « Pas besoin d’être Einstein pour constater que notre programme marche bien », a lancé M. Bal.

La présidente de la Conférence, Elinor Wilson, conseillère scientifique à la Fondation des maladies du cœur du Canada, et le président du Conseil canadien pour le contrôle du tabac, John Garcia, agirent à titre d’animateurs et hôtes, introduisant les autres conférenciers et récapitulant le déroulement des journées.

Les résumés d’une centaine des présentations orales ou par affichage sont disponibles, pour la plupart en anglais, sur le site de la firme Taylor d’Ottawa, mandataire de l’organisation. Les présentations orales sont groupées selon les 12 thèmes abordés. Quant à la compagnie Audio Archives, elle offre des bandes d’une trentaine de séances, également en anglais pour la plupart, au prix de 11 à 33 $ selon la durée (liste et commande au 905 889-6555, poste 22, événement no 021201).

Les conférences canadiennes antitabac ont lieu théoriquement à tous les trois ans, mais six années séparèrent celle-ci de la précédente, tenue en 1996 également à Ottawa.

Denis Côté