La CQCT dépose une plainte contre les autocollants sur les paquets de cigarettes

L’industrie du tabac récidive, estime la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT), et les efforts qu’elle déploie pour faire fi de la loi sont cette fois plus audacieux que jamais.

Certains cigarettiers ont en effet refait la présentation de leurs emballages en apposant de la publicité sur la pellicule de cellophane qui recouvre les paquets. D’autres ont tout simplement ajouté sur l’emballage initial des autocollants qui, faciles à retirer, permettent de prendre connaissance d’un message faisant valoir l’histoire prestigieuse du produit. Dans les deux cas, le message véhiculé par l’emballage mise sur la valeur, le caractère distinctif et la qualité du produit, ce qui, selon Flory Doucas, la porte-parole de la CQCT, est de toute évidence une tentative de contournement de la loi.

Du côté de Rothmans Benson & Hedges, on a ajouté le message « Nouveau look – Même goût » sur la pellicule de cellophane.

« Il est clair pour nous que ces publicités sont illégales, explique madame Doucas. La loi québécoise précise clairement les véhicules publicitaires auxquels est confinée la publicité en faveur du tabac, et les collants sur les emballages n’en font pas partie. Les autocollants sur les paquets représentent la plus récente et la plus audacieuse des stratégies de l’industrie du tabac pour contourner les interdictions sur la publicité, ajoute-t-elle. Une fois de plus, l’industrie se moque des lois sur le tabac et poursuit ses efforts en vue de vanter les supposés bénéfices de ses produits mortels auprès des fumeurs. »

Discours de l’industrie

L’industrie du tabac soutient que ces initiatives respectent les limites de la loi. Fait intéressant, Imperial Tobacco Canada reconnaît cependant que les autocollants en question correspondent à des moyens de communication. « Les collants sont conformes à la loi, qui nous permet d’utiliser 50 % du paquet pour véhiculer des informations relatives au produit et à la marque », déclare Éric Gagnon, le porte-parole d’Imperial Tobacco Canada. « On ne diffuse pas de fausse information. Il est très difficile pour nous, maintenant, de communiquer avec le consommateur. Nous offrons plusieurs marques différentes et divers formats pour une même marque. Notre objectif est que les gens qui ont fait le choix de fumer choisissent nos produits plutôt que ceux de la compétition », ajoute M. Gagnon.

Replâtrer tout de suite la brèche

Le 21 janvier, la CQCT a déposé une plainte auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux au sujet de la nouvelle pratique de l’industrie. La CQCT croit qu’il faut protéger les fumeurs de ce genre de manoeuvres destinées à les rassurer et à leur donner l’impression qu’ils s’inscrivent dans une innocente tradition. « La publicité ciblant les fumeurs est particulièrement sournoise, puisque les fumeurs souffrent justement d’une dépendance à ces produits mortels et qu’ils peuvent difficilement agir en tant qu’acteurs autonomes exerçant un choix libre face à cette publicité », précise Mme Doucas.

L’emballage est un élément essentiel d’un produit comme le tabac. En fait, l’industrie du tabac aura beau prétendre que cette façon de faire vise simplement à transmettre de l’information à sa clientèle, on sait que les cigarettiers ont déjà, par le passé, signalé l’importance qu’ils accordent véritablement au pouvoir de leur emballage.

Dans un document publié en 1982 pour célébrer son vingt-cinquième anniversaire, la compagnie Rothmans parlait en effet de l’importance de l’emballage en matière de publicité. La compagnie s’y disait très consciente du fait que tout consommateur choisit sciemment de porter sur lui en tout temps un paquet sur lequel figure le logo de Rothmans. « Il voit et sort son paquet plusieurs fois par jour, et chaque occasion permet de révéler la personnalité de l’homme ou de la femme qui fume ou utilise la marque ainsi arborée » (traduction du Centre de recherches pour le développement international). Il ne faut jamais sous-estimer la confiance inspirée par chaque petit détail, professait la compagnie, et on ne doit en négliger aucun.

Appliquer une solution durable

Le gouvernement doit intervenir sans tarder, soutient Mme Doucas, même si à ses yeux le problème persistera tant qu’on ne changera pas la loi. « Même si le gouvernement intervient, il sera sans doute trop tard, puisque le dégât est déjà fait et que l’industrie passera bientôt à sa prochaine ruse. L’industrie parvient continuellement à déjouer les restrictions sur la promotion. Pire encore, le tâtonnement du gouvernement face à ses infractions invite les compagnies de tabac à adopter un comportement de plus en plus audacieux. »

La CQCT propose un moratoire sur le lancement de nouveaux produits du tabac ou de nouvelles marques. Selon elle, ces produits ne seraient jamais autorisés à être mis sur le marché si on les concevait aujourd’hui. Or, l’industrie moderne du tabac continue de proposer de nouveaux produits encore et encore afin de s’attirer de nouveaux consommateurs. Un tel moratoire mettrait immédiatement fin à ces pratiques de marketing trompeuses qui jouent sur le produit et son emballage.

Avec une obligation de vendre le tabac dans des emballages uniformisés et neutres, une mesure que réclame la CQCT, seul le nom du produit, présenté dans un format, une police de caractères et une couleur uniformes, serait alors visible. Une uniformisation du fond de couleur et du format des paquets éliminerait la présence d’illustrations, de logos et de tout autre type de matériel publicitaire actuellement utilisé pour faire la mise en marché trompeuse des produits du tabac, et leur permettre de se distinguer entre eux en jouant sur les marques et l’image.

 Joey Strizzi