Le nombre de fumeurs a un peu diminué au Québec en 2008

Nouvelles données de Statistique Canada
Selon des données de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC), réalisée chaque année par l’agence Statistique Canada et publiée le 26 juin dernier, la prévalence du tabagisme dans la population québécoise de 12 ans et plus a repris en 2008 sa lente tendance à la baisse, après une petite remontée en 2007.

En revanche, le vrai nombre et la vraie proportion des personnes qui fument occasionnellement ou quotidiennement pourraient être un peu plus grands, dans chacune des provinces canadiennes et parmi les différentes tranches d’âge de la population, que ce que nous avons coutume de croire en nous basant habituellement sur l’Enquête de surveillance de l’usage du tabac au Canada (ESUTC). L’ESUTC et l’ESCC sont conduites par Statistique Canada, mais avec des approches distinctes. C’est aux données de l’ESUTC, réalisée deux fois par année, pour le compte de Santé Canada, que référaient les textes d’Info-tabac sur la prévalence du tabagisme parus en octobre 2008 ainsi qu’en janvier et mars derniers.

Les enquêtes de l’agence fédérale de statistique révèlent néanmoins toutes les deux une tendance à la baisse, lente et en dents de scie, du phénomène tabagique au Québec.

Lent déclin : un aperçu

Selon l’ESCC, la proportion des Québécois de 12 ans et plus qui fument la cigarette est passée de 26,0 % en 2003 à 23,3 % en 2008. Cela signifie qu’il reste environ 1,54 million de fumeurs de 12 ans et plus au Québec. Dans l’ensemble du Canada, durant les mêmes cinq années, la prévalence a baissé de 23,0 à 21,4 % de la population de 12 ans et plus. Le Québec se rapproche donc très tranquillement de la moyenne canadienne.

Entre 2003 et 2008, chez les Québécois de 12 à 19 ans, la prévalence du tabagisme a glissé de 20,2 à 15,2 %. Cette amélioration est surtout due à la remarquable chute du taux chez les adolescentes, de 20,5 à 12,9 % en cinq ans, pendant que la prévalence du tabagisme masculin aux mêmes âges est passée de 19,8 à 17,4 %.

De plus, durant ces mêmes cinq ans, tous âges et sexes confondus, les Québécois qui fument quotidiennement ont davantage baissé en nombre que les Québécois qui fument occasionnellement.

De jeunes adultes nombreux à fumer

En 2008 au Québec, environ 466 000 personnes de 20 à 34 ans fumaient quotidiennement ou occasionnellement. Dans cette tranche d’âge, 34,2 % des hommes et 26,0 % des femmes sont des adeptes de la cigarette.

C’est dans la population de 20 à 34 ans qu’on observe la plus forte proportion de fumeurs, au Canada comme au Québec.

À l’inverse, les personnes de 12 à 15 ans et celles de 65 ans et plus sont proportionnellement les moins nombreuses à fumer. La forte prépondérance des non-fumeurs aux deux bouts de la pyramide des âges n’a cependant pas la même cause.

On ne peut que créditer l’effort de prévention du tabagisme pour les résultats encourageants chez les adolescents les plus jeunes. Dans l’ensemble de la population canadienne de 12 ans et plus, la proportion des personnes qui n’ont jamais fumé de leur vie augmente peu à peu.  Ainsi par exemple, 45,8 % des femmes et des hommes de 20 à 24 ans en 2008 au Canada n’avaient jamais fumé, ce qui, aux dires de Statistique Canada, est pratiquement autant de personnes peu susceptibles de tomber dans la dépendance au tabac durant le reste de leur vie.

Quant à la faible prévalence du tabagisme chez les personnes âgées de 65 ans et plus, elle s’explique seulement en partie par la crainte justifiée des méfaits du tabac, qui a notamment transformé nombre d’anciens fumeurs en non-fumeurs, et d’autre part par les décès prématurés survenus chez les fumeurs.

Régions : des écarts rarement significatifs

Avec des proportions de fumeurs égales à respectivement 28,6 %, 28,7 % et 28,9 % de leur population de 12 ans et plus, les régions de Lanaudière, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, ainsi que de la Côte-Nord, sont les seules des 17 régions administratives du Québec qui s’écartent significativement de la moyenne observée dans l’ensemble québécois (23,3 %) .

Par contre, les taux de prévalence du tabagisme observés en 2008 dans les différents territoires et provinces du Canada s’écartent les uns des autres. L’Alberta (22,7 %), l’Île-du-Prince-Édouard (21,1 %), et surtout l’Ontario (19,8 %) et la Colombie-Britannique (18,6 %) affichent de meilleurs résultats que le Québec. Le tabagisme a toutefois regagné du terrain en Colombie-Britannique en 2008. C’est le Nunavut qui a le plus de pain sur la planche au pays, alors que 54,2 % de sa population de 12 ans et plus fume. De quoi préoccuper Leona Aglukkaq, l’unique députée de ce territoire à Ottawa, qui est aussi l’actuelle ministre fédérale de la Santé.

Tabagisme passif : revenir de loin

Parmi les dix provinces canadiennes, le Québec demeure celle où la proportion des non-fumeurs de 12 ans et plus exposés à la fumée secondaire à domicile est la plus forte (9,7 %), selon les données de l’ESCC de 2008.

De 2003 à 2008, le tabagisme passif à la maison a tout de même diminué année après année au Québec et au Canada pris dans son ensemble. En 2007, c’était encore 12 % au lieu de 9,7 % des non-fumeurs de 12 ans et plus au Québec qui déclaraient être exposés à cette fumée secondaire.

Au sein de la population non fumeuse de 12 ans et plus, dans l’ensemble du pays, ce sont les garçons et les filles de 12 à 19 ans qui forment encore le groupe d’âge le plus souvent condamné à respirer à la maison la fumée d’un proche. Au Canada, la proportion des adolescents non fumeurs qui déclarent y être exposés est à peu près le double de la moyenne enregistrée auprès des non-fumeurs plus âgés.

C’est cependant à la tranche d’âge des 12 à 19 ans que le rattrapage opéré par les ménages québécois entre 2007 et 2008 semble avoir le plus profité. En 2007 au Québec, 27,8 % des non-fumeurs de 12 à 19 ans, au lieu de 20,0 %, déclaraient être exposés à la fumée secondaire à la maison.

Méthode différente, taux différents

La prévalence du tabagisme, telle qu’estimée par l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC), est généralement supérieure à l’estimation produite par l’Enquête de surveillance de l’usage du tabac au Canada (ESUTC).

Pour mesurer le phénomène tabagique, Statistique Canada pose exactement les mêmes questions lors des deux enquêtes, mais procède différemment. Même si les deux enquêtes sont menées avec professionnalisme, il est vraisemblable, selon l’analyste Sylvain Tremblay de Statistique Canada, que le contexte de l’ESUTC introduise un certain biais défavorable aux aveux de tabagisme par les personnes « surveillées ».

Dans le cas de l’ESCC, au cours de quatre des six derniers sondages, la trentaine de questions liées à l’usage du tabac a figuré dans un total de 200 questions visant à connaître les comportements sanitaires et les vues des personnes de 12 ans et plus. Par comparaison, l’ESUTC concerne exclusivement l’usage du tabac, comme son nom le proclame. L’approche des deux enquêtes n’étant pas identique, il est naturel que les réponses des personnes sondées diffèrent légèrement.

Menées auprès d’un échantillon unique de 9000 personnes de 15 ans et plus, comparé à 65 000 personnes de 12 ans et plus pour l’ensemble des échantillons régionaux de l’ESCC, les entrevues de l’ESUTC se font toutes au téléphone, alors que celles de l’ESCC se font dans la moitié des cas au domicile des personnes sondées, en utilisant le carnet d’adresses que Statistique Canada tient à jour pour d’autres sondages. La variété des contextes d’entrevue n’étant pas la même dans les deux enquêtes, on comprend que les déclarations des répondants diffèrent légèrement.

Le taux de réponse supérieur en utilisant un carnet d’adresses (80%) au lieu d’un bottin téléphonique (75 %), et surtout un nombre plus élevé de répondants dans chaque tranche d’âge, province, territoire ou région, permettent toutefois, selon Sylvain Tremblay, de comparer les estimations de prévalence provenant de l’ESCC avec plus d’assurance que celles de l’ESUTC.

Pierre Croteau